(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)
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N’ayez pas peur! Jésus de Nazareth, le crucifié, est ressuscité; il n’est pas ici…
Si aujourd’hui, après 2000 ans de christianisme, nous célébrons la grande fête de Pâques c’est parce qu’une chaîne ininterrompue de croyants nous ont transmis cette foi pleine d’espérance dans la résurrection du Christ. S. Paul disait dans sa première lettre aux Corinthiens : «Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, qu’il est apparu à Pierre, puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois – la plupart d’entre eux vivent encore et quelques-uns se sont endormis – ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Et, en tout dernier lieu, il m’est apparu à moi aussi, comme à l’avorton. » (1 Cor 15, 3-8)
Nous sommes réunis aujourd’hui grâce à la transmission de cette Bonne Nouvelle à travers les siècles. Nous célébrons la victoire de la vie sur la mort. Nous célébrons Jésus Christ, notre espérance, qui donne un sens à notre vie, malgré les angoisses, les souffrances et les difficultés de tous les jours.
L’énorme pierre qui scellait le tombeau est le symbole de notre incapacité de vaincre la mort par nous-mêmes. «Les femmes se disaient entre elles: <Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau?> – Puis elles se rendirent compte qu’on avait roulé la pierre, qui était très grande.» Ce détail concret est souligné par les quatre évangélistes. Pour Marc et pour nous aujourd’hui, cette pierre indique qu’une véritable muraille sépare l’être humain de la résurrection : «qui pourrait enlever cet obstacle»?» Seul Dieu peut supprimer le poids écrasant de la mort qui pèse sur l’humanité.
Ce qui est important dans le récit d’aujourd’hui, ce n’est pas la tombe vide mais l’annonce de la résurrection. Les femmes ont rencontré un messager qui leur révéla la résurrection de Jésus. Pâques c’est la fête de cette grande révélation; c’est la fête de la joie et de l’espérance. Les femmes furent saisies de stupeur, mais il leur dit: « N’ayez pas peur...» Si l’apparition de Dieu bouleverse, sa présence aussitôt rassure et apaise. Le vrai Dieu n’est pas celui qui joue sur la peur, mais celui qui donne espérance.
Le messager ajoute ensuite : «Allez dire à ses disciples qu’il les précède en Galilée…» La Galilée, c’est là où ils sont nés, où ils travaillent, où vivent leurs familles. Le Christ les accompagne dans le quotidien de leur vie, dans leur propre Galilée. Allez! Ne restez pas près de ce tombeau vide. Allez là où Jésus vous précède, là où il vous a fixé rendez-vous.
Normalement, tout finit au cimetière. Dans l’histoire du Christ, tout commence au cimetière, autour d’un tombeau vide. Et le messager ne dit pas aux femmes : «Allez dire aux disciples de venir ici pour voir un tombeau vide.» Mais il leur dit : «Allez dire à ses disciples et à Pierre qu’ils retournent en Galilée. Là il trouveront le Seigneur». La communauté des disciples n’est pas recréée autour d’une tombe, mais autour de Jésus ressuscité. «Il n’est plus ici, il est ressuscité… Il vous précède en Galilée.» Il vous attend là où vous vivez.
Chaque dimanche, les chrétiens se rassemblent dans leur Galilée, dans leur ville, dans leur village, dans leur paroisse, autour du Christ ressuscité: «Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux.» Et le Christ de la Pâques marche avec nous, il nous accompagne : «Je suis le chemin, la vérité, la vie… Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres.»
En ce jour de la résurrection, le Christ nous invite à recommencer à vivre pleinement, à passer de la peur à la joie, du passé au présent, de l’hiver au printemps, de la mort à la vie. Aujourd’hui, nous célébrons la plus grande victoire qui existe, la victoire du Christ sur la mort.
Nous savons très bien que les victoires de notre pauvre monde ne résistent pas à l’usure du temps. Dans les sports, les victoires durent le temps d’une saison, puis tout est oublié. En politique, les chefs d’états sont élus avec fanfare et grandes célébrations, puis la population se lasse de leurs erreurs et leur corruption. Les sondages les condamnent alors à une défaite souvent humiliante.
Pour ce qui est des victoires militaires, elles durent si peu longtemps. Je pense à la grande victoire des alliés en 1945. Plus de 400 000 soldats américains sont morts pendant la seconde guerre mondiale – sans compter les millions d’habitants d’autres pays -. On croyait alors que ces sacrifices apporteraient la paix pendant des dizaines et des dizaines d’années. On était certain que la mort de millions de personnes et la création des Nations Unies assureraient la paix pendant longtemps. Mais en moins de 10 ans, 54 246 Américains sont tués en Corée et 50 000 mourront au Vietnam. Les troupes peuvent célébrer les victoires militaires les unes après les autres, mais ces victoires ne durent que peu de temps.
Une véritable victoire demande la permanence, et c’est ce que nous offre la victoire du Christ sur le mal et sur la mort. Jésus apporte l’espoir là où il y a le désespoir, l’amour, où il y a la haine. Il apporte le pardon où il y a le désir de vengeance. Il apporte la vie là où règne la mort.
En ce premier jour de la semaine, en ce jour de la résurrection du Seigneur, Joyeuses Pâques à tous.