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HOMÉLIE DOMINICALE DU 17 MARS 2019

Chers visiteurs, nous vous proposons de lire ci-dessous, l’homélie du père Yvon Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada

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« Celui-ci est mon fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le »

                       Mont Tabor                                       (Crédit https://www.biblelieux.com)

Dans le texte de la transfiguration, Luc est le seul des évangélistes à nous dire que Jésus était allé sur la montagne pour prier. C’est pendant sa prière qu’il est transfiguré. Quelques jours plus tôt, il avait révélé à ses disciples qu’il montait à Jérusalem pour y être rejeté par les autorités civiles et religieuses et être condamné à souffrir et à mourir. Aujourd’hui, en contact avec son Père, son chemin de ténèbres et de souffrances s’illumine et prend tout son sens. L’amour sera plus fort que la mort. Ce sera pour lui un chemin de libération, un «exode», qui le conduira à la résurrection…/…

Ce qui est le plus important dans le texte de ce dimanche n’est pas le miracle du changement extérieur de Jésus mais bien la révélation de Dieu le Père : «Celui-ci est mon fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le

Écouter les paroles de Jésus afin d’être transfigurés nous aussi, c’est là le but du carême. Être renouvelés grâce au contact que nous avons avec le Seigneur.

…/…

Et, à travers les siècles, des milliers de personnes, entrant en contact avec le Christ, apprendront à donner un sens nouveau à leur existence. Il s’agit de véritables renaissances, de vraies transfigurations.

Nous pouvons nous aussi vivre une transfiguration, une transformation, un changement qui nous aidera à reprendre goût à la vie, à mieux réussir notre pèlerinage sur la terre, et ce malgré nos maladies, nos faiblesses, nos échecs et nos défaites.

…/…

Jusque-là, on écoutait Moïse, interlocuteur de Dieu au Sinaï, porteur de la Loi, nimbé de lumière (Exode 34, 29). On écoutait aussi les prophètes, dont Élie est le représentant dans l’évangile d’aujourd’hui. Maintenant, il n’y a plus qu’une seule voix à écouter, la voix du Christ. «Celui-ci est mon fils, celui que j’ai choisi. Écoutez-le.»

Pour lire l’intégralité du texte, cliquer sur: http://www.cursillos.ca/formation/reflexion-chretienne.php

 



HOMÉLIE DOMINICALE

« Ils se levèrent et chassèrent Jésus hors de la ville »

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

Afin d’accentuer le rejet de Jésus par les gens de son village, Luc a transformé cette première rencontre dans la synagogue de Nazareth et l’a située au tout début de sa vie publique. Chez les autres évangélistes, nous retrouvons cet événement plus tard dans le texte (Matthieu 13, 54 ; Marc 6, 1).

Les habitants de Nazareth sont d’abord dans l’admiration, mais Jésus ne cède pas à la tentation de la popularité facile, du consensus superficiel. Les Nazaréens voudraient profiter de privilèges exclusifs, de miracles spéciaux parce qu’il est l’un des leurs. Mais ils refusent de croire en lui car il le connaissent bien, «il est le fils de Joseph». Ils veulent se l’approprier mais tel qu’ils l’ont connu dans le passé, fils du charpentier. «Pour qui se prend-il maintenant ? Qui croit-il être ?» Et finalement ils le chassent hors de la ville, pour le précipiter en bas de l’escarpement.

Dans le texte d’aujourd’hui nous avons un résumé de la vie de Jésus qui, dans moins de trois ans, sera condamné et de nouveau «chassé hors de la ville» pour y être crucifié. «Chassé hors de la ville !», symbole cruel de rejet total. Les lépreux sont chassés hors de la ville, de même que les malfaiteurs et les condamnés à mort.

À plusieurs reprises, les évangélistes soulignent l’agressivité de ceux qui refusent le Christ et la joie de ceux qui sont ouverts à son message. Luc oppose l’attitude des gens de Nazareth à celle des habitants de Capharnaüm, ville cosmopolite et en grande partie «païenne» mais où Jésus est mieux accepté que dans son village. À la naissance de Jésus les bergers se réjouissent, alors que Bethléem lui ferme la porte, sous prétexte qu’«il n’y ait a pas de place pour lui dans la salle commune». Matthieu oppose le roi Hérode et les notables de Jérusalem aux sages venus d’Orient, ces chercheurs de Dieu qui se réjouissent grandement à la réapparition de l’étoile. S. Jean dira plus tard : «Dieu est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu»…Mais il ajoutera : «à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu» (Jean 1, 11).

En lisant le texte d’aujourd’hui, nous sommes tentés de condamner les gens de Nazareth et la classe politique et religieuse de Jérusalem, tout en nous félicitant, nous les chrétiens, d’accepter Dieu à bras ouverts, d’être du bon côté !

Cependant, si nous sommes sincères, nous devrons admettre que souvent nous rejetons Dieu «hors de» nos familles, de nos maisons, de nos entreprises, de nos décisions importantes. Nous allons le visiter pendant une petite heure le dimanche et ensuite nous le laissons dans le tabernacle, lui refusant accès à notre vie de tous les jours. Séparation de l’Église et de l’État oblige ! Mais le Christ nous demande d’être chrétiens 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

La maison familiale doit être pour nous «une église domestique», un lieu où la foi et les valeurs chrétiennes se transmettent de génération en génération. Bon nombre d’enfants et de petits enfants ne fréquentent plus les célébrations dominicales et les autres activités de la communauté chrétienne. Cependant, par notre façon d’agir et de parler, par les prières que nous faisons en famille, par les cadres décoratifs et les objets qui embellissent notre maison, les enfants et les petits enfants doivent se rendre compte que nous sommes chrétiens. Ils doivent retrouver chez-nous une ambiance de foi, d’espérance et de charité ?

Le monde d’aujourd’hui n’est plus, bien sûr, l’univers chrétien qu’ont connu nos parents et nos grands parents et nous devons vivre dans la société pluraliste actuelle. Des religions diverses ont fait leur apparition à travers l’immigration et de nouvelles idéologies se rencontrent sur la place publique. Dans ce monde multi dimensionnel, nous devons permettre à ceux et celles qui pensent différemment de nous de vivre en paix et d’agir selon leurs convictions. Mais ça ne veut pas dire que nous devons abandonner nos propres croyances, convictions et traditions religieuses.

