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HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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L’Esprit Saint viendra sur toi et il te prendra sous son ombre

Dans la première lecture d’aujourd’hui, David veut construire un temple à Jahvé : «J’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite sous la tente.» Mais un peu plus loin dans le texte, nous voyons que Dieu refuse. «Est-ce toi qui me construira une maison pour que j’y habite?» … Dieu ne veut pas se laisser enfermer dans un temple de pierre. David aimerait offrir à Dieu une demeure stable, un espace sacré, alors que le Seigneur se veut nomade avec son peuple, il veut l’accompagner partout où il se trouve.

Le mystère de l’Incarnation n’est pas simplement un anniversaire de naissance. C’est une invitation à partager la vie même de Dieu dans notre vie de tous les jours.

La fête de Noël nous révèle que le temps où l’on cherchait Dieu sur les sommets, dans les nuages, dans les sanctuaires, dans les rites et les sacrifices est fini. Fini le temps des ziggurats, des pyramides, le temps où les hommes multipliaient les efforts pour s’élever jusqu’à Dieu (Tour de Babel). Ce n’est pas nous qui devons monter pour nous approcher de Dieu, c’est Dieu qui descend et vient habiter chez-nous.

À Noël, nous célébrons le Dieu qui se cherche une demeure. Le contraste entre le projet de David et celui de Marie devient évident. Marie reçoit Dieu dans son humble maison de Nazareth et lui permet d’habiter en elle. Elle devient alors la nouvelle arche d’alliance, le nouveau temple de Dieu. Saint Paul pourra écrire sans hésitation aux chrétiens de Corinthe: «Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit habite en vous? Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous !» (1 Co 3, 16-17).

Luc, dans son évangile, utilise l’image de la «nuée», de «l’ombre», de la «shekinah», signe de la présence de Dieu. «L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre». Dans le livre de la Genèse, au début de la création, l’Esprit planait sur les eaux pour afin de donner la vie (Gen 1, 2). L’Esprit qui vient sur Marie, le jour de l’Annonciation, engendre maintenant une nouvelle création.

En cette fête de Noël, Dieu cherche un endroit où habiter. Espérons que nous ne soyons pas obligés de constater que chez-nous, comme à Bethléem, «il n’y a pas de place pour lui dans notre auberge». Dieu ne veut pas être mis à part, être enfermé dans un lieu sacré. Il préfère vivre dans la confusion de nos vies quotidiennes.

La venue de Dieu n’a rien «d’une visite officielle» comme celles que font les grands de ce monde qui se rendent en secret en Irak ou en Afghanistan, entourés de centaines de soldats et de nombreux garde du corps. Ces dirigeants n’ont aucun contact avec les gens du peuple qui souffrent de la violence, de la peur, de l’angoisse, de la pénurie d’eau, de denrée, de médicaments et d’électricité. Quand il vient à Noël, Jésus n’est pas entouré de gardes du corps et de grandes mesures de sécurité. Il entre dans notre monde en clandestin, en sans-papier. Il veut être près de nous pour savoir exactement ce qui se passe dans nos maisons et dans nos cœurs. Il n’a pas besoin d’itinéraires prédéterminés «pour motif de sécurité». Dieu ne fuit pas les difficultés de la vie. Il est simplement l’un de nous. Il s’invite dans nos maisons, comme il le fit chez Marie. Nous pourrons alors le conduire un peu partout, dans le vrai monde, particulièrement chez ceux et celles qui souffrent, chez ceux et celles qui ont le plus besoin de notre aide : les malades, les personnes âgées, les jeunes aux prises avec des problèmes de drogues, les sans travail, les sans foyer, les personnes seules, etc. C’est ce qui s’est passé avec Marie. Une fois qu’elle eut prononcé son « fiat » («qu’il me soit fait selon ton désir»). Elle quitta son village «en hâte» pour visiter sa cousine Élizabeth qui, elle aussi était enceinte, et avait besoin d’assistance. Marie voulait ainsi partager sa grande joie d’être devenue le temple de Dieu.

La liturgie de ce quatrième dimanche de l’Avent pourrait s’intituler: «Dieu cherche une maison !» Luc constate «qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’auberge»… et saint Jean ajoute : «Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu». Chez Marie, le Seigneur a trouvé un accueil chaleureux : «Que tout se passe pour moi selon ta parole». Espérons qu’il en soit ainsi chez-nous en cette fête de Noël.

Le mystère de l’Incarnation n’est pas simplement un anniversaire de naissance. C’est une invitation à partager la vie même de Dieu dans notre vie de tous les jours.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 10 décembre 2017

Deuxième dimanche de l’Avent

 (Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada).

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« Préparez le chemin du Seigneur! »

Les trois lectures de ce deuxième dimanche de l’Avent nous invitent à bien nous préparer à la venue du Seigneur. Isaïe souligne le besoin  «d’aplanir le chemin, de combler les ravins, de redresser les passages tortueux», Pierre et Jean Baptiste ajoutent qu’il est important de «convertir notre cœur». Il nous faut «embellir» notre maison pour bien accueillir le Seigneur. Qu’est-ce que nous pourrions changer pour être plus fraternel, plus chrétien, plus humain ?

Jean n’est pas allé au désert pour s’assoir en silence. Il a vécu une conversion profonde et il invite les autres à en faire autant. Il sait que le contact avec Dieu peut transformer notre vie et nous redonner la joie et l’espérance.

Le désert peut prendre des formes différentes : un lieu retiré où il devient possible d’entendre ses voix intérieures, une église et sa communauté chrétienne qui nous invitent au recueillement et au partage, un groupe de réflexion où l’on construit avec d’autres notre vision du monde, un site Internet qui ouvre des nouveaux horizons et nous met en contact avec d’autres chercheurs de sens, une œuvre d’art ou une pièce musicale qui nous amène à aller plus loin au dedans de nous-mêmes, etc… Le désert est l’endroit qui nous permet de diminuer le volume des bruits discordants qui nous agressent de toutes parts. C’est l’environnement qui nous met en position d’écoute, de veille et d’attente.

Toutes les attentes ne sont pas bénéfiques et certaines ne servent à rien. Dans la très belle pièce de théâtre de Samuel Becket : « Waiting for Godot » (En attendant Godot) quelques personnes sont assises par terre et parlent, pendant toute la pièce, de la venue prochaine de Godot. Ils soulignent l’importance de sa venue. Vers la fin, quelqu’un entre et leur dit que Godot est arrivé dans le village voisin. L’un des personnages s’exclame : «il faut aller le retrouver…» mais personne ne bouge. Ils restent assis et continuent à parler pendant que le rideau tombe et que la pièce prend fin. Une telle attente passive, remplie de verbiage vide, ne sert absolument à rien, dit Becquet.

Il existe une autre sorte d’attente, qui met les gens sur pied et provoque l’engagement, la planification constructive, l’espérance ouverte sur l’avenir, et la joie communicative. C’est, par exemple, l’attente de parents qui se préparent à la naissance d’un enfant. Ils peignent la chambre, trouvent un berceau et un petit lit, décorent les murs, achètent des vêtements pour l’enfant qui va naître, se réjouissent avec leurs parents et leurs amis. Ils font tout pour que cette naissance soit célébrée dans la joie. C’est un modèle de l’attente dont parle l’évangile.

Noël, est la plus grande fête de l’année. Il faut bien la préparer. C’est la fête de la venue de Dieu parmi nous : «Préparez les chemins du Seigneur, aplanissez sa route». Sans cet effort, nous risquons de nous laisser prendre par le clinquant des grands magasins et de rater complètement la venue du Seigneur. Comme le dit Jean baptiste, Dieu viendra chez-nous si nous lui préparons le chemin. Dans notre pays de froid, de glace et de neige, nous savons que préparer une route demande beaucoup de travail. Pendant toute la période d’été, les programmes de réparation se multiplient à travers le pays, afin de remettre les routes en bonne condition avant que la neige ne recouvre le sol.

Sur la route de notre vie, le temps a multiplié les trous, les bosses, les nids de poule. Il y a des courbes trop raides et des dénivellations trop accentuées. Il s’agit donc de redresser, aplanir, réparer, illuminer, repaver. Nous sommes invités aujourd’hui à regarder notre vie pour voir ce qui doit être amélioré ou refait à neuf, afin de permettre au Seigneur d’arriver jusqu’à nous. Qu’est-ce que nous pourrions changer pour être plus fraternel, plus chrétien, plus humain ?

L’Avent est un temps d’attente, de préparation, de conversion. Il s’agit de tourner le dos au passé et de miser sur le présent et sur l’avenir, de changer la vision que nous avons de nous-mêmes, afin de devenir meilleurs. C’est une affaire de cœur. C’est une invitation à «préparer les chemins du Seigneur».



HOMELIE DOMINICALE

Dimanche 3 Décembre 2017

Premier dimanche de l’Avent, B

 (Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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« Veillez, car vous ne savez pas quand le maître reviendra »

 Souvent nous voyons dans ce texte une exhortation à attendre dans la crainte le jour du jugement. Ce qui intéresse Jésus, ce n’est pas le jugement dernier et la fin du monde, mais bien notre comportement de tous les jours. C’est aujourd’hui que le Christ nous invite à une vigilance active et constante. De cette vigilance dépend la qualité de vie de notre famille, de notre Église et de notre monde. Dieu «nous a donné tout pouvoir», il nous fait confiance et il compte sur nous. Dieu nous confie le petit monde dans lequel nous vivons et nous invite à la vigilance.

L’ Avent est une période d’activités, de préparation et d’attente. Noël s’en vient! Dans la vie, les moments qui précèdent les événements importants sont pleins de fébrilité et de mouvements : les fiançailles, la naissance d’un enfant, le retour d’une personne chère, les résultats d’une recherche, l’aboutissement d’un projet… Il nous faut être vigilants et bien utiliser le temps qui nous est accordé. Il nous faut profiter du moment présent pour rendre notre monde plus humain, plus beau, plus «vivable».

Saint Paul utilise un langage imagé pour parler de la vigilance. Il nous invite à nous «arracher au sommeil» (Rom 13, 11). C’est comme si nous étions en danger d’engourdissement. Nous songeons à l’abrutissement qui nous vient quand nous abusons de somnifères. Les réflexes de défense ne fonctionnent plus, un peu comme le conducteur qui a trop bu d’alcool, et qui quitte la route sans s’en apercevoir.

