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HOMÉLIE DOMINICALE

Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada

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La ville entière se pressait à la porte. Jésus guérit toutes sortes de malades

Dans l’Évangile de dimanche dernier, Marc soulignait deux des aspects importants de l’activité de Jésus : son enseignement et ses guérisons. Aujourd’hui il mentionne de nouveau ces deux éléments et il en ajoute un troisième : la prière. Jésus est l’homme pour les autres, mais il est aussi l’homme de la prière. En contact avec son Père, il cultive son jardin secret pour ne pas être emporté par la tentation du succès, du pouvoir et de la manipulation. La prière est présente chez lui et accompagne toutes ses activités.

Jésus est venu «évangéliser», ou comme le souligne le texte : «proclamer la Bonne Nouvelle». Pour lui, évangéliser, ce n’est pas faire de la propagande ou du recrutement. L’évangélisation ne cherche pas à «ramener les gens à l’église» ou à «convertir les païens». Ce n’est ni une croisade ni une tentative de récupération. Évangéliser, c’est communiquer, au cœur de la vie des gens, l’espérance fondée sur l’amour que Dieu a pour nous. Évangéliser, c’est annoncer cette Bonne Nouvelle : Dieu nous aime, la vie a du sens, la mort n’est qu’un moment de transition.

Chez Marc, comme chez les autres évangélistes, l’évangélisation de Jésus est toujours accompagnée de promotion humaine. L’attention du Seigneur pour les malades, les laissés pour compte,  les rejetés de la société est constante dans tous les récits évangéliques. Il remet sur pied le paralytique, réintègre les lépreux à leur communauté respective, guérit la femme qui souffre de perte de sang, l’homme à la main desséchée, la fille de la Syro-Phénicienne, l’épileptique, l’aveugle de Jéricho, le serviteur du Centurion romain. Il ressuscite la fille de Jaïre et son ami Lazare. Il redonne un sens à la vie de Marie-Madeleine la prostituée, de Zachée le publicain, de la femme adultère condamnée à la lapidation, des lépreux rejetés hors des villages, de la Samaritaine aux six maris, du voleur condamné à mourir crucifié avec lui, etc.

Évangéliser, c’est faire renaître l’espérance chez ceux et celles qui souffrent, qui sont étiquetés et condamnés par les autres. C’est ce que Jésus a fait dans sa vie et son action ne se limite pas à l’espace religieux ! Jésus circule dans le vrai monde, avec ses souffrances, ses solitudes, ses injustices, ses violences. C’est le terrain qu’il choisit pour proclamer la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu et l’espérance d’un monde meilleur. Pour Jésus, il n’y a pas d’évangélisation sans promotion humaine.

Par ses paroles et par ses gestes, Jésus rappelle que Dieu est celui qui «essuiera toute larme de nos yeux. De mort il n’y en aura plus. De pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé. Celui qui siège sur le trône déclare «Voici, que je fais l’univers nouveau». (Apocalypse 21, 4-5)

Marc nous présente la journée typique de Jésus comme un exemple à suivre. Nous n’avons pas le pouvoir de guérir, mais nous pouvons tous avoir de la compassion, être présents auprès de ceux et celles qui souffrent, écouter ceux et celles qui vivent dans la solitude, accueillir, tendre la main. Dans un monde blessé par tant de violences, de misères, de souffrances, il devient urgent d’allumer une petite chandelle au cœur de la nuit. Comme le dit un vieux dicton français : «Il vaut mieux allumer une petite chandelle dans le noir, que de maudire la noirceur».

Nous sommes invités aujourd’hui, à l’instar du Seigneur, à faire renaître l’espoir, à rallumer la lampe qui vacille, à redonner le goût de vivre et la force de continuer le chemin. Il faut savoir mettre la main sur l’épaule de celui et de celle qui souffre, de les regarder dans les yeux et leur redonner confiance, de les encourager, de les motiver. Il suffit parfois d’un simple regard, d’un simple geste d’amitié.

Savoir accompagner sans juger, aider sans poser de questions, être là pour la personne malade, blessée, accusée, condamnée, jetée par terre… «Jésus fit lever la belle-mère de Pierre en la prenant par la main». Et sur la croix, juste avant de mourir, il dira au voleur crucifié avec lui : «Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis».



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

« Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes »

Jésus invite Simon et André, Jean et Jacques à une nouvelle vision de la vie. Les années qui leur restent seront consacrées aux autres : «Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes».

Une des dimensions essentielles de la vie chrétienne est de porter du fruit, de bien utiliser les années qui nous sont données. Notre vie est un «pèlerinage et nous sommes de passage ». Nous vivons au temps de la «paroikia», c’est à dire du pèlerinage. Les mots «paroisse» et «paroissiens» sont des dérivés de cette expression grecque.

«Pour que le monde change, il faut que les individus changent… Convertissez-vous».

Nous sommes ici de façon transitoire et le provisoire fait partie de notre vie. Du moment de la conception jusqu’à la mort, nous devons continuellement nous désinstaller pour aller de l’avant : après neuf mois dans le sein de notre mère, il y a la naissance, suivie de la petite enfance, de l’adolescence, de l’âge adulte, du temps de la retraite, de la période de vieillesse… Nous devons continuellement nous repositionner et nous réadapter à une réalité nouvelle. Dans l’évangile, le Seigneur désinstalle ses quatre disciples et les recentre sur les gens autour d’eux. Ils deviennent des «pêcheurs d’hommes».