Si, par exemple, un non-chrétien désire ne pas utiliser le mot «Noël» sur ses cartes de souhaits, c’est son droit, car la fête de la naissance de Jésus n’a pas de résonance chez-lui. Mais cela ne nous oblige pas à faire disparaître tout ce qui est rattaché à notre fête chrétienne, à la vider de son contenu religieux.

Certains groupes croient que la religion n’a pas sa place dans le domaine public. Ils voudraient que nous les chrétiens professions «une foi de sacristie». Le Christ nous rappelle constamment que nos valeurs doivent influencer tout ce que nous sommes et tout ce que nous faisons. Il nous faut éviter de chasser Dieu hors de nos activités, de nos entreprises, «de nos villes». C’est justement «dans la ville» que nous devons vivre les valeurs de paix, de fraternité, de pardon, d’ouverture aux autres, de partage, etc. Combien de baptisés, par leur silence et leur indifférence, poussent Jésus «hors de la ville» afin de s’accommoder aux modes du temps ?

L’évangile d’aujourd’hui nous provoque et veut nous sortir de la torpeur et de l’indifférence. Baptisés de longue date, nous sommes peut-être habitués à vivre d’une foi tranquille et peu compromettante. Avec les gens de Nazareth, le Christ nous rejoint aujourd’hui, au cœur même de notre existence, et il nous invite à le laisser agir dans notre quotidien «afin que nous ayons la vie en abondance» (Jean 10,10).

Laissons la Parole de Dieu pénétrer jusqu’au fond de notre cœur et permettons au Seigneur de nous accompagner tout au long de notre vie. Ne le chassons pas «hors de notre ville».



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 27 janvier 2019

3ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du père Yvon Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

« C’est aujourd’hui que cette parole s’accomplit« 

Plusieurs chrétiens sincères et honnêtes se demandent si les textes de la Bible sont vrais, si ça s’est vraiment passé comme les évangélistes et les autres auteurs nous le racontent. C’est une question pertinente et légitime. Bien sûr, ça peut nous aider de savoir que la Bible contient toute une «bibliothèque», avec toutes sortes de genres littéraires. Que chacun des nombreux auteurs a son style, sa façon d’écrire, ses images et ses paraboles. C’est aussi utile de se rappeler qu’aucune œuvre de la littérature mondiale n’a été aussi étudiée et approfondie que la littérature biblique. Des milliers d’experts se penchent chaque année et depuis des siècles, sur ces textes afin de les scruter, les analyser et mieux les comprendre.

Aujourd’hui, dans la synagogue de Nazareth, Jésus nous propose une nouvelle façon de poser la question sur la véracité de la parole de Dieu. Au lieu de nous demander si ce que nous raconte le texte est vrai, Jésus suggère de poser la question : Est-ce que cette Parole peut devenir réalité dans notre vie quotidienne.

Après avoir lu le texte d’Isaïe, un texte vieux de plusieurs siècles, Jésus ajoute simplement : «Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture.» C’est-à-dire, ce passage d’Écriture que nous venons d’entendre devient réalité maintenant. «L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits.»

Le Christ rend l’Écriture vivante et vraie «aujourd’hui». Il se rapproche des pauvres et des pécheurs, guérit les malades, réintègre dans la communauté ceux et celles qui ont été mis au ban de la société, redonne la vue aux aveugles, proclame la bonne nouvelle du Royaume. C’est l’aujourd’hui de Dieu.

Et la question nous est posée : Est-ce que ce passage d’évangile peut aussi s’accomplir dans notre vie de tous les jours? Est-ce que l’Esprit Saint peut nous aider à annoncer la bonne nouvelle : à libérer ceux et celles qui sont prisonniers des stupéfiants, de l’alcool, des jeux de hasard; à visiter les malades et les personnes qui souffrent de solitude; à redonner la vue à ceux et celles qui sont déprimés et découragés?

Le Christ nous offre un exemple très coloré de cet «aujourd’hui de la Parole de Dieu» dans la parabole du bon Samaritain. Un avocat qui avait des difficultés à accepter les recommandations de Jésus, «pour se justifier» lui pose la question : «Mais qui est mon prochain?» Jésus ne lui fait pas de grands discours sur le prochain idéal, il lui raconte la parabole du bon Samaritain. Jésus affirme que le prochain, c’est celui ou celle qui s’approche d’une personne dans le besoin… ça peut être vous, moi, le légiste qui pose la question. Remarquez les paroles de Jésus : «Lequel de ces trois, à ton avis, (le prêtre, le lévite et le Samaritain) s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands?»… Le prochain, ce n’est pas le blessé abandonné le long du chemin, mais la personne qui s’en approche et lui vient en aide. Je deviens le prochain de quelqu’un lorsque je me fais proche d’elle ou de lui. Et Jésus termine cette rencontre en disant au légiste : «va, et toi aussi fais de même». «Accomplit aujourd’hui ce passage de l’Écriture».

Dans notre monde sceptique et désabusé, rendre vivante et vraie la Parole de Dieu a beaucoup plus de sens que d’essayer de prouver la véracité des anciens textes des Évangiles, bien que cette véracité soit importante et nécessaire.

Si nous les chrétiens, à la suite de la lecture sur la femme adultère prenons au sérieux les paroles de Jésus : «Que celui ou celle d’entre vous qui est sans péché lui lance la première pierre», nous nous éloignerons des attroupements meurtriers qui, par médisance ou calomnie, démolissent la réputation des autres. Si, après avoir lu la parabole de l’enfant prodigue, nous acceptons de changer notre cœur de pierre en cœur de chair et  nous répondrons à l’invitation du Père d’entrer dans la salle du festin pour nous réconcilier avec notre frère qui était perdu et est maintenant retrouvé. Si, après avoir écouté le récit de la guérison du lépreux et de sa réintégration dans la société de son village, nous acceptons de nous approcher des personnes qui appartiennent à certaines catégories méprisées (les gens sur le BS, les travailleurs saisonniers, les itinérants, les malades du sida, les ex-prisonniers, etc.), nous imiterons notre Père céleste qui a envoyé son Fils non pas pour condamner le monde mais pour le sauver. Si, après avoir entendu Jésus nous dire que «le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat», nous acceptons – tout en tenant compte de l’évolution de la vie moderne – de réviser notre façon de vivre «le Jour du Seigneur», nous redonnerons un sens à nos dimanches chrétiens.

