Dimanche 29 octobre 2017
30ème Dimanche du Temps ordinaire
(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada).
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Maître, quel est le plus grand commandement?
Jésus est poursuivi inlassablement par ses adversaires. Tous l’épient pour le prendre en défaut : les partis politiques, les groupes religieux, les scribes et les pharisiens! Faut-il payer l’impôt à César ? Faut-il croire que la résurrection est possible ? Quel est le plus grand commandement ?
La question ne vient pas d’une personne sincère qui cherche la vérité, mais de quelqu’un qui veut prendre Jésus au piège. «L’un d’eux lui demanda pour le mettre à l’épreuve», dit le texte : «Maître, dans la Loi, quel est le plus grand Commandement?»
Jésus établit avec clarté la priorité absolue des deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Nous connaissons bien cet évangile, peut-être trop bien, ce qui nous porte à le mettre rapidement de côté en disant : «Oui, oui, nous l’avons souvent entendu». Il y a cependant plusieurs aspects intéressants pour notre foi chrétienne dans cette réponse de Jésus. Le Seigneur a le don de nous ramener à l’essentiel.
Premièrement, bien que la question du docteur de la loi ne porte que sur « le » plus grand commandement, Jésus en propose non pas un mais deux et il les unit l’un à l’autre.
Le premier de ces deux commandements ne surprend pas les pharisiens : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et tout ton esprit.» C’est en toute lettre dans la grande prière juive, celle que l’on récite trois fois par jour, tourné vers Jérusalem. Ensuite, Jésus ajoute un second commandement tiré du Livre de Lévitique : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même.» Ce précepte, les pharisiens le connaissent bien lui aussi.
Mais la grande nouveauté, qui a fait scandale auprès de ces hommes très religieux, c’est de mettre sur le même plan Dieu et le prochain, l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Ce sera la grande leçon de la parabole du jugement dernier, où Jésus s’identifie purement et simplement à ceux et celles qui étaient dans le besoin. Ses disciples ont agi sans savoir que c’était le Seigneur lui-même qu’ils servaient à travers ceux et celles qui avaient besoin d’aide : «Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer, étranger et de t’accueillir, nu et de te vêtir, malade ou prisonnier et de venir te voir ?… En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.» (Mt 25, 31-46).
Pour Jésus, il n’y a pas deux amours, il n’y en a qu’un et l’attitude envers le prochain vérifie la qualité de notre attitude envers Dieu.
Il n’est donc pas question de choisir entre Dieu et l’être humain, comme on le faisait au temps de Jésus et comme on le fait souvent encore aujourd’hui. On ne peut opposer Dieu à l’homme, ni l’homme à Dieu. Il n’y a pas de concurrence entre les deux amours : «Ce que vous refusez au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous le refusez» (Matthieu 25, 45). «Qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas », dit S. Jean. (1 Jean 4, 20)
Il est donc clair qu’on ne peut éliminer un commandement par l’autre, comme certains seraient tentés de le faire. Il serait tellement plus pratique de se dispenser de l’un des deux commandements, en disant : il suffit d’aimer Dieu ou bien, il suffit d’aimer le prochain. Pour Jésus, il n’y a pas un seul commandement, il y en a deux.
Dernièrement, je lisais le reportage d’un journaliste qui revenait d’Afrique. Dans un hôpital, il avait rencontré une jeune religieuse qui soignait les plaies d’un lépreux. Il lui dit très sincèrement: «Je ne ferais pas ce genre de travail pour un million de dollars». Et la jeune religieuse lui répondit: «Moi non plus. Mais je le fais par amour pour ce pauvre homme qui est en train de mourir.» La jeune religieuse s’efforçait d’aimer Dieu en aimant le pauvre malade qui se mourait dans cet hôpital de fortune.
Bon samaritain, Il y a un autre aspect important dans la réponse de Jésus : il nous donne une nouvelle définition du prochain. Dans le texte de S. Luc qui raconte la même histoire, le docteur de la loi pris au dépourvu par l’obligation d’aimer non seulement Dieu mais aussi le prochain, demande à Jésus : «Mais qui est mon prochain?»… et Jésus lui répond par la parabole du bon Samaritain. Jésus renverse alors la notion de prochain : «Qui a été le prochain de l’homme blessé et laissé pour mort ?» Le prochain n’est pas celui qui est blessé, qui est proche de nous et qui a besoin d’aide, mais celui qui se rapproche de cette personne en détresse. Qu’il s’agisse d’aider un blessé, un malade, une personne âgée, en enfant abandonné, une personne seule, le prochain, c’est vous, c’est moi lorsque nous nous rapprochons de cette personne en difficulté. Et, selon Jésus, cela n’a rien à voir avec la nationalité, la religion ou le parti politique. Dans la parabole du bon Samaritain, le Seigneur évite de mentionner la race, la nationalité ou la proximité sociale de la personne blessée. Tout ce qui compte, c’est le besoin qu’elle a d’être secourue.
En conclusion, nous pouvons dire que Jésus – et cela est l’originalité de sa réponse – établit avec clarté la priorité absolue des deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Il fait de ces deux commandements le principe unificateur de son évangile. Il nous ramène à l’essentiel de la religion.
Tout dans le christianisme doit être orienté vers cet amour de Dieu et du prochain : la prière, l’écoute de la parole de Dieu, les sacrements, l’eucharistie, tout cela a pour but de faire grandir en nous cet amour de Dieu et du prochain. On se plaint souvent aujourd’hui que tout change dans la religion et dans la civilisation autour de nous. Jésus nous redit ce matin : Ce qui ne change pas ce sont ces deux commandements de l’amour : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… et tu aimeras ton prochain comme toi-même.