Les trois lectures nous parlent du temps qui passe : «Encore 40 jours et Ninive sera détruite», annonce Jonas. «Le temps se fait court et il nous faut carguer (replier) les voiles pour entrer au port» dit S. Paul, et Jésus ajoute : «Les temps sont accomplis et le Règne de Dieu est tout proche».

À travers les siècles, le temps a toujours été un sujet de conversation très populaire. Ovide écrivait : «Le temps est un animal féroce qui dévore tout… la jeunesse, la santé, les richesses, la force physique, les projets les plus chers…». Sur les clochers des églises du Moyen Âge, on inscrivait la phrase suivante : «Il est plus tard que tu ne penses». «Tuer le temps! C’est ce que l’être humain essaye toujours de faire. Mais à la fin, c’est le temps qui nous tue.» (H. Spencer) «Le temps passe vite, on ne le voit pas» (expression populaire).

Dans la Bible, le temps est un élément bon et positif. C’est un don qui nous est offert, c’est un cadeau de Dieu. Il nous permet de porter du fruit, de «nous convertir», de participer à la création d’un monde plus humain. Selon Jésus et selon saint Paul le temps est une porte ouverte sur un avenir meilleur. Il ne s’agit pas de pleurer sur le temps qui passe, mais d’accueillir avec gratitude les «temps nouveaux» qui s’ouvrent à nous. «Les temps sont accomplis» ! C’est là une invitation à considérer la vie sous une optique d’éternité. Nous sommes au seuil du monde nouveau, évoqué par Isaïe : «Voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle» (Is 65, 17).

Les textes d’aujourd’hui rappellent que pour les habitants de Ninive, pour les disciples du Christ, et pour nous, le temps est une période de grâce qui nous invite à la conversion.

Jésus a vécu dans un siècle de guerre et d’injustice. Les tyrans gouvernaient, et les légions romaines opprimaient les peuples sans se préoccuper des conséquences néfastes pour ceux et celles qui leur étaient soumis. Il suffit de lire certains volumes d’histoire pour nous rendre compte de la violence de l’Empire. Dans ce monde d’esclavage et d’abus de pouvoir, Dieu a envoyé son Fils pour offrir une vision nouvelle, une vision différente, plus humaine et plus juste, afin de redonner l’espérance et encourager ses disciples à créer un monde meilleur, un monde plus fraternel. Si nous le voulons, «le Règne de Dieu», c’est à dire la façon que Dieu a d’envisager le monde, est tout proche de nous, il est à notre portée.

Face au mal qui est omniprésent, nous espérons toujours que les gens «se convertissent» et qu’ils changent leur attitude. Le Christ nous suggère plutôt de commencer le changement par nous-mêmes : «Pour que le monde change, il faut que les individus changent… Convertissez-vous».

Pour vivre dans un monde meilleur il nous faut changer notre perception des choses et «croire à la Bonne Nouvelle», comme l’ont fait Simon et André, Jean et Jacques : «Les temps sont accomplis et le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’évangile.»… «Devenez pêcheurs d’hommes».



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 14 janvier 2018

Deuxième dimanche du temps ordinaire B

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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Le temps des substitutions est terminé

Aujourd’hui et dimanche prochain, nous assistons à la rencontre de Jésus avec ses premiers disciples. Selon saint Jean, ceci a lieu au bord du Jourdain, selon les évangiles synoptiques l’événement prend place près du lac de Tibériade.

Ce qui frappe dans ce texte de vocations, c’est que les disciples apprennent à connaître Jésus grâce à l’intervention d’intermédiaires : Jean Baptiste conduit André et un autre disciple à Jésus, André invite son frère Simon à rencontrer le Seigneur, Simon en parle à Philippe qui, à son tour, transmet la nouvelle à Nathanaël… Et il en est ainsi depuis 2000 ans! L’appel de Dieu est transmis par quelqu’un qui, ayant rencontré Jésus, en parle à d’autres. S. Jean dira dans sa première lettre : «Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie… nous vous l’annonçons.» (1 Jean 1, 1-4)

En réfléchissant sur l’origine de notre propre foi, nous nous souviendrons sans doute de certaines personnes qui nous ont introduit au Christ : nos parents, nos grands-parents, un oncle, une tante, le curé de notre paroisse, certains enseignants… L’histoire du christianisme est une grande chaîne de personnes qui en conduisent d’autres à Dieu.

Devant la crise des vocations, nous sommes tentés de multiplier les sondages, les enquêtes, les analyses sociologiques. C’est sans doute nécessaire, mais nous devons nous demander : qu’est-ce que les chrétiens font pour annoncer Jésus et sa Bonne Nouvelle. Sont-ils convaincus des répercussions positives que peuvent avoir les valeurs chrétiennes dans leur quotidien? Comment vivent-ils leur christianisme au sein de la famille, au travail, dans les lieux de loisirs?

Dans le texte d’aujourd’hui, lorsque le Christ rencontre ses premiers disciples, il ne leur dit pas «suivez-moi»… mais : «Que cherchez-vous?» Ce sont là les premiers mots de Jésus dans l’évangile de saint Jean. Cette question s’adresse à chacun et à chacune d’entre nous. «Que cherchons-nous? Quels sont nos désirs et nos aspirations?» Quel est le sens de notre vie? Que cherchons-nous dans la famille, au travail, au club, au bar, à l’église ? Quelles sont nos priorités?