Souvent à la messe du dimanche, nous écoutons les lectures d’un air ennuyé et désabusé. C’est peut-être parce que nous voyons dans ces récits des réalités vieilles de deux ou trois mil ans, alors que la parole s’adresse à nous et nous interpelle aujourd’hui. Cette Parole de Dieu peut alors devenir pour nous ce qu’elle a été pour la Samaritaine au puits de Jacob : «une source d’eau vive qui ne tarit jamais». (Jean 4)

L’exemple du Christ, dans la synagogue de son village, nous invite aujourd’hui à rendre la parole de Dieu vivante et vraie dans notre vie de tous les jours. Cette parole devient alors «lumière pour nos pas», «chemin, vérité et vie», «création d’un ciel nouveau et une terre nouvelle». Cette parole, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit.



HOMÉLIE DOMINICALE

Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada

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« Vous savez alors que l’été est proche »

Nous arrivons à la fin de l’année liturgique. La semaine prochaine, nous célébrerons la fête du Christ Roi, et ce sera le dernier dimanche de cette année dédiée à l’évangile de S. Marc.

Le texte d’aujourd’hui est un peu compliqué, mais il est plein d’espérance. Ceux qui enseignent la crainte, la peur de Dieu n’ont rien compris à l’évangile. Le Jour du Seigneur sera l’heure de la victoire remportée par le Christ sur la malice humaine, l’heure de l’amour vainqueur pour l’éternité. Lorsque le Fils de l’Homme reviendra dans la gloire, il ne sera pas différent de ce qu’il a été lorsqu’il a vécu parmi nous sur la terre. Il sera toujours un Dieu plein d’amour, de compassion, de sollicitude.

Nous devons aborder la scène du jugement dernier avec une grande joie et avec une sérénité pleine de lumière puisque le Christ est venu sauver le monde. «Dieu a envoyé son fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé», dit Jésus à Nicodème. (Jean 3, 17)

Il est intéressant de constater que, dans le texte d’aujourd’hui, Marc ne parle ni de châtiment, ni de punition, ni de condamnation mais de la réalisation d’un grand rêve : «Alors on verra le Fils de l’Homme venir sur les nuées…» Le thème fondamental de ce texte d’évangile n’est donc pas la fin du monde mais l’arrivée du Fils de l’homme qui vient nous sauver. C’est la réponse du Père à notre prière : «Que ton règne vienne… viens Seigneur Jésus».

Dans cet évangile il y a d’abord les mauvaises nouvelles: «Les terribles détresses, le soleil qui s’obscurcit, la lune qui perd son éclat...» Et Marc s’y connaissait en mauvaises nouvelles. La persécution de Néron avait failli faire disparaître l’Église naissante : le premier pape, Pierre, a été crucifié la tête en bas, Paul a eu la tête tranchée, les chrétiens de Rome ont été brûlés vifs dans les jardins du Vatican qui faisait alors parti du domaine impérial. Quelques années plus tard, en l’an 70, Jérusalem sera détruite complètement, le temple rasé, les Juifs survivants dispersés à travers le monde.

Le texte d’aujourd’hui fait référence aux malheurs et aux souffrances de tous les temps : guerres, tremblements de terre, feux de forêts, famines, violences, désastres naturels, épidémies, chômage, pédophilie, prostitution, foyers séparés, scandales de toutes sortes, maladies terminales.

Les malheurs arrivent et passent, les puissances de ce monde prennent de la force puis disparaissent : les empires d’Égypte, de Babylone, de Perse, de Grèce, de Rome sont suivis du Moyen Âge, du féodalisme, des grandes monarchies, de l’époque des Lumières, du Communisme, du Fascisme, du Capitalisme sauvage, etc.

Dans toutes les périodes de l’histoire, comme dans toutes les familles et dans toutes les vies, il y a une saison d’automne, suivie de la froidure, et du gel hivernal. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire, dit Jésus.

Saint Pierre a prononcé l’une des plus belles phrases du Nouveau Testament : «Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous, à tous ceux qui vous le demanderont. Mais que ce soit avec douceur et respect.» (1 Pierre 3, 15) Il faut savoir garder bien vivante cette espérance qui est en nous! À travers tout ce que nous vivons, le Christ nous offre une vision du futur qui nourrit notre espérance. «Je suis la résurrection et la vie». «N’ayez pas peur, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps» (Matthieu 28, 20).

Il y a des personnes qui semblent destinées à avoir peur toute leur vie. Il existe des gouvernements qui passent leur temps à faire peur aux gens, pour leur dire ensuite : «Votez pour nous et nous vous protégerons.» Certains chefs religieux utilisent la peur pour mieux contrôler leurs adeptes.

Le texte d’aujourd’hui est une invitation non à la peur mais à l’espérance. Il se termine avec la belle Parabole du figuier : «Quand ses branches reverdissent et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche

On a vraiment rien compris à la pensée de Jésus quand on se fait «prophète de malheurs». «Lorsque tout cela arrivera, sachez que le Seigneur est proche, qu’il est à votre porte.» «Il enverra ses anges pour nous rassembler des quatre coins du monde».

Le christianisme sans cette espérance n’est pas le christianisme.

«J’entendis alors une voix clamer : «Voici la demeure de Dieu parmi les hommes. Il aura sa demeure avec eux; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu.  Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé.» Alors, Celui qui siège sur le trône déclara : «Voici, je fais l’univers nouveau.» (Apocalypse 21, 2-5) C’est le message d’espérance de notre évangile aujourd’hui.