L’ Avent c’est une période pendant laquelle nous sommes invités à mettre de côté notre tiédeur, notre paresse, notre médiocrité spirituelle. «Seigneur, mon Dieu, illumine mes yeux afin que je ne dorme pas du sommeil de la mort.» (Psaume 13, 4) Jésus nous voit comme une maison où l’on veille, une maison aux fenêtres éclairées quand toutes les autres sont dans le noir : «prenez garde, veillez!»

Autrefois, nous parlions de l’Église militante. Aujourd’hui, il faut parler de l’Église vigilante, c’est-à-dire une communauté pleinement consciente de ses responsabilités et désireuse de vivre selon les valeurs proposées par le Seigneur. J’ai lu quelque part cette belle phrase : «On surveille au nom de la loi (caméras de surveillance); on veille au nom de la tendresse.» «Veiller» révèle la tendresse que nous avons pour ceux et celles que nous aimons. Celui qui aime veille toujours. La mère de famille qui veut rendre sa maison accueillante veille continuellement. Lorsqu’un enfant est malade, la mère et le père veillent et entourent l’enfant…

Dans son livre «The Arend Islands», le poète irlandais, John Millington Synge, nous raconte l’histoire d’une femme qui attend le retour de son mari. Il y a trois mois,  il est parti sur un bateau de pêche et maintenant, chaque jour, elle se rend au bout du quai, scrute l’horizon espérant le retour de celui qu’elle aime. Elle connaît les dangers de la mer, mais elle a la certitude que son mari reviendra. Elle le serrera sur son cœur et le conduira à la maison pour y retrouver leurs enfants. Pour son retour, elle a préparé des mets spéciaux, confectionné des vêtements neufs, nettoyé et décoré la maison. Son attente est pleine de projets et pleine d’espérance.

Dans un foyer pour personnes âgées, un vieillard se prépare à la visite de sa fille. Il sait qu’elle viendra et cela lui donne la joie et l’espérance nécessaire pour affronter les difficultés de la vie quotidienne.

Dans l’évangile, chaque jour un Père se rend sur le haut de la colline, attendant le retour de son plus jeune fils. Lui aussi espère, et il pense à la fête qui suivra les retrouvailles avec son fils prodigue.

Veiller, être prêts, bien utiliser le temps qui nous est donné! Si aujourd’hui nous avions à rencontrer notre créateur, serions-nous prêts? C’est la question que nous pose l’Avent… non pas pour nous effrayer mais pour nous inviter à utiliser de façon responsable le temps qui nous est donné. Dieu nous fait confiance. Il nous met en charge et nous invite à la vigilance.

On dit souvent que la religion est l’opium du peuple, qu’elle nous empêche de vivre le moment présent, en attendant le ciel, en attendant la mort. C’est tout le contraire! Le christianisme nous invite à être vigilants et actifs maintenant, chaque jour.

Dieu nous confie le petit monde dans lequel nous vivons et nous invite à la vigilance. C’est une belle et importante responsabilité !

Veillez, car vous ne savez pas quand le maître reviendra



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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Celles qui étaient prêtes entrèrent dans la salle de noces

L’Église nous propose, en ces derniers dimanches de l’année liturgique, des passages d’évangile, où Matthieu a regroupé les enseignements du Seigneur sur les «derniers Temps» : annonce de la destruction du Temple, invitation à la vigilance, le serviteur qui attend son maître, les jeunes filles qui doivent accompagner le marié, la parabole des talents, le jugement dernier. Il faut se rappeler que l’évangéliste écrit son texte quelques années seulement après la destruction de la ville et du Temple de Jérusalem. Ceci lui apparaît comme le signe évident de la fin d’un monde qui est disparu à jamais.

L’évangile souligne ici qu’en fin de compte nous devons seuls assumer la responsabilité de nos choix. L’évangile d’aujourd’hui nous parle de jeunes femmes sages et de jeunes femmes folles. Le mot «folles», «môrai», ne signifie pas tellement une personne sans intelligence, mais plutôt une personne impie, celui ou celle qui est assez fou pour s’opposer à Dieu. Le Psaume 14, 1 nous dit : «Le fou (môros) dit en son cœur: il n’y a pas de Dieu!». Dans les évangiles, «môros» désigne «celui ou celle qui bâtit sa maison sur le sable et ne met pas en pratique les paroles de Jésus» (Mt 7, 24)… Il s’agit donc d’une attitude spirituelle.

Cette parabole s’applique à chacun de nous : parfois, nous sommes comme les jeunes filles prudentes qui ont su se faire des réserves et parfois nous sommes comme les jeunes filles sottes qui ne pensent qu’à l’instant présent. L’être humain et l’animal ont l’habitude de prévoir et faire des provisions. A l’approche de l’hiver, les ours se préparent au sommeil hivernal, les castors et les ratons-laveurs recherchent des endroits chauds et protégés. Les écureuils ramassent des glands et des noix qu’ils entreposent afin de subsister jusqu’au printemps. Nous équipons nos voitures de pneus d’hiver, sortons nos manteaux et nos bottes, achetons du bois et de l’huile à chauffage. Les humains comme les animaux sont à la fois avisés et prudents, sages et vigilants, dans leur manière d’agir.