Une fois ces priorités clarifiées, le contact avec Jésus conduira à un changement de direction, à une conversion. Être disciple de Jésus veut dire, entrer dans une nouvelle aventure, dans un changement de notre façon de vivre. Le nouveau nom de Simon est une indication de cette transformation : «Tu es Simon, le fils de Jean; à l’avenir, tu t’appelleras Pierre». Jésus révèle à Pierre qui il est maintenant et qui il deviendra plus tard. Le véritable chrétien est celui ou celle qui apprend petit à petit à changer sa façon de comprendre les choses, à voir à travers les yeux du Seigneur, à adopter sa mentalité à celle du Christ. Ce contact donne un sens nouveau à notre vie et transforme notre petit monde.

Jésus appelle André, Jacques, Simon et Jean, mais il nous appelle nous aussi. Autrefois, il y avait plein de prêtres, de religieux et religieuses, de gens qui s’engageaient au nom de leur foi chrétienne. Aujourd’hui, ils sont beaucoup moins nombreux à répondre de cette façon et nous ne pouvons plus nous permettre de laisser aux autres le soin de faire le travail à notre place. Le temps des substitutions est terminé. Nous ne pouvons plus dire maintenant : «que les religieuses se chargent d’éduquer nos enfants et nos petits enfants dans la foi chrétienne; que les missionnaires aident les gens des pays plus pauvres; que les bénévoles visitent les malades; que les laïcs engagés s’occupent des personnes âgées, etc.» Aujourd’hui, nous sommes tous appelés à faire notre part, à mettre l’épaule à la roue, à donner un coup de main.

Dans notre église, le temps des substitutions est terminé. Nous ne pouvons plus nous contenter d’assigner aux autres le travail à faire et les responsabilités à assumer, tout en nous réservant le beau rôle de spectateurs privilégiés et de critiques des curés, des religieux, des laïcs engagés. Chacun et chacune est appelé à collaborer avec le Seigneur pour rendre notre monde meilleur, plus humain, plus fraternel. Nous sommes invités à créer un monde de pardon, de partage, de tendresse et d’amour. Voilà ce à quoi nous sommes appelés par le Christ.

Avec André et Simon, Jacques et Jean le Seigneur nous invite à le suivre et à construire, jour après jour, le Royaume de Dieu chez-nous. Il nous appelle par notre nom et nous indique le chemin qui s’ouvre devant nous : «Tu es Simon, Claudette, Hélène, Jean-Claude! Tu t’appelleras messager de la paix, éducateur de la foi, ami(e) plein(e) de tendresse, protecteur du plus faible, bénévole de l’encouragement…» L’appel s’adresse à tous, sans exception.



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada).

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Dimanche 7 Janvier 2018

Fête de l’Epiphanie

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Chercheurs de Dieu

«Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand». Ce sont les seuls mots de Matthieu sur la naissance de Jésus. Matthieu semble s’intéresser très peu à l’événement en tant que tel, à la différence de Luc. Par contre, dans le récit de la visite des Mages qui présente une sorte d’introduction à tout son évangile, il met l’accent sur la «signification» de cette naissance.

L’arrière-fond historique du récit symbolique des rois-mages comporte deux aspects principaux : Il y a tout d’abord l’agressivité du vieux roi Hérode dont la pathologie paranoïaque est bien connue. Jésus, le nouveau libérateur d’Israël, est poursuivi par un roi ennemi tout comme Moïse l’avait été en Égypte par le pharaon.

Un autre aspect important est que Matthieu a écrit son évangile pour les chrétiens d’origine juive de Syrie. Ceux-ci se croyaient supérieurs au reste du monde parce qu’ils appartenaient au peuple choisi. Devant cet orgueil et cet exclusivisme hérités de l’Ancien Testament, l’évangéliste invite à reconnaître le «roi des juifs» dans un petit enfant, déposé dans une mangeoire. Ce ne sont pas les puissants laïcs ou religieux d’Israël qui le découvrent, mais des «étrangers» venant de loin et exerçant une profession méprisée, l’astrologie. Plusieurs thèmes se prêtent à notre réflexion chrétienne en cette fête de l’Épiphanie où Matthieu nous propose trois contrastes importants.

  • Il compare d’abord le roi Hérode à Jésus, le roi des Juifs. Dès cette première page, il y a une couronne royale en jeu : qui est réellement le «roi» des juifs? Hérode, le tyran puissant, meurtrier et violent? Ou bien Jésus, cet enfant, faible, désarmé, qui mourra victime innocente? Lorsque les sages d’Orient demandent : «Où est le roi des Juifs qui vient de naître? » ils parlent de Jésus, le petit enfant faible et dépendant, incapable de se défendre. Dans les dernières pages de son évangile, Matthieu donnera de nouveau ce titre de «Roi des Juifs» à Jésus. Les soldats romains se moqueront de lui en disant : «Salut, roi des Juifs». Ponce Pilate inscrira sur la croix la cause de sa condamnation : «Celui-ci est le roi des Juifs». Et les scribes et les grands prêtres se moqueront de lui en criant : «Si tu es le roi des Juifs, descend de la croix». Le récit des sages d’Orient est un prélude à ce qui arrivera plus tard. Tout au long de son évangile, Matthieu nous présente Jésus comme un roi humble, qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir. Le royaume de Jésus n’est pas comme les royaumes de la terre et il est très différent de celui d’Hérode.
  • Matthieu compare ensuite Jérusalem à Bethléem. Jérusalem est la plus grande ville du pays, le centre du culte d’Israël, le lieu privilégié du Temple. Dans cette ville, l’étoile ne brille pas. Jérusalem préfère «ses ténèbres à la lumière, ses vieux parchemins à la Parole incarnée de Dieu.» Bethléem par contre est le village du berger David, «la maison du pain», l’humble bourgade d’une vingtaine de familles où vivent des gens simple et ouvert à Dieu. Le Seigneur a choisi de naître et de s’incarner dans ce lieu simple et retiré.  Enfin, Matthieu compare les chercheurs de Dieu à ceux qui ne cherchent plus. Les gens de Jérusalem croient qu’ils possèdent la vérité et depuis longtemps ils ont cessé de chercher. Les Mages représentent tous les gens en quête de lumière et de vérité.
  • Dans ce récit symbolique, le chemin des sages d’Orient est parfois éclairé et parfois obscure. Ces chercheurs de Dieu ne se découragent pas pour autant et continuent leur exploration. Après avoir trouvé le Seigneur, ils lui rendent hommage. Ils retournent ensuite dans leur pays par une nouvelle route : le contact avec Dieu ouvre des voies inconnues et change notre façon de penser, d’agir et de vivre.