HOMÉLIE DOMINICALE

Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

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Apparence et réalité

Au temps de Jésus, les scribes étaient les spécialistes et les interprètes officiels des saintes Écritures. Au terme de longues études, vers l’âge de 40 ans, ils étaient consacrés dans leur rôle et devenaient des conseillers officiels dans les décisions juridiques.

Face à ces experts qui n’ont jamais cessé de s’opposer à Jésus, le Seigneur fait une sévère mise en garde. C’est sa dernière prise de parole publique avant la Passion, à quelques semaines seulement de sa condamnation par le Sanhédrin où les scribes siègent en maîtres.

Le Christ accuse les scribes de se pavaner devant tout le monde et de rechercher les honneurs : «ils aiment sortir en robes solennelles et recherchent les salutations sur les places publiques, les premiers rangs dans les synagogues et les premières places dans les banquets…»

Ce désir de prestige et de reconnaissance publique contrastait de façon significative avec ce que le Christ demandait à ses disciples : «Que celui qui veut être le premier parmi vous se fasse le serviteur de tous

Jésus lui-même «enseignait avec autorité», nous dit l’évangile, mais il n’avait pas besoin de longues robes et de vêtements luxueux pour faire reconnaître sa compétence.

Il y a des chrétiens qui se scandalisent encore des efforts de l’Église contemporaine pour se dépouiller de tout apparat. Il faut pourtant reconnaître que cet effort, encore inachevé, correspond parfaitement à une exigence de Jésus. L’Église risque toujours de rechercher le prestige, les privilèges, les «robes solennelles», les titres ronflants  et les places d’honneur.

Le Christ s’adresse donc ce matin, non seulement aux chrétiens de Rome, pour qui Marc écrit son évangile, mais à l’Église de tous les temps. Il s’adresse aussi à chacun de nous. Nous sommes invités à nous regarder dans le miroir et à nous demander si parfois nous ne sommes pas comme ces scribes, pleins de vanité et d’hypocrisie.

La vanité se manifeste dans les vêtements, dans le désir d’avoir la plus belle voiture, la maison la plus riche, dans la recherche de privilèges et de passe-droits, dans le désir de recevoir des titres.

Nous avons souvent des exemples de cette vanité chez les gens de la «haute société» : ils s’attendent à toutes sortes d’égards spéciaux, parce qu’ils sont nés dans telle ou telle famille; les leaders politiques se payent des voyages de luxe, des restaurants de hautes gammes, des vacances de rêve, souvent aux frais des contribuables; les chefs religieux, dans notre Église et dans d’autres, se font donner des titres de grande noblesse et s’attendent à toutes sortes de privilèges et d’attentions spéciales à cause de leur position de prestige.

Dieu s’oppose aux orgueilleux pleinement satisfaits d’eux-mêmes : «J’écarterai de ton sein tes orgueilleux triomphants et tu cesseras de te pavaner sur ma montagne sainte. Je ne laisserai subsister en ton sein qu’un peuple humble et modeste, et c’est dans le nom de Yahvé que cherchera refuge le Reste d’Israël » (Sophonie 3, 11-13).

Il y a quelques années, Mère Teresa nous a donné un bel exemple de la simplicité évangélique. Nous l’avons vue visitant une école à Hong Kong. Elle portait par dessus son habit de religieuse, une espèce de vieux manteau gris et une paire de sandales de cuir usagés. Quelques semaines plus tard, elle se retrouvait en Inde pour y recevoir le Templeton Award de la Reine Élisabeth d’Angleterre. Les photographes montraient Mère Teresa félicitée par la Reine et portant le même habit de religieuse qu’elle avait portée dans l’école de Hong Kong, avec le même vieux manteau gris et les sandales de cuir usagés! Sa notoriété, comme celle de Jésus, ne venait pas de ses vêtements griffés, ni de titres honorifiques qu’elle avait achetés à grand prix.

Le Christ nous invite aujourd’hui à la cohérence. Ce n’est pas tout de nous dire chrétiens, il faut savoir vivre en disciples du Christ. Il nous invite au service : «Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l’esclave de tous. Aussi bien, le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude.»   (Marc 10, 42-45)

Soyons vrais, soyons simples, accueillants, ouverts aux autres, généreux avec notre temps, nos talents. Ce ne sont pas les longues robes, les vêtements de grands couturiers, les titres honorifiques qui comptent. Plus nous serons semblable au Christ, plus nous serons transparents, cohérents et vrais.

 Chez nous comme chez les autres, il est important de ne pas prendre les apparences pour la réalité.



HOMÉLIE DOMINICALE

Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada

« Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu »

Cette semaine, nous avons célébré deux des plus grandes fêtes de l’année liturgique : la fête de tous les Saints et la fête de tous les Fidèles défunts. En début novembre, nous nous souvenons de cette longue chaîne de témoins qui nous ont précédés…

Les psychologues affirment que le souvenir de ceux et celles qui ont été importants dans notre vie contribuent à construire notre d’identité. Les gens que nous avons oubliés non pas vraiment d’influence sur nous, tandis que ceux et celles dont nous nous rappelons et qui ont joué un rôle dans notre vie, continuent à nous influencer bien longtemps après leur départ.

L’année liturgique ouvre le grand livre de souvenirs. Nous nous rappelons des personnages importants de l’histoire du christianisme : Pierre, Paul, Augustin, Thomas d’Aquin, François d’assise, Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Mère Teresa, Kateri Tekakwitha, le Frère André, Martin Luther King, et tant d’autres… Mais, il y a aussi les personnes beaucoup moins connues, qui ont eu une influence déterminante sur nous : nos parents, nos grands-parents, certains éducateurs, des voisins, des collègues de travail… des gens simples, qui ont marqué notre vie. Ces gens sont là comme des phares qui illuminent nos vies. Ils ont été des guides et nous ont aidés à faire face aux obstacles de la vie. Ce sont eux qui nous ont permis de devenir qui nous sommes aujourd’hui. Nous ne nous sommes pas créés de toute pièce. Nous sommes le fruit d’une famille, d’une paroisse, d’un village.