Au cours de notre vie, nous avons sans doute connu des moments difficiles où une réserve d’amour, de tendresse et de compréhension nous ont permis «de passer à travers». Nous nous sommes alors posé la question: «Comment ai-je pu traverser tout cela?» La force de caractère, la persévérance, l’espérance et l’amour nous ont permis de récolter les fruits d’une prévoyance riche en patience et en compréhension. Par contre, Nous avons peut-être expérimenté personnellement le coût du manque de prévoyance : lorsqu’une perte d’emploi ou une grève inattendue nous prend au dépourvu, lorsque le manque de solidarité provoque la fin d’une grande amitié, lorsque des mésententes continuelles conduisent à la séparation ou au divorce.

Nous ne pouvons espérer qu’un projet se prolonge quand les ressources sont épuisées, nous ne pouvons atteindre le printemps sans avoir, à l’automne, constitué des réserves. La différence entre les jeunes filles sages et les jeunes filles étourdies est la capacité de faire des réserves.

Certaines personnes pensent que les «sages» sont égoïstes parce qu’elles ne veulent pas partager leur huile, mais l’évangile souligne ici qu’en fin de compte nous devons seuls assumer la responsabilité de nos choix. Nous ne serons pas sauvés parce que nous avons une tante religieuse, une mère qui priait le chapelet chaque jour, des parents qui allaient à la messe régulièrement, un fils qui travaillait avec les immigrants et les pauvres. On devra répondre personnellement de ce que nous avons fait ou manquer de faire. Le Christ insiste sur la responsabilité de chacun et de chacune.

Dans le roman de Thorton Wilder, Le Pont de San Luis Rey, où l’action se déroule au Pérou, l’auteur raconte l’histoire de quelques personnes qui voyagent sur une diligence, au 19e siècle. Arrivés à San Luis Rey, le vieux pont s’effondre sous le poids de la diligence et tous les passagers perdent la vie. Wilder raconte ensuite l’histoire de chacun des voyageurs : un avocat, un prêtre, une infirmière, un homme d’affaire, une mère d’une famille, un travailleur de la construction, une servante de famille bourgeoise. À la fin de chaque chapitre racontant la vie d’un des figurants, Wilder se demande : était-elle, était-il prêt à rencontrer son créateur ? La même question pourrait se poser pour les quelque 3000 personnes qui ont perdu la vie lors de l’attaque terroriste du 11 septembre, ou encore, lorsque quelqu’un est tué dans un accident, meurt d’un cancer, est victime d’un tsunami ou d’un tremblement de terre.

Certaines personnes croient que la foi chrétienne est une sorte d’aliénation, une croyance qui n’a d’influence qu’après la mort et que les chrétiens ne sont pas intéressés au temps présent… c’est exactement le contraire. La foi chrétienne nous invite à agir maintenant, à ne pas gaspiller le temps qui nous est donné. L’éternité commence maintenant et le temps nous est offert comme un cadeau pour que nous ouvrions les yeux et le cœur afin de faire autant de bien que possible.

«Soyez prêts !» Il ne s’agit pas de deviner quand le moment de la mort arrivera, mais bien d’être toujours prêts à rencontrer le Seigneur.

Nous les chrétiens ne vivons pas avec un calendrier dans les mains, essayant de découvrir le jour où le Seigneur viendra, nous vivons avec une boussole qui nous indique la direction à suivre pour arriver à bon port. Et lorsque le jour de la mort arrivera, que ce soit dans une semaine ou dans plusieurs années, nous serons prêts, avec de l’huile en réserve.

L’huile de la charité permet à notre lampe de rester allumée : «Chaque fois que vous l’avez fait pour l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait.» Dieu nous donne le temps pour que nous puissions bien nous préparer à sa venue. «Celles qui étaient prêtes entrèrent dans la salle de noces.» L’évangile souligne ici qu’en fin de compte nous devons seuls assumer la responsabilité de nos choix

La foi chrétienne nous invite à agir maintenant, à ne pas gaspiller le temps qui nous est donné.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 5 novembre 2017

31ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

(Homélie du père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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 Ils agissent toujours pour être remarqués

Les textes du 31e dimanche nous parlent de mauvais exemples, de fausses images, de recherche de promotion, de corruption, d’abus de pouvoir : des thèmes que nous connaissons bien. Nous n’avons qu’à lire les journaux et regarder la télévision pour nous rendre compte que la Parole de Dieu s’applique aussi à notre monde d’aujourd’hui.

La corruption des dirigeants à tous les niveaux de gouvernement, l’abus de pouvoir des riches et des puissants qui imposent leur loi et ne recherche que leur intérêt, l’irresponsabilité de certains groupes religieux vis-à-vis les victimes de pédophilie, la cupidité et l’avidité des banques et des systèmes financiers qui provoquent des crises économiques à répétition, les nombreux scandales de certains représentants politiques… tout cela a créé une crise de confiance sans précédent dans l’histoire de nos institutions.