À travers ces comparaisons, Matthieu s’adresse à chacun et à chacune de nous. Il nous interroge sur notre attitude envers Dieu : Sommes-nous comme les sages d’Orient ou comme les habitants de Jérusalem?

Il arrive souvent dans nos vies un «signe» nous est donné, un signe qui nous provoque et nous interroge. Ce n’est pas nécessairement une étoile, mais peut-être une personne rencontrée; un livre qui nous tombe sous la main; un film qui nous traverse l’esprit et le cœur, un événement inattendu : une maladie grave, un enfant qui naît, une perte d’emploi, un nouveau travail ou une nouvelle responsabilité, etc.

En cette fête de l’Épiphanie, profitons de ces «signes» pour devenir, nous aussi, des chercheurs de Dieu.



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

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« Jésus grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse »

 Noël est d’abord et avant tout une fête qui se célèbre en famille. Cette période festive est un temps de rencontres où l’on transmet, de génération en génération, les traditions et les rites qui expriment la vie, l’attachement, les bonnes relations, les valeurs du groupe.

La fête d’aujourd’hui s’intègre donc très bien au cycle de Noël. Une vénération spéciale de la Sainte Famille s’est développée au 17e s. grâce à Mgr. François de Montmorency Laval (1623-1708), le premier évêque de Québec. Sachant que la famille est un environnement privilégié, il en a fait la promotion et, à partir de l’Amérique du Nord, cette fête a été adoptée un peu partout dans le monde.

Nous connaissons bien peu de choses sur la vie familiale de Marie, Jésus et Joseph. L’Évangile semble plus intéressé à l’intégration de cette famille dans le peuple d’Israël qu’aux détails de leur vie quotidienne. Marie et Joseph accomplissent fidèlement la loi de leur peuple et se présentent au Temple pour y accomplir le rite de purification de la mère et l’offrande au Seigneur du fils premier-né, tel que prévu au Livre de l’Exode.

La famille de Jésus est socialement bien intégrée. Elle connaît les coutumes de son peuple et vit en accord avec ses traditions. C’est un signe de maturité humaine et religieuse de savoir s’intégrer à une communauté, de participer à ses rites et d’assumer les fêtes et coutumes de son peuple.

Dans l’évangile, Marie et Joseph offrent leur enfant à Dieu ne sachant pas ce que l’avenir lui réserve, comme tous les parents qui présentent un enfant au baptême.

Ce n’est pas un hasard que, selon Luc, ce ne sont pas les autorités officielles – les prêtres et les scribes -, qui reconnaissent Jésus, mais des gens ordinaires, des pauvres! Syméon et Anne sont «vieux». Ils appartiennent à cette catégorie que toute société a tendance à oublier et à ne pas respecter.

Syméon et Anne, à travers les années, au lieu d’accumuler les désillusions, ont accumulé l’espérance, attendant «la consolation d’Israël, la lumière qui éclaire les nations et la gloire du peuple de Dieu».

La liturgie d’aujourd’hui veut nous présenter la sainte famille comme un modèle à suivre, une famille normale avec ses peines, ses joies, ses amitiés, ses rejets, ses drames…

Marie et Joseph ont été de bons parents, de bons éducateurs et le Christ leur doit toute sa formation. Il restera toujours « le fils du charpentier ». « Il leur était soumis et grandissait en âge et en sagesse », entouré d’amour et de respect.

Jésus a appris de sa famille l’honnêteté, le respect des autres, la sincérité, le civisme, la foi, la prière, la justice, l’amour, l’esprit de service et la joie de vivre.

Aujourd’hui, la famille passe souvent au second rang… Ce sont les gouvernements, les pouvoirs publics, les systèmes scolaires et les médias qui contrôlent la croissance des jeunes… Il n’y a pas beaucoup de place pour la famille dans les programmes politiques. Nous oublions souvent que la société vaut ce que valent les familles qui la composent. Sophocle disait : « Ce qui est bon pour la famille est bon pour l’État. »

Notre façon d’être, de penser, d’agir, d’aimer, d’évaluer  les personnes et les situations, nous viennent en grande partie de nos parents.

Profitons de cette fête de la sainte famille et de la période de Noël pour redonner de l’importance à nos contacts familiaux.

« Nous aussi avons grandi, pris des forces, et développé une certaine sagesse au sein de notre famille. »



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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L’Esprit Saint viendra sur toi et il te prendra sous son ombre

Dans la première lecture d’aujourd’hui, David veut construire un temple à Jahvé : «J’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite sous la tente.» Mais un peu plus loin dans le texte, nous voyons que Dieu refuse. «Est-ce toi qui me construira une maison pour que j’y habite?» … Dieu ne veut pas se laisser enfermer dans un temple de pierre. David aimerait offrir à Dieu une demeure stable, un espace sacré, alors que le Seigneur se veut nomade avec son peuple, il veut l’accompagner partout où il se trouve.