Dans le christianisme, nous avons l’excellente tradition de prier pour ceux et celles qui nous ont précédés. Et dans nos prières, nous ne séparons pas les riches des pauvres, les hommes des femmes, les bons des moins bons. Nous prions pour tous

Cette première semaine de novembre est notre semaine du souvenir durant laquelle nous nous souvenons avec gratitude et de celles et de ceux qui ont vécu avant nous.

Les célébrations de novembre sont aussi une excellente préparation à notre propre mort. Notre monde moderne fait tout ce qu’il peut pour effacer la mort de nos esprits. Les médias sont remplis de violence et d’agressivité, mais il s’agit toujours de la mort des autres. On nous présente sans arrêt des annonces commerciales promettant l’éternelle jeunesse. Nous n’avons qu’à utiliser leurs produits miracles pour paraître dix ans plus jeunes.

Nous les chrétiens, nous ne croyons pas à une mort cruelle où tout se termine au tombeau. Nous croyons dans un paradis ou la vie se transforme et change. Nous croyons que la mort est un seuil, un passage, une porte ouverte sur l’éternité. Dans le livre du prophète Isaïe, nous trouvons ce très beau texte : «Le Seigneur essuiera toutes les larmes de nos visages… sur sa sainte montagne, il préparera une fête de riche nourriture… il fera disparaître la mort pour toujours… Réjouissons-nous dans le salut du Seigneur.»

Nous vivrons alors la paix du Royaume de Dieu où : «Le loup habitera avec l’agneau, la panthère se couchera avec le chevreau, le veau, le lionceau et la bête grasse iront ensemble, conduits par un petit garçon. La vache et l’ourse paîtront, ensemble se coucheront leurs petits. Le lion comme le bœuf mangera de la paille. Le nourrisson jouera sur le repaire de l’aspic, sur le trou de la vipère le jeune enfant mettra la main. On ne fera plus de mal ni de violence sur toute ma montagne sainte

(Is 11, 6-9)

Et saint Jean ajoute dans son Apocalypse : «Je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle… Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux (Emmanuel), sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus; de pleurs, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé.» (Ap 21, 1-4)

Il y a plein d’espérance dans ces fêtes de novembre. Ça nous rappelle que la mort n’est pas la fin de tout. Ça nous rappelle aussi que le temps qui nous est donné est un don précieux et que nous devons l’utiliser le mieux possible.



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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Que veux-tu que je fasse pour toi ?

 Nous arrivons à la fin de la section d’évangile où le Christ propose à ses apôtres les conditions nécessaires pour être son disciple. Il a parlé de mariage, d’argent, de travail, d’exercice d’autorité, d’ouverture aux autres, de pardon, de partage, de service. À la fin de toutes ces réflexions, à travers Bartimée, le pauvre aveugle assis sur le bord du chemin, Jésus nous propose une «nouvelle vision de la vie».

Dans l’évangile de saint Marc, nous assistons à la guérison de deux aveugles : la première au chapitre 8, 22-26 et, un peu plus loin, à celle d’aujourd’hui. Entre ces deux miracles, à trois occasions, Jésus annonce sa passion, suivie chaque fois de l’incompréhension des apôtres qui sont aveugles et ne saisissent pas le sens de ses paroles. Pendant la montée vers Jérusalem, Jésus fait une dernière tentative pour leur ouvrir les yeux sur sa véritable identité et sur les exigences de l’appel à le suivre.

Marc fait de cette rencontre avec Bartimée une véritable catéchèse baptismale. C’est ainsi que l’on comprise les premiers chrétiens. Au temps de l’évangéliste, le baptême était appelé  «l’illumination». C’était le sacrement qui ouvrait les yeux des nouveaux chrétiens. «Rabbouni, fais que je voie! Ouvre mes yeux, Seigneur!»

La guérison de la cécité fait partie de l’expérience chrétienne. «Le messie est la lumière des nations qui ouvre les yeux aux aveugles» (Is 42, 6-7). Jésus dans la synagogue de Nazareth, avait défini sa mission, en faisant appel au texte d’Isaïe. «L’esprit du Seigneur est sur moi; il m’a consacré, et il m’a envoyé annoncé aux pauvres la bonne nouvelle, afin de proclamer aux prisonniers la libération et redonner la vue aux aveugles.» (Luc 4, 18)

L’aveugle Bartimée est l’icône de la détresse et de la pauvreté. Cet homme, assis le long de la route, enveloppé dans son manteau, est totalement dépendant des autres. La route est une invitation à la marche, au déplacement, à la découverte, mais ce pauvre homme est littéralement cloué au sol.

La situation d’aveuglement s’applique à chacun de nous. Nous sommes souvent comme le pauvre homme qui demande l’aide du Seigneur :

«Jésus, fils de David, prends pitié de moi» : Mon travail n’a pas de sens. Je suis comme un robot. Je suis un numéro dans l’usine, mon opinion de compte pas. Je suis trop vieux pour trouver un autre emploi et trop jeune pour prendre ma retraite. Tout ce qui compte c’est le chèque à la fin de la semaine… et il semble que ce n’est jamais assez. Je suis aussi aveugle que le pauvre homme de l’évangile.

«Jésus, fils de David, prends pitié de moi» : Je passe la plus grande partie de mon temps toute seule dans ma résidence pour personnes âgées. Mes enfants ne viennent plus me voir. Ils ne téléphonent jamais. Je ne suis plus capable de travailler, de produire, donc je ne sers à rien. Je me sens complètement inutile. Je suis comme ce pauvre aveugle assis le long du chemin.

«Jésus, fils de David, prends pitié de moi» : Notre mariage est en ruine. Mon mari refuse d’aller voir un conseiller matrimonial. Nous ne voulons pas divorcer car les enfants ont besoin de nous. Il semble que nous sommes condamnés à nous endurer, à nous chamailler, à mettre de plus en plus de distances entre nous, à mourir dans une solitude à deux. Je ne vois aucune solution possible. Je suis comme ce pauvre aveugle assis le long du chemin.