L’autorité de Jésus est exclusivement une autorité de service et de la libération

  • Comment pouvons-nous amener les jeunes à résoudre leurs différends de façon pacifique lorsqu’ils voient chez les adultes les tactiques violentes utilisées pour régler les problèmes, lorsqu’ils constatent le dénigrement systématique et les campagnes de salissage lors des élections aux postes publiques, lorsqu’ils se rendent compte de la cupidité et de l’avidité sans limite qui règnent dans les gouvernements et dans les entreprises.
  • Comment pouvons-nous convaincre les jeunes d’exercer leur responsabilité sociale et d’avoir de la compassion envers les autres lorsqu’un grand nombre d’adultes abusent régulièrement de leur pouvoir pour s’en mettre  plein les poches et que la corruption semble la seule façon d’atteindre le premier rang dans les sports, en politique ou dans les affaires.

La recherche du pouvoir et de la richesse, la course aux honneurs et aux privilèges, ne sont pas seulement des abus du temps de Jésus. Aujourd’hui, il n’est plus question «de phylactères, et de franges très longues», mais de marque de voiture, de style de vie extravagant, d’avions privés, de bateau de plaisance, de résidences d’un luxe fantaisiste. Cette richesse excessive, étalée au grand jour, devient une insulte pour les milliards de pauvres de la planète. Le désir de paraître devient alors le but de la vie. Suite à ces abus, on comprend un peu la révolte des «indignés» contre Wall Street  et contre le système financier actuel.

Jésus appelle les gens qui agissent pour être remarqués : «des hypocrites», «des acteurs». Il invite à enlever les masques et à cesser de jouer la comédie. La vie n’est pas une halloween permanente!

Un évêque italien, Mgr. Tonfino Bello disait aux prêtres de son diocèse : «Dans chaque paroisse, il devrait y avoir bien en vue un grand tablier comme symbole du service que les chrétiens doivent rendre aux autres. Le tablier est le seul vêtement liturgique mentionné par Jésus. S. Jean nous dit que le soir du Jeudi Saint, pendant la première eucharistie, le Seigneur se mit un tablier et il commença à laver les pieds de ses apôtres

Dans la seconde lecture d’aujourd’hui, on nous donne l’exemple de S. Paul qui aime et sert sa communauté de Thessalonique. Ce très beau texte nous fournit un remarquable portrait du vrai pasteur : Il est «plein de douceur, comme une mère avec ses nourrissons». Il est rempli d’«affection» pour eux, voulant leur donner «non seulement l’Évangile» mais tout ce qu’il est lui-même. Il peine et se fatigue nuit et jour pour ne pas être à charge des autres.

Jésus nous dit aussi dans l’évangile de ce dimanche : Arrêtez de vous donner des titres ronflants : «Pour vous ne vous faites pas donner de titres, ne cherchez pas de passe-droit, d’avantages personnels». Ces titres risquent de créer une apparence trompeuse, derrière laquelle se cache souvent un vide abyssal

L’autorité de Jésus est exclusivement une autorité de service et de la libération : il pardonne, il guérit, il remet debout, il donne une deuxième chance, il ouvre un avenir. Cela permet d’avancer dans la joie. «Je vous dis cela pour que votre joie soit complète». (Jean 15, 11) Il suffit de regarder s’épanouir ceux et celles qui rencontrent Jésus : la Samaritaine, Zachée, Marie-Madeleine, les aveugles, les lépreux…

C’est en pratiquant l’autorité de service proposée par le Christ que nous donnerons une image positive de Dieu aux gens autour de nous.

«Les scribes et les pharisiens agissent pour se faire remarquer des gens. Ils portent de larges phylactères et de longues franges. Ils aiment occuper le premier divan dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues, à recevoir les salutations sur les places publiques.» Mais pour vous, il ne doit pas en être ainsi : «Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’Homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude» (Mt 20, 25 – 28).



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 29 octobre 2017

30ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du Père  Yvon-Michel Allard,  directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada).

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Maître, quel est le plus grand commandement?

Jésus est poursuivi inlassablement par ses adversaires. Tous l’épient pour le prendre en défaut : les partis politiques, les groupes religieux, les scribes et les pharisiens! Faut-il payer l’impôt à César ? Faut-il croire que la résurrection est possible ? Quel est le plus grand commandement ?

La question ne vient pas d’une personne sincère qui cherche la vérité, mais de quelqu’un qui veut prendre Jésus au piège. «L’un d’eux lui demanda pour le mettre à l’épreuve», dit le texte : «Maître, dans la Loi, quel est le plus grand Commandement?»

Jésus établit avec clarté la priorité absolue des deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Nous connaissons bien cet évangile, peut-être trop bien, ce qui nous porte à le mettre rapidement de côté en disant : «Oui, oui, nous l’avons souvent entendu». Il y a cependant plusieurs aspects intéressants pour notre foi chrétienne dans cette réponse de Jésus. Le Seigneur a le don de nous ramener à l’essentiel.

Premièrement, bien que la question du docteur de la loi ne porte que sur « le » plus grand commandement, Jésus en propose non pas un mais deux et il les unit l’un à l’autre.