Le mystère de l’Incarnation n’est pas simplement un anniversaire de naissance. C’est une invitation à partager la vie même de Dieu dans notre vie de tous les jours.

La fête de Noël nous révèle que le temps où l’on cherchait Dieu sur les sommets, dans les nuages, dans les sanctuaires, dans les rites et les sacrifices est fini. Fini le temps des ziggurats, des pyramides, le temps où les hommes multipliaient les efforts pour s’élever jusqu’à Dieu (Tour de Babel). Ce n’est pas nous qui devons monter pour nous approcher de Dieu, c’est Dieu qui descend et vient habiter chez-nous.

À Noël, nous célébrons le Dieu qui se cherche une demeure. Le contraste entre le projet de David et celui de Marie devient évident. Marie reçoit Dieu dans son humble maison de Nazareth et lui permet d’habiter en elle. Elle devient alors la nouvelle arche d’alliance, le nouveau temple de Dieu. Saint Paul pourra écrire sans hésitation aux chrétiens de Corinthe: «Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit habite en vous? Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous !» (1 Co 3, 16-17).

Luc, dans son évangile, utilise l’image de la «nuée», de «l’ombre», de la «shekinah», signe de la présence de Dieu. «L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre». Dans le livre de la Genèse, au début de la création, l’Esprit planait sur les eaux pour afin de donner la vie (Gen 1, 2). L’Esprit qui vient sur Marie, le jour de l’Annonciation, engendre maintenant une nouvelle création.

En cette fête de Noël, Dieu cherche un endroit où habiter. Espérons que nous ne soyons pas obligés de constater que chez-nous, comme à Bethléem, «il n’y a pas de place pour lui dans notre auberge». Dieu ne veut pas être mis à part, être enfermé dans un lieu sacré. Il préfère vivre dans la confusion de nos vies quotidiennes.

La venue de Dieu n’a rien «d’une visite officielle» comme celles que font les grands de ce monde qui se rendent en secret en Irak ou en Afghanistan, entourés de centaines de soldats et de nombreux garde du corps. Ces dirigeants n’ont aucun contact avec les gens du peuple qui souffrent de la violence, de la peur, de l’angoisse, de la pénurie d’eau, de denrée, de médicaments et d’électricité. Quand il vient à Noël, Jésus n’est pas entouré de gardes du corps et de grandes mesures de sécurité. Il entre dans notre monde en clandestin, en sans-papier. Il veut être près de nous pour savoir exactement ce qui se passe dans nos maisons et dans nos cœurs. Il n’a pas besoin d’itinéraires prédéterminés «pour motif de sécurité». Dieu ne fuit pas les difficultés de la vie. Il est simplement l’un de nous. Il s’invite dans nos maisons, comme il le fit chez Marie. Nous pourrons alors le conduire un peu partout, dans le vrai monde, particulièrement chez ceux et celles qui souffrent, chez ceux et celles qui ont le plus besoin de notre aide : les malades, les personnes âgées, les jeunes aux prises avec des problèmes de drogues, les sans travail, les sans foyer, les personnes seules, etc. C’est ce qui s’est passé avec Marie. Une fois qu’elle eut prononcé son « fiat » («qu’il me soit fait selon ton désir»). Elle quitta son village «en hâte» pour visiter sa cousine Élizabeth qui, elle aussi était enceinte, et avait besoin d’assistance. Marie voulait ainsi partager sa grande joie d’être devenue le temple de Dieu.

La liturgie de ce quatrième dimanche de l’Avent pourrait s’intituler: «Dieu cherche une maison !» Luc constate «qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’auberge»… et saint Jean ajoute : «Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu». Chez Marie, le Seigneur a trouvé un accueil chaleureux : «Que tout se passe pour moi selon ta parole». Espérons qu’il en soit ainsi chez-nous en cette fête de Noël.

Le mystère de l’Incarnation n’est pas simplement un anniversaire de naissance. C’est une invitation à partager la vie même de Dieu dans notre vie de tous les jours.



HOMÉLIE DOMINICALE

HOMÉLIE

(Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas« 

Jean Baptiste est, avec Marie, la grande figure de l’Avent. Chaque année, les deuxième et troisième dimanches lui sont consacrés. L’évangéliste saint Jean nous le montre comme le «témoin de la Lumière», alors que les autres évangélistes nous le présente comme le «prédicateur de la pénitence».

Dès le début du 4e évangile, Jean Baptiste lance le thème de  «Jésus, la lumière du monde». Ceci deviendra l’un des thèmes privilégiés de l’évangéliste. Dans le Prologue, le Christ est «la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde». Plus loin, Jésus lui-même déclare : «Je suis la lumière du monde. Celui qui vient à ma suite ne marche pas dans les ténèbres» (Jean 8, 12).

«Le Christ, lumière du monde», est celui qui éclaire nos situations les plus sombres. Pendant ce temps de l’Avent, apprenons à découvrir celui qui se tient au milieu de nous et que nous connaissons mal.

Jean Baptiste pointe vers le Christ, la «lumière du monde», et il ajoute que nous ne connaissons pas très bien ce Jésus, messie et sauveur : «Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas»… Nous sommes invités à le découvrir ou à mieux le connaître. Cela demande un effort particulier, ça ne vient pas tout seul. Pour y arriver, il faut y mettre le temps, prier, écouter les évangiles, réfléchir, méditer, lire certains grands écrivains chrétiens qui nous aident à mieux connaître la personnalité de Jésus.