«Jésus, fils de David, prends pitié de moi» : Je suis complètement dépendant de la drogue, je suis alcoolique, je me meurs de cancer, je vieillis très mal, ma maigre pension ne me permet jamais d’arriver à la fin du mois, je suis plein d’angoisse et de haine, je ne sais pas pardonner. Je suis comme ce pauvre aveugle le long du chemin.

Grâce au Christ, nous pouvons retrouver la vue, découvrir le sens de la vie, du travail, de la famille, des responsabilités civiques, de la maladie, de l’épreuve et de la mort.

Bartimée était pauvre, dépendant des autres, aveugle, comme nous le sommes souvent devant beaucoup de problèmes de notre vie. Le monde est plein d’aveugles qui ne savent d’où ils viennent, où ils vont, ce que la vie signifie, comment affronter la souffrance et la mort. Pour les chrétiens de tous les temps, l’aveugle de Jérico reste le modèle du croyant et du disciple qui reçoit le don de la vue et qui est prêt à suivre le Christ.

La foi nous donne des yeux nouveaux. Elle nous permet de voir le monde à travers les yeux de Dieu qui illumine et donne un sens à l’existence personnelle et communautaire de chaque jour.

Nous avons besoin de cette lumière pour nous-mêmes mais aussi pour la transmettre aux autres autour de nous: «Vous êtes la lumière du monde», nous dit le Christ… «Que votre lumière resplendisse devant les hommes et que voyant vos bonnes œuvres, il glorifie votre Père céleste» (Matthieu 5, 1-14). Si nous ne le faisons pas, nous sommes comme des lampes allumées que l’on place sous le lit et qui n’éclaire personne.

«Je suis la lumière du monde, dit Jésus, celui qui me suit aura la lumière de la vie.» – «Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres» Le Christ veut éclairer notre vie et nous redonner la joie de vivre. «Que veux-tu que je fasse pour toi? Seigneur, que je vois».



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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« Jésus fixa sur lui son regard et l’aima »

Dans ce long extrait d’évangile, Marc poursuit l’enseignement de Jésus sur les exigences requises pour devenir son disciple. Cet enseignement a lieu sur la route en direction de Jérusalem où Jésus va subir son procès et être mis à mort.

Il y a trois éléments distincts dans cet évangile :

  • l’appel du jeune homme riche,
  • la difficulté d’entrer dans le royaume des cieux
  • et la récompense accordée à ceux et celles qui suivent le Christ.

Ces éléments ont été réunis par la tradition pour offrir une catéchèse sur l’attitude qu’on doit avoir vis-à-vis la richesse.

Le Christ répète continuellement que la richesse peut devenir un obstacle sur le chemin de vie chrétienne. «Le terrible pouvoir» de l’argent – nous le voyons aujourd’hui avec la Commission Charbonneau (*)– est dénoncé par Jésus dans tout au long de sa prédication. Luc nous dit au chapitre 16, 13 : «Vous ne pouvez pas servir Dieu et Mammon» (Mammon est le nom araméen pour désigner le dieu argent). Dans la parabole du riche fermier, celui-ci devient «insensé» et s’imagine qu’avec son argent il peut se passer de Dieu (Luc 12, 16-20). Dans la parabole de la semence, le Christ nous dit que souvent la richesse étouffe la parole de Dieu et l’empêche de porter du fruit (Matthieu 13, 22). L’homme riche qui festoie tous les jours alors que Lazare se meurt à sa porte (Luc 16, 19-31) est un exemple qui indique comment la richesse peut nous rendre aveugle aux besoins des autres. Nulle part il est dit que le riche avait acquis ses richesses de façon malhonnête. Il est condamné parce que ses possessions l’ont rendu aveugle aux souffrances du pauvre qui se mourrait à sa porte, pendant que lui se payait le grand luxe et festoyait tous les jours.

[(*) cliquer sur: https://www.youtube.com/watch?v=20akj8QD4_s]

L’important est de se libérer, chacun à sa façon, pour suivre le Christ.

L’histoire du jeune homme riche, dans l’évangile d’aujourd’hui, se termine mal! «L’homme devint sombre et tout triste» : il a peur du couteau prêt à trancher dans ses sécurités. Il refuse «de partir vers une terre inconnue», comme l’avait fait Abraham autrefois, dans sa vieillesse.

Pour bien comprendre ce texte, il faut nous reporter à la tradition méditerranéenne. Pour nous, la richesse signifie avoir plein d’argent. Pour les pays entourant la Méditerranée, la richesse comprend d’abord et avant tout la famille, la maison, la terre. La fin de l’évangile d’aujourd’hui indique ce genre de richesse qui dépasse l’argent accumulé dans le compte bancaire : «Personne n’aura quitté, à cause de moi et de l’évangile, une maison, des frères, des sœurs, mère, enfants et terre, sans qu’il reçoive le centuple». Le jeune homme riche est invité à partager l’argent qui le retient comme un boulet au pied, mais aussi à s’éloigner des valeurs de sa famille, valeurs qui l’empêchent d’être un disciple du Christ. Pour progresser dans la vie chrétienne, nous sommes invités à combattre les préjugés et certaines valeurs de notre famille. Nous devons aussi mettre de côté la suffisance religieuse qui s’apparente à celle des docteurs de la Loi, des pharisiens et des prêtres. Il est aussi pénible à de brillants théologiens, à de grands directeurs spirituels, riches de leur sagesse et de leur sainteté, qu’à un riche industriel ou un commerçant cossu, de se dépouiller pour marcher derrière Jésus.

Les détachements peuvent être différents, mais tous ils nous invitent à l’allègement pour suivre le Seigneur : Abraham a été appelé à quitter son pays, Pierre ses filets, Matthieu son bureau de douane, Élisée sa ferme, Nathanaël sa retraite. Pour chacun, les coûts sont élevés mais ils apportent une libération nécessaire. Jésus parle de ce genre de dépouillement dans la parabole de la perle et du trésor caché dans un champ. «Un homme ayant trouvé un trésor dans un champ s’en va ravi de joie vendre tout ce qu’il possède, et achète ce champ.» (Matthieu 13, 44-45) L’histoire du jeune homme riche nous rappelle qu’on ne peut se mettre à la suite du Seigneur en demeurant encombré de lourds bagages. «Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu».