Le premier de ces deux commandements ne surprend pas les pharisiens : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et tout ton esprit.» C’est en toute lettre dans la grande prière juive, celle que l’on récite trois fois par jour, tourné vers Jérusalem. Ensuite, Jésus ajoute un second commandement tiré du Livre de Lévitique : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même.» Ce précepte, les pharisiens le connaissent bien lui aussi.

Mais la grande nouveauté, qui a fait scandale auprès de ces hommes très religieux, c’est de mettre sur le même plan Dieu et le prochain, l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Ce sera la grande leçon de la parabole du jugement dernier, où Jésus s’identifie purement et simplement à ceux et celles qui étaient dans le besoin. Ses disciples ont agi sans savoir que c’était le Seigneur lui-même qu’ils servaient à travers ceux et celles qui avaient besoin d’aide : «Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer, étranger et de t’accueillir, nu et de te vêtir, malade ou prisonnier et de venir te voir ?En vérité je vous le dis, dans la mesure où  vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.» (Mt 25, 31-46).

Pour Jésus, il n’y a pas deux amours, il n’y en a qu’un et l’attitude envers le prochain vérifie la qualité de notre attitude envers Dieu.

Il n’est donc pas question de choisir entre Dieu et l’être humain, comme on le faisait au temps de Jésus et comme on le fait souvent encore aujourd’hui. On ne peut opposer Dieu à l’homme, ni l’homme à Dieu. Il n’y a pas de concurrence entre les deux amours : «Ce que vous refusez au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous le refusez» (Matthieu 25, 45). «Qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas », dit S. Jean. (1 Jean 4, 20)

Il est donc clair qu’on ne peut éliminer un commandement par l’autre, comme certains seraient tentés de le faire. Il serait tellement plus pratique de se dispenser de l’un des deux commandements, en disant : il suffit d’aimer Dieu ou bien, il suffit d’aimer le prochain. Pour Jésus, il n’y a pas un seul commandement, il y en a deux.

Dernièrement, je lisais le reportage d’un journaliste qui revenait d’Afrique. Dans un hôpital, il avait rencontré une jeune religieuse qui soignait les plaies d’un lépreux. Il lui dit très sincèrement: «Je ne ferais pas ce genre de travail pour un million de dollars». Et la jeune religieuse lui répondit: «Moi non plus. Mais je le fais par amour pour ce pauvre homme qui est en train de mourir.» La jeune religieuse s’efforçait d’aimer Dieu en aimant le pauvre malade qui se mourait dans cet hôpital de fortune.

Bon samaritain, Il y a un autre aspect important dans la réponse de Jésus : il nous donne une nouvelle définition du prochain. Dans le texte de S. Luc qui raconte la même histoire, le docteur de la loi pris au dépourvu par l’obligation d’aimer non seulement Dieu mais aussi le prochain, demande à Jésus : «Mais qui est mon prochain?»… et Jésus lui répond par la parabole du bon Samaritain.  Jésus renverse alors la notion de prochain : «Qui a été le prochain de l’homme blessé et laissé pour mort ?»  Le prochain n’est pas celui qui est blessé, qui est proche de nous et qui a besoin d’aide, mais celui qui se rapproche de cette personne en détresse. Qu’il s’agisse d’aider un blessé, un malade, une personne âgée, en enfant abandonné, une personne seule, le prochain, c’est vous, c’est moi lorsque nous nous rapprochons de cette personne en difficulté. Et, selon Jésus, cela n’a rien à voir avec la nationalité, la religion ou le parti politique. Dans la parabole du bon Samaritain, le Seigneur évite de mentionner la race, la nationalité ou la proximité sociale de la personne blessée. Tout ce qui compte, c’est le besoin qu’elle a d’être secourue.

En conclusion, nous pouvons dire que Jésus – et cela est l’originalité de sa réponse – établit avec clarté la priorité absolue des deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Il fait de ces deux commandements le principe unificateur de son évangile. Il nous ramène à l’essentiel de la religion.

Tout dans le christianisme doit être orienté vers cet amour de Dieu et du prochain : la prière, l’écoute de la parole de Dieu, les sacrements, l’eucharistie, tout cela a pour but de faire grandir en nous cet amour de Dieu et du prochain. On se plaint souvent aujourd’hui que tout change dans la religion et dans la civilisation autour de nous. Jésus nous redit ce matin : Ce qui ne change pas ce sont ces deux commandements de l’amour : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… et tu aimeras ton prochain comme toi-même.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 22 octobre 2017

29ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du père Michel Yvon Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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Rendez à César ce qui est à César

et à Dieu ce qui est à Dieu

Nos connaissons tous cette fameuse réponse de Jésus, mais elle n’a rien à voir avec la séparation de l’Église et de l’État. Le Seigneur nous rappelle ici qu’aucun empereur, aucun dictateur, aucun chef de gouvernement ne peut tout contrôler dans nos vies. Il n’y a pas seulement César, il y a aussi Dieu.

La pièce de monnaie présentée par les pharisiens portait l’effigie ou l’image de l’empereur. Elle lui appartenait donc. Mais l’être humain est créé à l’image de Dieu : «Homme et femme il les créa, à son image il les créa». (Genèse 1) Nous appartenons donc à Dieu et non à l’empereur.