À un avocat qui se disait athée, son ami prêtre lui demanda : – «Est-ce que tu connais les évangiles?» – Et l’homme de loi répondit : – «On m’a raconté ces histoires quand j’étais petit.» – «Est-ce que tu as lu les documents du dernier concile œcuménique?» – «Non. Je n’ai pas le temps de lire tout ce qui se publie.» – «Connais-tu la Somme théologique de S. Thomas d’Aquin?», – «Non, je ne la connais pas». – «Et les écrits de S. Irénée?» – «Qui est-il ?» questionne l’avocat. – «C’est un savant et le patron des avocats?» Après toutes ces questions et réponses, l’ami de l’avocat lui dit : – «Tu es peut-être athée, mais tu es surtout ignorant. Tu rejettes catégoriquement ce que tu ne connais pas.»

Les textes de l’Avent parlent de conversion, mais ils soulignent aussi que la découverte du Christ nous apporte une grande joie. Isaïe s’exclame : «Je tressaille de joie dans le Seigneur» (Is 61, 10). Marie «exulte car Dieu a fait pour elle des merveilles». Aux bergers,  l’ange dira : «Je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple; aujourd’hui vous est né un sauveur…» (Luc 2, 10). Paul répétera continuellement aux chrétiens : «Soyez toujours joyeux. Priez sans cesse. Soyez dans l’action de grâce… N’éteignez pas l’Esprit.» (Thes 5, 16)

La fête de Noël que nous préparons maintenant, célèbre la venue de Dieu dans notre monde. Nous ne sommes jamais seuls, car Dieu nous accompagne, il marche avec nous. Notre vie a un sens et un but, et Dieu est présent à toutes nos joies et à toutes nos peines. «Même si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal car tu es près de moi», chante le Psaume 23. Réjouissons-nous car Noël est tout près. Réjouissons-nous, parce que le Christ vient vers nous. Il est notre Emmanuel, c’est-à-dire le Dieu-avec-nous.

Avec le Christ présent dans nos vies, les crises qui nous assaillent continuent à être un défi, mais ce ne sont pas des événements catastrophiques. Une personne aimée meurt subitement; le médecin nous informe que notre cancer est terminal; nous vivons une rupture définitive dans notre mariage; l’un de nos enfants claque la porte pour aller vivre ailleurs; un ami nous laisse tomber… À travers tous ces malheurs, le Christ est présent, il est fidèle,  il nous accompagne sans jamais nous abandonner.

«Le Christ, lumière du monde», est celui  qui éclaire nos situations les plus sombres. Pendant ce temps de l’Avent, apprenons à découvrir celui qui se tient au milieu de nous et que nous connaissons mal.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 10 décembre 2017

Deuxième dimanche de l’Avent

 (Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada).

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« Préparez le chemin du Seigneur! »

Les trois lectures de ce deuxième dimanche de l’Avent nous invitent à bien nous préparer à la venue du Seigneur. Isaïe souligne le besoin  «d’aplanir le chemin, de combler les ravins, de redresser les passages tortueux», Pierre et Jean Baptiste ajoutent qu’il est important de «convertir notre cœur». Il nous faut «embellir» notre maison pour bien accueillir le Seigneur. Qu’est-ce que nous pourrions changer pour être plus fraternel, plus chrétien, plus humain ?

Jean n’est pas allé au désert pour s’assoir en silence. Il a vécu une conversion profonde et il invite les autres à en faire autant. Il sait que le contact avec Dieu peut transformer notre vie et nous redonner la joie et l’espérance.

Le désert peut prendre des formes différentes : un lieu retiré où il devient possible d’entendre ses voix intérieures, une église et sa communauté chrétienne qui nous invitent au recueillement et au partage, un groupe de réflexion où l’on construit avec d’autres notre vision du monde, un site Internet qui ouvre des nouveaux horizons et nous met en contact avec d’autres chercheurs de sens, une œuvre d’art ou une pièce musicale qui nous amène à aller plus loin au dedans de nous-mêmes, etc… Le désert est l’endroit qui nous permet de diminuer le volume des bruits discordants qui nous agressent de toutes parts. C’est l’environnement qui nous met en position d’écoute, de veille et d’attente.

Toutes les attentes ne sont pas bénéfiques et certaines ne servent à rien. Dans la très belle pièce de théâtre de Samuel Becket : « Waiting for Godot » (En attendant Godot) quelques personnes sont assises par terre et parlent, pendant toute la pièce, de la venue prochaine de Godot. Ils soulignent l’importance de sa venue. Vers la fin, quelqu’un entre et leur dit que Godot est arrivé dans le village voisin. L’un des personnages s’exclame : «il faut aller le retrouver…» mais personne ne bouge. Ils restent assis et continuent à parler pendant que le rideau tombe et que la pièce prend fin. Une telle attente passive, remplie de verbiage vide, ne sert absolument à rien, dit Becquet.

Il existe une autre sorte d’attente, qui met les gens sur pied et provoque l’engagement, la planification constructive, l’espérance ouverte sur l’avenir, et la joie communicative. C’est, par exemple, l’attente de parents qui se préparent à la naissance d’un enfant. Ils peignent la chambre, trouvent un berceau et un petit lit, décorent les murs, achètent des vêtements pour l’enfant qui va naître, se réjouissent avec leurs parents et leurs amis. Ils font tout pour que cette naissance soit célébrée dans la joie. C’est un modèle de l’attente dont parle l’évangile.