Nous constatons qu’en nous invitant à le suivre, Jésus ne met pas l’accent sur ce qu’on doit abandonner mais sur le bonheur que l’on découvre à le faire : «Un homme ayant trouvé un trésor s’en va ravi de joie!». La renonciation aux richesses n’est pas un but en soi mais simplement une exigence préalable pour devenir un disciple du Christ. Chacun et chacune doit renoncer à ce qui l’empêche de répondre à cette invitation : «Viens et suis moi».

Jésus appelle d’abord et avant tout au dépassement. Pour l’homme riche, se dépasser eût été de se détacher de ses trop grands biens. Pour d’autres, ce sera d’oublier ses titres et ses réussites en affaires ou en politique, de changer sa façon de traiter les autres, de corriger son manque de générosité, son égoïsme, sa paresse, etc. L’important est de se libérer, chacun à sa façon, pour suivre le Christ. «Jésus fixa sur lui son regard et l’aima.»



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada )

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« Bonne nouvelle« 

Il n’y a pas si longtemps, un vieux prêtre me disait : «Si, à partir du texte de la parole de Dieu, l’homélie n’est pas «une bonne nouvelle», c’est que le curé n’a pas bien préparé son homélie ou que les paroissiens ont mal compris les lectures du dimanche. La parole de Dieu n’est pas une leçon de morale mais une bonne nouvelle» (c’est le sens du mot évangile en grec). Quelle est cette bonne nouvelle dans le discours de Jésus sur le mariage et le divorce?

Tout d’abord, nous constatons que les pharisiens ne sont pas intéressés à connaître la vérité. Ils questionnent Jésus pour le prendre en défaut : «c’était pour le mettre à l’épreuve». Au temps de Moïse et au temps de Jésus, tout comme aujourd’hui, le divorce était permis. Dans presque tous les pays du monde, il existe une législation réglementant le divorce et le remariage.

L’expérience nous enseigne que dans les couples, toutes sortes de situations déplorables se développent : ça ne fonctionne pas toujours comme on l’avait prévu, les gens font de graves erreurs, il y a les infidélités, l’oppression et la violence à l’intérieur des familles, les incompréhensions et les silences mortels. Il en résulte des séparations et des divorces. Ensuite, il existe certains couples qui ne se séparent pas mais qui ne se parlent plus, qui refuse de se pardonner, de se réconcilier, de reprendre le dialogue.

La bonne nouvelle d’aujourd’hui se retrouve dans les attitudes et les valeurs que le Christ nous propose sur le mariage. Pour lui, le mariage n’est pas un contrat mais une alliance, et dans une alliance, les personnes sont toujours plus importantes que les institutions. Le Christ est celui qui s’occupe d’abord des personnes avant d’accuser et de lancer des pierres. Nous voyons comment il traite la Samaritaine avec ses six maris, la femme adultère en danger d’être lapidée, Marie Madeleine la prostituée, Zachée le collecteur d’impôts, les lépreux mis au ban de la société. Tous sont des exemples de la tendresse de Dieu, malgré la condition sociale souvent pénible et parfois répréhensible, où se retrouvent ces personnes.

Jésus mentionne que dans le mariage, la réciprocité doit être totale : les hommes et les femmes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. «Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre…» «Si une femme répudie son mari et en épouse un autre…» – Le droit juif ne permettait qu’à l’homme de divorcer, le droit romain permettait aux deux partenaires de le faire! Dans S. Marc, Jésus utilise le droit romain, plus juste et plus égalitaire.

L’argumentation de Jésus est en fait une défense de la femme. La femme n’est pas un objet jetable que l’on acquiert et dont on peut se débarrasser selon le bon vouloir du mari ! La loi juive disait : «Lorsqu’un homme aura pris une femme et l’aura épousée, s’il advient qu’elle ne trouve plus grâce à ses yeux parce qu’il a trouvé en elle quelque chose de choquant, il écrira pour elle une lettre de répudiation, la lui remettra en main, et la renverra de sa maison» (Deutéronome 24,1). Selon l’une des deux écoles de pensée au temps de Jésus, il suffisait que la femme déplaise à son mari, qu’elle brûle son repas par exemple, pour qu’il puisse la renvoyer. Au temps de Moïse, l’homme n’avait qu’à répéter trois fois : «je veux te divorcer» pour renvoyer la femme. Moïse, afin de rendre le divorce plus difficile, avait imposé «l’acte de divorce» – procédure compliquée à une époque où les gens ne savaient ni lire ni écrire. Il avait imposé cette procédure afin de protéger les femmes qui, dans la culture du temps, n’avaient aucun droit. C’est pourquoi Jésus ajoute que c’est à cause de leur «sclérose du cœur» (sclérocardia) que Moïse a promulgué cette loi. Saint Paul, que l’on accuse souvent de misogynie et qui en fait l’était beaucoup moins que les hommes de son temps, écrivait dans la lettre aux Éphésiens : «Les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa femme, c’est s’aimer soi-même. Car nul n’a jamais haï sa propre chair; on la nourrit au contraire et on en prend soin. C’est justement ce que le Christ a fait pour son Église : ne sommes-nous pas les membres de son corps ? Voici donc que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair : ce mystère est de grande portée; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église. Bref, en ce qui vous concerne, que chacun aime sa femme comme soi-même, et que la femme révère son mari.» (Ep 5, 22-33)

L’union entre deux personnes ne dépend pas seulement du «oui» prononcé au cours de la cérémonie du mariage… Il faut le renouveler tous les jours. S’il est beau de voir un couple s’unir dans le mariage, c’est encore plus beau de célébrer les 30e, 40e, 50e anniversaires de mariage d’un couple qui a toute une vie commune à son compte.