Ce que Jésus répond à ceux qui cherchent à le prendre en défaut afin de l’accuser devant le représentant romain, c’est qu’il faut respecter l’autorité civile mais, souligne-t-il, l’empereur n’est pas tout puissant. Sur la pièce d’argent qu’on lui présentait, il y avait l’image de l’empereur Tibère, qui gouvernait l’immense empire romain à partir de son île de Capri, et sur cette monnaie, on qualifiait l’empereur de «divin». Le Christ conteste cette affirmation et dit que l’empereur n’est pas divin, il n’est pas Dieu. Saint Pierre rappellera aux chrétiens que dans plusieurs circonstances «il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes». (Actes 5, 29)

Au deuxième siècle, un auteur chrétien, Théophile, évêque d’Antioche, écrivait : «Je rendrai hommage à l’empereur, mais je ne l’adorerai pas. Je n’adorerai que Dieu seul, sachant que l’empereur est un être humain comme moi et qu’il a été créé comme moi.» Un autre écrivain des premiers siècles conseillait aux chrétiens «de ne pas se laisser subjuguer par aucun des césars de ce monde Et il ajoutait: «Ne renoncez jamais à votre liberté intérieure qui est le don le plus précieux que vous ayez reçu

Le Christ répète donc que César est César, mais il n’est pas Dieu. Le pouvoir politique, quel qu’il soit, n’a pas le droit d’envahir les consciences et de s’emparer de tout l’être humain. C’est pourquoi la phrase la plus importante du texte reste celle où Jésus dit : «Rendez à Dieu ce qui est à Dieu».

Nous ne donnerons à l’empereur et à l’empire d’aujourd’hui ni notre foi et ni notre comportement moral, ni nos espérances, ni nos rêves. Nous conserverons notre liberté intérieure et notre sens critique. Les gouvernements ne peuvent jamais nous obliger à agir contre notre conscience.

Au début de la guerre en Irak, je me souviens d’avoir lu, dans une revue américaine, les remarques d’un prêtre sur la décision de son pays de risquer la vie de ses jeunes soldats et de dépenser des milliards de dollars pour engager une guerre que les Nations Unies, les Américains eux-mêmes, les Britanniques, les Français, des millions de gens à travers le monde, et toutes les grandes religions,  déclaraient illégale et sans raisons suffisantes. Après la messe, le prêtre en question a été sévèrement réprimandé par le conseil de fabrique qui lui demanda de ne pas se mêler de politique. Pour conclure leur argument, les conseillers utilisèrent le texte d’aujourd’hui : «Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu». En fait, ces conseillers paroissiaux n’avaient rien compris à la réponse du Christ.

Jésus n’a jamais demandé aux chrétiens de ne pas critiquer les décisions de leur gouvernement. S’il l’avait fait, les chrétiens de l’Afrique du Sud n’auraient pu s’opposer aux lois injustes et inhumaines qui permettaient de maintenir le système d’apartheid ; les chrétiens américains n’auraient pu combattre les pratiques immorales sur l’esclavage et la violence faite aux Noirs longtemps après que l’esclavage fut aboli ; les chrétiens d’Europe et d’Asie n’auraient pu résister aux politiques athées de l’Union soviétique, de la Chine et d’autres pays communistes ; ils ne pourraient s’opposer aux gouvernements musulmans qui refusent tout droit de cité aux autres religions et qui traitent les femmes comme des êtres humains de classe inférieure; ils ne pourraient critiquer certains dirigeants de notre propre Église qui protègent leur pouvoir en s’associant à des gouvernements qui écrasent toute dissension, utilisent la torture et massacrent ceux et celles qui s’opposent à leur dictature, comme ce fut le cas au Chili, en Argentine et au Congo.

Plusieurs gouvernements refusent très souvent de donner à Dieu ce qui appartient à Dieu. D’autres manipulent la religion pour leurs propres intérêts et octroient à l’Église certains privilèges afin de mieux la contrôler en lui imposant sa propre idéologie.

Il est significatif que, dans le texte d’aujourd’hui, Jésus mette en valeur «nos devoirs envers Dieu», alors qu’on lui posait la question sur nos devoirs envers l’empereur. Jésus n’a jamais voulu empêcher les gens d’être des citoyens responsables, mais il nous rappelle que la politique n’est pas la seule réalité dans nos vies. César n’est pas tout puissant, et il n’est pas Dieu. L’État joue un rôle important mais il ne peut avoir le monopole de nos vies. Dans un monde pluraliste, les gouvernements sont amenés, à l’occasion, à passer des lois et des règlements qui vont à l’encontre de nos propres valeurs chrétiennes, mais cela ne doit pas nous empêcher d’exercer notre liberté chrétienne et d’agir selon notre propre conscience.

Dans un monde où toutes les opinions ont pignon sur rue, il faut beaucoup de discernement pour faire la part des choses et savoir «rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 15 octobre 2017

28ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du père Michel Yvon Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils

Dans le texte d’aujourd’hui, Matthieu nous présente deux paraboles de Jésus, l’une à la suite de l’autre : celle du banquet de noces et celle du vêtement de fête. Chacune d’elles éclaire un aspect important du Royaume de Dieu.