Noël, est la plus grande fête de l’année. Il faut bien la préparer. C’est la fête de la venue de Dieu parmi nous : «Préparez les chemins du Seigneur, aplanissez sa route». Sans cet effort, nous risquons de nous laisser prendre par le clinquant des grands magasins et de rater complètement la venue du Seigneur. Comme le dit Jean baptiste, Dieu viendra chez-nous si nous lui préparons le chemin. Dans notre pays de froid, de glace et de neige, nous savons que préparer une route demande beaucoup de travail. Pendant toute la période d’été, les programmes de réparation se multiplient à travers le pays, afin de remettre les routes en bonne condition avant que la neige ne recouvre le sol.

Sur la route de notre vie, le temps a multiplié les trous, les bosses, les nids de poule. Il y a des courbes trop raides et des dénivellations trop accentuées. Il s’agit donc de redresser, aplanir, réparer, illuminer, repaver. Nous sommes invités aujourd’hui à regarder notre vie pour voir ce qui doit être amélioré ou refait à neuf, afin de permettre au Seigneur d’arriver jusqu’à nous. Qu’est-ce que nous pourrions changer pour être plus fraternel, plus chrétien, plus humain ?

L’Avent est un temps d’attente, de préparation, de conversion. Il s’agit de tourner le dos au passé et de miser sur le présent et sur l’avenir, de changer la vision que nous avons de nous-mêmes, afin de devenir meilleurs. C’est une affaire de cœur. C’est une invitation à «préparer les chemins du Seigneur».



HOMELIE DOMINICALE

Dimanche 3 Décembre 2017

Premier dimanche de l’Avent, B

 (Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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« Veillez, car vous ne savez pas quand le maître reviendra »

 Souvent nous voyons dans ce texte une exhortation à attendre dans la crainte le jour du jugement. Ce qui intéresse Jésus, ce n’est pas le jugement dernier et la fin du monde, mais bien notre comportement de tous les jours. C’est aujourd’hui que le Christ nous invite à une vigilance active et constante. De cette vigilance dépend la qualité de vie de notre famille, de notre Église et de notre monde. Dieu «nous a donné tout pouvoir», il nous fait confiance et il compte sur nous. Dieu nous confie le petit monde dans lequel nous vivons et nous invite à la vigilance.

L’ Avent est une période d’activités, de préparation et d’attente. Noël s’en vient! Dans la vie, les moments qui précèdent les événements importants sont pleins de fébrilité et de mouvements : les fiançailles, la naissance d’un enfant, le retour d’une personne chère, les résultats d’une recherche, l’aboutissement d’un projet… Il nous faut être vigilants et bien utiliser le temps qui nous est accordé. Il nous faut profiter du moment présent pour rendre notre monde plus humain, plus beau, plus «vivable».

Saint Paul utilise un langage imagé pour parler de la vigilance. Il nous invite à nous «arracher au sommeil» (Rom 13, 11). C’est comme si nous étions en danger d’engourdissement. Nous songeons à l’abrutissement qui nous vient quand nous abusons de somnifères. Les réflexes de défense ne fonctionnent plus, un peu comme le conducteur qui a trop bu d’alcool, et qui quitte la route sans s’en apercevoir.

L’ Avent c’est une période pendant laquelle nous sommes invités à mettre de côté notre tiédeur, notre paresse, notre médiocrité spirituelle. «Seigneur, mon Dieu, illumine mes yeux afin que je ne dorme pas du sommeil de la mort.» (Psaume 13, 4) Jésus nous voit comme une maison où l’on veille, une maison aux fenêtres éclairées quand toutes les autres sont dans le noir : «prenez garde, veillez!»

Autrefois, nous parlions de l’Église militante. Aujourd’hui, il faut parler de l’Église vigilante, c’est-à-dire une communauté pleinement consciente de ses responsabilités et désireuse de vivre selon les valeurs proposées par le Seigneur. J’ai lu quelque part cette belle phrase : «On surveille au nom de la loi (caméras de surveillance); on veille au nom de la tendresse.» «Veiller» révèle la tendresse que nous avons pour ceux et celles que nous aimons. Celui qui aime veille toujours. La mère de famille qui veut rendre sa maison accueillante veille continuellement. Lorsqu’un enfant est malade, la mère et le père veillent et entourent l’enfant…

Dans son livre «The Arend Islands», le poète irlandais, John Millington Synge, nous raconte l’histoire d’une femme qui attend le retour de son mari. Il y a trois mois,  il est parti sur un bateau de pêche et maintenant, chaque jour, elle se rend au bout du quai, scrute l’horizon espérant le retour de celui qu’elle aime. Elle connaît les dangers de la mer, mais elle a la certitude que son mari reviendra. Elle le serrera sur son cœur et le conduira à la maison pour y retrouver leurs enfants. Pour son retour, elle a préparé des mets spéciaux, confectionné des vêtements neufs, nettoyé et décoré la maison. Son attente est pleine de projets et pleine d’espérance.

Dans un foyer pour personnes âgées, un vieillard se prépare à la visite de sa fille. Il sait qu’elle viendra et cela lui donne la joie et l’espérance nécessaire pour affronter les difficultés de la vie quotidienne.

Dans l’évangile, chaque jour un Père se rend sur le haut de la colline, attendant le retour de son plus jeune fils. Lui aussi espère, et il pense à la fête qui suivra les retrouvailles avec son fils prodigue.