L’amour est comme le feu. Si l’on ne veut pas qu’il meure, il faut l’entretenir. D’où l’importance des gestes d’affection, du dialogue, des cadeaux, des mots de tendresse. Le mariage, dans le plan de Dieu, c’est quelque chose de beau, de sérieux, qui doit se construire au jour le jour. C’est plus qu’un contrat, c’est une alliance. Pour Jésus l’amour est fondé sur la tendresse du coeur et non sur des rapports de force; l’amour ne peut se vivre que dans la réciprocité et l’égalité. Il existe, selon lui, des attitudes, des façons d’agir dans le mariage qui assurent la stabilité et le respect du conjoint et des enfants. Le péché ou le mal ne consiste pas à enfreindre une loi, mais à briser les liens d’une relation importante. Cette rupture entraîne des résultats souvent pénibles et même parfois catastrophiques pour le couple et pour les enfants.

«Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créaC’est là l’idéal présenté par le Seigneur sur l’institution du mariage. Mais il sera toujours plein de tendresse pour tous, incluant les divorcés et les partenaires de mariages brisés. Les paroles de Jésus sont encore aujourd’hui une bonne nouvelle pour tous.



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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« Il n’est pas des nôtres »

Les lectures d’aujourd’hui nous invitent à respecter ceux et celles qui ne sont pas de notre groupe. Josué demande à Moïse d’empêcher ceux qui ne sont pas des «officiels» de prophétiser. Et Moïse de répondre : «Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes!» Dans l’évangile, Jean dit à Jésus : «quelqu’un qui n’est pas de notre groupe chassait les démons et nous voulions l’empêcher». Jésus demande de le laisser faire. Moïse et Jésus invitent à la tolérance et à l’ouverture envers ceux et celles qui sont différents de nous. Ce dimanche pourrait être celui de l’œcuménisme et du respect des diversités.

Le Pape Jean XXIII disait: «l’Église est comme une vieille fontaine de village qui a abreuvé des générations pendant des siècles. Les gens passent et la fontaine reste. La fontaine ne distingue pas entre les sympathiques et les antipathiques, entre les bons et les mauvais, entre les marginaux et les bien-pensants. Elle les accueille tous avec sa générosité proverbiale.»

L’objection de Jean dans l’évangile est celle de tous les intégristes, de toutes les personnes fermées aux autres : «Il n’est pas des nôtres!». C’est la tentation des esprits sectaires. Heureusement, il y a Jésus pour interdire les excommunications : «Ne les empêchez pas, acceptez la diversité, respectez ceux et celles qui sont différents de vous». Le Christ veut nous guérir de notre mesquinerie, de notre vision trop étroite.

Les intégristes et les sectaires sont plus rapides à fermer la porte qu’à l’ouvrir: «Ils ne sont pas des nôtres! ils ne sont pas chrétiens, pas de notre parti politique, pas de notre idéologie. Montrez vos papiers! Vous n’êtes pas francophones, pas anglophones, pas catholique, pas pratiquant, pas libéral, pas péquiste (*), pas caquiste (*)! Vous n’appartenez pas à mon syndicat, à mon école, à mon club. Vous êtes de la gauche, de la droite, du centre… alors, je ne vous écoute pas! Si je le peux, je vous ferai taire, je vous empêcherai de parler et d’agir.» Le sectarisme n’est pas mort !

(*) Ndlr: Péquiste et Caquiste sont deux partis politiques québécois opposés

Il n’y a pas si longtemps, avant le Concile Vatican II, l’Église défendait aux catholiques d’avoir des contacts avec les protestants et avec les non-chrétiens. Il fallait la permission du curé pour s’inscrire dans une école anglaise et il était interdit d’entrer dans une église protestante.

Il fut un temps où l’on interdisait tout ce qui ne répondait pas à nos valeurs et à nos critères : livres, films, musique, pièces de théâtre, etc. «La censure nous protégeait» de tout ce qui ne répondait pas à nos normes, sans se soucier de ce qui pouvait être bon dans ce que l’on rejetait.

Jésus est le «catholique» par excellence, l’homme universel (c’est le sens du mot «catholique»)  Il présente Dieu comme celui qui fait pleuvoir sur les bons et sur les mauvais, qui fait briller son soleil sur tous. Il protège la femme adultère, contrevient à la loi qui interdit de s’approcher des lépreux, s’assoie à la table des pécheurs, côtoie les publicains, les prostituées, les samaritains.

L’encyclique Ecclesiam suam affirmait: «l’Église doit être prête à soutenir un dialogue ouvert avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, à l’intérieur et à l’extérieur de ses cadres. Personne ne doit être considéré comme étant en dehors de son cœur. Personne ne doit être considéré comme son ennemi, à moins qu’il ou qu’elle ne choisisse de l’être.» Le cardinal Martini, qui est décédé il y a peu de temps, était un exemple de cette ouverture à toutes et à tous.

Le Pape Jean XXIII disait : «L’Église a de nombreux ennemis, mais elle ne doit être l’ennemi de personne

Les textes d’aujourd’hui nous invitent à réfléchir sur nos préjugés, nos exclusions, nos rejets des autres. L’ouverture ne nous oblige pas à renoncer à notre propre identité chrétienne, au contraire elle la renforce, non dans l’affrontement mais dans le dialogue. Dialoguer pour comprendre, être émerveillé, être enrichi! Lorsque l’on s’approche des autres, que ce soit des Anglicans, des Méthodistes, des Mormons, des Musulmans, des Indus, des Juifs, des non-croyants, des athées, des animistes, on y découvre des perles d’humanité et de spiritualité.

On se rend compte qu’en dehors de l’Église, il y  plein de salut, que des milliers de gens chassent les démons, c’est à dire qu’ils luttent contre le mal, la maladie, les préjugés et la discrimination. Il existe de nombreuses personnes qui font un travail exceptionnel dans un grand esprit de fraternité et d’engagement…

Ni le groupe des Douze, ni aucune Église n’est seul dépositaire de l’Esprit de Dieu. Hors de nos cénacles, l’Esprit souffle, imprévisible, libre comme le vent (Jean 3,8).

Le Christ nous invite aujourd’hui à être ouvert à ceux et celles qui veulent faire le bien, à être édifiés par leurs engagements, à admirer le beau travail que font ceux et celles qui ne sont pas de notre groupe, de notre parti politique, de notre nationalité. «Ne les empêchez pas, même s’ils ne sont pas des nôtres