Pour ce qui est de la colère du roi, à la fin de la première parabole (les troupes qui font périr et brûlent la ville), il est clair que Matthieu avait en tête les événements tragiques qui s’étaient passés peu de temps avant la rédaction de son évangile : la révolte juive contre l’empire romain et la destruction du temple et de la ville de Jérusalem par les troupes de Titus en 70. Des milliers de Juifs furent massacrés et ce fut la fin de l’État d’Israël qui ne renaîtra que 19 siècles plus tard, en 1948.

Le Royaume de Dieu n’est pas une société de gens parfaits, mais de pécheurs pardonnés.

  • La première parabole nous rappelle que la rencontre avec Dieu est une grande fête. Le banquet est signe d’amitié et la porte est ouverte à tous : «ils rassembleront tous ceux qu’ils rencontreront, les mauvais et les bons». Personne ne peut dire: «Moi je ne suis pas digne, je ne suis pas invité». La séparation entre les bons et les mauvais est disparue. Toutes les barrières tombent : «Allez aux croisées des chemins et invitez tous ceux que vous rencontrerez». Comme le dit si bien S. Paul : «dans la maison du Père, il n’y a ni Grec ni de Juif, ni circoncis ni incirconcis, ni homme ni femme, ni barbare ni Scythe, ni esclave ni homme libre»… Blancs et noirs, chrétiens et musulmans, jeunes et vieux, hommes et femmes, riches et pauvres… tous sont invités. Dans l’antiquité, un repas de fête était très exclusif. Seuls les membres de la famille ou du clan étaient invités. Le fait que les premiers chrétiens accueillaient tout le monde à l’eucharistie et à l’agapè, que l’esclave était assis à la même table que le propriétaire foncier, que les pauvres et les riches, les hommes et les femmes partageaient le même repas, soulevait de sérieux problèmes que l’on retrouve dans les Actes des apôtres et dans les lettres de Saint Paul. La parabole est claire : le roi invite tout le monde. Le Royaume de Dieu n’est pas une société de gens parfaits, mais de pécheurs pardonnés. La discrimination et l’apartheid n’existent plus. Dans le rituel de l’eucharistie, il y a une très belle formule qui nous est répétée avant chaque communion : «Heureux sommes nous d’être les invités au repas du Seigneur…» Grand nombre de chrétiens ignorent cette invitation, par indifférence, ou parce qu’ils sont trop occupés. D’autres contestent l’offre avec agressivité. Ils sont contre ceux qui vont à l’église, contre le clergé, contre la religion en général. Jésus dépeint ici ces deux catégories de personnes. Aujourd’hui encore, nous retrouvons ces mêmes groupes de personnes. Il suffit de donner quelques exemples sous les mots de jadis : «comment voulez-­vous que j’aille à la messe? Je n’ai que mon dimanche pour jouer au golf ou au tennis. C’est le jour où nous partons en voyage. C’est ma journée de bricolage. Et puis, j’ai mes devoirs à faire et mes examens à préparer …» Ensuite, il y a ceux et celles qui attaquent les religions comme des «organismes de grande noirceur» et qui ne croient qu’à leur propre religion laïque.
  • La deuxième parabole, celle du vêtement de noces, est  bien différente de la première. Dieu continue à inviter mais il demande notre participation : il veut des partenaires actifs qui participent à la construction du Royaume de Dieu. Le vêtement de fête fait partie de toutes les civilisations. Partout dans la Bible nous retrouvons des traces de ce vêtement bien spécial. Dans l’histoire de l’enfant prodigue, par exemple, le père donne de nouveaux vêtements à son fils qui rentre au foyer. Dans l’Église des premiers siècles, les nouveaux baptisés revêtaient un vêtement blanc pendant une semaine entière, symbole d’une vie nouvelle. Cette longue tradition de vêtements de fête est transmise par les jeunes mariés, par l’enfant présenté aux fonts baptismaux, par les étudiants qui célèbrent l’obtention de leurs diplômes, etc. Comme vêtements de fête, saint Paul nous fait une belle suggestion : «Comme des élus de Dieu, mes bien-aimés, revêtez le vêtement d’amour et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres. Pardonnez-vous l’un à l’autre comme le Christ vous a pardonné. A votre tour, placez par-dessus tout la charité, ce lien parfait.» (Colossiens 3, 12-15) Ou encore, dans sa lettre aux Éphésiens : «Dépouillez-vous du vieil homme… et revêtez l’homme nouveau, créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité» (Éphésiens 4, 22-24). Cette deuxième parabole nous rappelle que le salut n’est jamais automatique: il faut répondre à l’invitation de Dieu en nous transformant, en nous convertissant. L’invité au banquet, qui n’avait pas de vêtement de fête, ne pouvait donc participer car il lui manquait une disposition fondamentale : l’âme festive et l’esprit de service. La parabole du retour de l’enfant prodigue nous aide à comprendre cette référence au vêtement de noces. Le fils aîné qui revient des champs et entend la musique de la fête est furieux contre son frère et contre son père. Il refuse d’entrer et le père sort pour l’inviter à la fête. Ce fils n’est pas prêt à participer à la célébration, il n’a pas encore revêtu le vêtement de fête !