Veiller, être prêts, bien utiliser le temps qui nous est donné! Si aujourd’hui nous avions à rencontrer notre créateur, serions-nous prêts? C’est la question que nous pose l’Avent… non pas pour nous effrayer mais pour nous inviter à utiliser de façon responsable le temps qui nous est donné. Dieu nous fait confiance. Il nous met en charge et nous invite à la vigilance.

On dit souvent que la religion est l’opium du peuple, qu’elle nous empêche de vivre le moment présent, en attendant le ciel, en attendant la mort. C’est tout le contraire! Le christianisme nous invite à être vigilants et actifs maintenant, chaque jour.

Dieu nous confie le petit monde dans lequel nous vivons et nous invite à la vigilance. C’est une belle et importante responsabilité !

Veillez, car vous ne savez pas quand le maître reviendra



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Aujourd’hui, fête du Christ-Roi, nous célébrons le dernier dimanche de l’année liturgique. Nous sommes habitués, à la fin de chaque année fiscale de faire le bilan financier des douze derniers mois. L’évangile d’aujourd’hui nous propose de faire le bilan de notre christianisme au cours de l’année liturgique qui se termine.

Ce bilan se fait à partir de ce que le Seigneur appelle « sa loi nouvelle »: «Les gens sauront que vous êtes mes disciples si vous vous aimez les uns les autres». Et l’évangile nous aide à concrétiser ce commandement nouveau, en nous rappelant ce que nous avons fait ou omis de faire : «J’avais faim, vous m’avez donné à manger, j’avais soif, vous m’avez donné à boire, etc »

Le calcul est simple. On croyait peut-être que le jugement porterait sur des actions d’éclats, des faits d’héroïsme et de grande sainteté, des comportements de conduite morale et religieuse. On y jugerait les péchés les plus graves et les actions les plus mauvaises ! En fait, il s’agit de gestes de tous les jours, de gestes que font les parents pour leurs enfants, les gens ordinaires pour leurs voisins, des gestes de solidarité, de gentillesse, d’accueil… des gestes qui peuvent être faits par tous et chacun et qu’une foule de gens font effectivement, sans pour autant le crier sur les toits…

Mais au moins, on penserait que ces gestes-là devraient être faits au nom du Christ, au nom de Dieu, comme des gestes religieux, des offrandes, des sacrifices. Mais non, ni les gens du premier groupe, ni ceux du second n’ont reconnu le Seigneur dans ces gestes simples. Aucune des actions mentionnées par le Seigneur ne semble être de nature religieuse.

Jésus nous rappelle aujourd’hui, en cette fête du Christ-Roi, que nous serons jugés sur l’amour et exclusivement sur l’amour. Il s’agit d’un amour très simple : donner à manger, à boire, accueillir, habiller, visiter, soigner. Ainsi, nos plus humbles gestes d’amour ont une valeur infinie, une valeur d’éternité.

La liste citée par Jésus n’est d’ailleurs ni limitative, ni exhaustive. Ce sont des exemples que nous pouvons prolonger dans notre vie : mon enfant pleurait la nuit, et je me suis levée pour le consoler et le soigner. Ma vieille maman ne pouvait plus bouger, et je l’ai aidée à sortir de son lit pour s’assoir dans son fauteuil. Nos voisins avaient besoin d’amitié, et nous les avons entourés. Dans la paroisse, on cherchait des bénévoles pour enseigner la catéchèse, et j’ai accepté cette responsabilité. Mes collègues de travail avaient besoin d’être défendus, et j’ai pris des responsabilités syndicales et politiques. Le tiers monde nous sollicitait et j’ai participé aux campagnes mondiales contre la faim… Mon conjoint, mes enfants, mes amis, mes voisins…

Jean Chrysostome fait remarquer avec beaucoup de finesse que le Seigneur demande des gestes bien modestes. Il n’est pas dit que celui qui a faim est rassasié, que celui qui est malade est guéri, que celui qui est en prison est libéré. Ce qui compte, c’est de faire quelque chose, si petite soit l’action accomplie.

Pendant cette rencontre avec le Christ, Dieu n’aura pas à nous «juger». Nous nous serons jugés nous-mêmes tout au long de notre vie. Dieu n’aura qu’à dévoiler ce qui était «caché» dans chacune de nos journées. Ce jour-là, le Seigneur nous aidera à vérifier si nous avons été réellement humains envers les autres.

En fait, l’examen ne produira pas de grandes surprises. Nous pouvons connaître les résultats à l’avance car nous savons quelle est la matière à examen. Le professeur nous a donné les questions et il nous a indiqué les bonnes réponses.

Contrairement à ce qui se passe lors de nos examens à nous, les plus intelligents et les plus studieux n’auront pas d’avantages spécifiques. Tous peuvent réussir cet examen final, sans distinction de race, de religion, de quotient intellectuel. Le Christ ne nous demandera pas si nous avons des diplômes d’une université prestigieuse, si nous avons réussi une brillante carrière, si nous avons gagné beaucoup d’argent, si nous avons la carte de tel ou tel parti politique…

Le tableau du jugement dernier n’a pas pour but de nous remplir de peur en mettant l’accent sur une condamnation à venir, mais une invitation à nous préoccuper du moment présent. C’est maintenant que commence l’éternité, c’est maintenant que nous pouvons donner à manger à ceux qui ont faim, visiter ceux et celles qui vivent dans la solitude, aider nos voisins qui ont besoin d’assistance, consoler ceux qui sont dans le deuil… C’est maintenant que nous pouvons assurer notre amitié avec Dieu.

« Chaque fois que vous le faites à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites. »