HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 27 janvier 2019

3ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du père Yvon Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

« C’est aujourd’hui que cette parole s’accomplit« 

Plusieurs chrétiens sincères et honnêtes se demandent si les textes de la Bible sont vrais, si ça s’est vraiment passé comme les évangélistes et les autres auteurs nous le racontent. C’est une question pertinente et légitime. Bien sûr, ça peut nous aider de savoir que la Bible contient toute une «bibliothèque», avec toutes sortes de genres littéraires. Que chacun des nombreux auteurs a son style, sa façon d’écrire, ses images et ses paraboles. C’est aussi utile de se rappeler qu’aucune œuvre de la littérature mondiale n’a été aussi étudiée et approfondie que la littérature biblique. Des milliers d’experts se penchent chaque année et depuis des siècles, sur ces textes afin de les scruter, les analyser et mieux les comprendre.

Aujourd’hui, dans la synagogue de Nazareth, Jésus nous propose une nouvelle façon de poser la question sur la véracité de la parole de Dieu. Au lieu de nous demander si ce que nous raconte le texte est vrai, Jésus suggère de poser la question : Est-ce que cette Parole peut devenir réalité dans notre vie quotidienne.

Après avoir lu le texte d’Isaïe, un texte vieux de plusieurs siècles, Jésus ajoute simplement : «Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture.» C’est-à-dire, ce passage d’Écriture que nous venons d’entendre devient réalité maintenant. «L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits.»

Le Christ rend l’Écriture vivante et vraie «aujourd’hui». Il se rapproche des pauvres et des pécheurs, guérit les malades, réintègre dans la communauté ceux et celles qui ont été mis au ban de la société, redonne la vue aux aveugles, proclame la bonne nouvelle du Royaume. C’est l’aujourd’hui de Dieu.

Et la question nous est posée : Est-ce que ce passage d’évangile peut aussi s’accomplir dans notre vie de tous les jours? Est-ce que l’Esprit Saint peut nous aider à annoncer la bonne nouvelle : à libérer ceux et celles qui sont prisonniers des stupéfiants, de l’alcool, des jeux de hasard; à visiter les malades et les personnes qui souffrent de solitude; à redonner la vue à ceux et celles qui sont déprimés et découragés?

Le Christ nous offre un exemple très coloré de cet «aujourd’hui de la Parole de Dieu» dans la parabole du bon Samaritain. Un avocat qui avait des difficultés à accepter les recommandations de Jésus, «pour se justifier» lui pose la question : «Mais qui est mon prochain?» Jésus ne lui fait pas de grands discours sur le prochain idéal, il lui raconte la parabole du bon Samaritain. Jésus affirme que le prochain, c’est celui ou celle qui s’approche d’une personne dans le besoin… ça peut être vous, moi, le légiste qui pose la question. Remarquez les paroles de Jésus : «Lequel de ces trois, à ton avis, (le prêtre, le lévite et le Samaritain) s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands?»… Le prochain, ce n’est pas le blessé abandonné le long du chemin, mais la personne qui s’en approche et lui vient en aide. Je deviens le prochain de quelqu’un lorsque je me fais proche d’elle ou de lui. Et Jésus termine cette rencontre en disant au légiste : «va, et toi aussi fais de même». «Accomplit aujourd’hui ce passage de l’Écriture».

Dans notre monde sceptique et désabusé, rendre vivante et vraie la Parole de Dieu a beaucoup plus de sens que d’essayer de prouver la véracité des anciens textes des Évangiles, bien que cette véracité soit importante et nécessaire.

Si nous les chrétiens, à la suite de la lecture sur la femme adultère prenons au sérieux les paroles de Jésus : «Que celui ou celle d’entre vous qui est sans péché lui lance la première pierre», nous nous éloignerons des attroupements meurtriers qui, par médisance ou calomnie, démolissent la réputation des autres. Si, après avoir lu la parabole de l’enfant prodigue, nous acceptons de changer notre cœur de pierre en cœur de chair et  nous répondrons à l’invitation du Père d’entrer dans la salle du festin pour nous réconcilier avec notre frère qui était perdu et est maintenant retrouvé. Si, après avoir écouté le récit de la guérison du lépreux et de sa réintégration dans la société de son village, nous acceptons de nous approcher des personnes qui appartiennent à certaines catégories méprisées (les gens sur le BS, les travailleurs saisonniers, les itinérants, les malades du sida, les ex-prisonniers, etc.), nous imiterons notre Père céleste qui a envoyé son Fils non pas pour condamner le monde mais pour le sauver. Si, après avoir entendu Jésus nous dire que «le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat», nous acceptons – tout en tenant compte de l’évolution de la vie moderne – de réviser notre façon de vivre «le Jour du Seigneur», nous redonnerons un sens à nos dimanches chrétiens.

Souvent à la messe du dimanche, nous écoutons les lectures d’un air ennuyé et désabusé. C’est peut-être parce que nous voyons dans ces récits des réalités vieilles de deux ou trois mil ans, alors que la parole s’adresse à nous et nous interpelle aujourd’hui. Cette Parole de Dieu peut alors devenir pour nous ce qu’elle a été pour la Samaritaine au puits de Jacob : «une source d’eau vive qui ne tarit jamais». (Jean 4)

L’exemple du Christ, dans la synagogue de son village, nous invite aujourd’hui à rendre la parole de Dieu vivante et vraie dans notre vie de tous les jours. Cette parole devient alors «lumière pour nos pas», «chemin, vérité et vie», «création d’un ciel nouveau et une terre nouvelle». Cette parole, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit.