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HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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« C’est bien serviteur bon et fidèle. Entre dans la joie de ton Seigneur. »

La parabole des talents est un hommage à la liberté humaine. Ces talents symbolisent les qualités personnelles que nous avons reçues et les responsabilités qui nous ont été confiées : notre famille, nos voisins, les gens avec qui nous vivons, notre monde et son environnement.

Dieu nous fait confiance et s’en remet à nous. Il nous demande d’utiliser les dons reçus pour le bien de notre petit univers. Il nous veut créatifs et nous invite à mettre de côté la paresse, l’inertie et la passivité afin de faire quelque chose de beau et de bon pour les gens autour de nous. Il nous dit ce matin : «voilà mes dons, mes talents et voilà les personnes que je vous ai confiées. Allez et portez beaucoup de fruits».

Raoul Follereau, l’apôtre des lépreux écrivait dans l’une de ses réflexions : «J’ai rêvé qu’un homme se présentait au jugement de Dieu : «Tu vois, Seigneur, j’ai obéi à ta loi, je n’ai rien fait de malhonnête, de mauvais, d’impie. Mes mains sont propres…» – «Sans doute, répondit le Seigneur, sans doute, mais tes mains, elles sont vides! En fait, tu n’as rien fait, tu n’as rien risqué, rien produit». Dans la parabole des talents, Jésus nous rappelle qu’il n’existe pas de vrai christianisme sans engagement et sans risque.

Le troisième serviteur a été incapable d’apprécier la confiance et l’estime que le maître avait à son égard. Il s’est enfermé en lui-même et il a fini par prendre peur. Il est sanctionné parce que, par crainte de faire mal, il n’a rien fait, par crainte de se tromper et de ne pas réussir, il est resté paralysé. Il a enterré son talent et raté l’examen.

Un deuxième élément important de cette parabole est la distribution des talents. Il faut résister à la tentation de nous comparer aux autres. Il ne s’agit pas des talents des autres mais des talents que Dieu m’a confiés. «Il y a diversité de dons, nous dit saint Paul : à l’un est donnée une parole de sagesse, à un autre une parole de science, à un autre la capacité de se rapprocher des personnes seules, à un autre de l’empathie pour les handicapés, etc.» … Le corps a plusieurs membres mais il forme un tout et tous les membres sont importants bien qu’ils soient différents (1 Corinthiens 12, 4-12).

Selon mes capacités, j’ai reçu un certain nombre de talents. Dans son homélie sur le texte d’aujourd’hui, un prêtre racontait l’histoire d’une mère de famille africaine, qui donnait à ses trois filles trois cruches différentes pour aller chercher de l’eau au puits du village : une cruche de cinq litres à sa fille de seize ans, une de trois litres à celle de douze ans et une d’un litre à le plus petite de sept ans. Toutes les trois participaient au bien-être de la maisonnée.

La parabole nous invite à utiliser le mieux possible, au bénéfice des gens autour de nous, les talents que nous avons reçus, Il ne faudrait pas arriver à la fin de notre vie et dire au Seigneur : Voilà je te remets le cœur que tu m’as donné, je l’ai très peu utilisé afin de ne pas faire d’erreur. La fantaisie que tu m’as confiée, je te la rends comme tu me l’as donnée. Elle  est presque neuve, elle n’a jamais servi. Le jugement portera sur les fruits que nous aurons produits : «Je vous ai choisis pour que vous produisiez du fruit et que votre fruit demeure».

Dans la vie, il nous faut avoir le courage de prendre des risques. Jésus a été très dur pour les pharisiens qui empêchaient tout changement et qui voulaient «ériger une clôture autour de la Loi et des traditions d’Israël» afin de les protéger. Le christianisme n’est pas une religion de musée. Le Seigneur critique les traditions religieuses conservatrices qui refusent d’évoluer, de se développer, de changer selon les besoins du temps. Il nous faut éviter d’éteindre l’Esprit «qui souffle là où il veut et renouvelle continuellement la face de la terre».

À la fin de notre vie, une simple question nous sera posée :

«Est-ce que le petit monde qui nous a été confié par Dieu est plus beau, plus chaleureux, plus juste et plus humain parce que nous avons été là?» Le Christ dira alors : «C’est bien serviteur bon et fidèle. Entre dans la joie de ton Seigneur».



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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Celles qui étaient prêtes entrèrent dans la salle de noces

L’Église nous propose, en ces derniers dimanches de l’année liturgique, des passages d’évangile, où Matthieu a regroupé les enseignements du Seigneur sur les «derniers Temps» : annonce de la destruction du Temple, invitation à la vigilance, le serviteur qui attend son maître, les jeunes filles qui doivent accompagner le marié, la parabole des talents, le jugement dernier. Il faut se rappeler que l’évangéliste écrit son texte quelques années seulement après la destruction de la ville et du Temple de Jérusalem. Ceci lui apparaît comme le signe évident de la fin d’un monde qui est disparu à jamais.

L’évangile souligne ici qu’en fin de compte nous devons seuls assumer la responsabilité de nos choix. L’évangile d’aujourd’hui nous parle de jeunes femmes sages et de jeunes femmes folles. Le mot «folles», «môrai», ne signifie pas tellement une personne sans intelligence, mais plutôt une personne impie, celui ou celle qui est assez fou pour s’opposer à Dieu. Le Psaume 14, 1 nous dit : «Le fou (môros) dit en son cœur: il n’y a pas de Dieu!». Dans les évangiles, «môros» désigne «celui ou celle qui bâtit sa maison sur le sable et ne met pas en pratique les paroles de Jésus» (Mt 7, 24)… Il s’agit donc d’une attitude spirituelle.

Cette parabole s’applique à chacun de nous : parfois, nous sommes comme les jeunes filles prudentes qui ont su se faire des réserves et parfois nous sommes comme les jeunes filles sottes qui ne pensent qu’à l’instant présent. L’être humain et l’animal ont l’habitude de prévoir et faire des provisions. A l’approche de l’hiver, les ours se préparent au sommeil hivernal, les castors et les ratons-laveurs recherchent des endroits chauds et protégés. Les écureuils ramassent des glands et des noix qu’ils entreposent afin de subsister jusqu’au printemps. Nous équipons nos voitures de pneus d’hiver, sortons nos manteaux et nos bottes, achetons du bois et de l’huile à chauffage. Les humains comme les animaux sont à la fois avisés et prudents, sages et vigilants, dans leur manière d’agir.

Au cours de notre vie, nous avons sans doute connu des moments difficiles où une réserve d’amour, de tendresse et de compréhension nous ont permis «de passer à travers». Nous nous sommes alors posé la question: «Comment ai-je pu traverser tout cela?» La force de caractère, la persévérance, l’espérance et l’amour nous ont permis de récolter les fruits d’une prévoyance riche en patience et en compréhension. Par contre, Nous avons peut-être expérimenté personnellement le coût du manque de prévoyance : lorsqu’une perte d’emploi ou une grève inattendue nous prend au dépourvu, lorsque le manque de solidarité provoque la fin d’une grande amitié, lorsque des mésententes continuelles conduisent à la séparation ou au divorce.

Nous ne pouvons espérer qu’un projet se prolonge quand les ressources sont épuisées, nous ne pouvons atteindre le printemps sans avoir, à l’automne, constitué des réserves. La différence entre les jeunes filles sages et les jeunes filles étourdies est la capacité de faire des réserves.

Certaines personnes pensent que les «sages» sont égoïstes parce qu’elles ne veulent pas partager leur huile, mais l’évangile souligne ici qu’en fin de compte nous devons seuls assumer la responsabilité de nos choix. Nous ne serons pas sauvés parce que nous avons une tante religieuse, une mère qui priait le chapelet chaque jour, des parents qui allaient à la messe régulièrement, un fils qui travaillait avec les immigrants et les pauvres. On devra répondre personnellement de ce que nous avons fait ou manquer de faire. Le Christ insiste sur la responsabilité de chacun et de chacune.

Dans le roman de Thorton Wilder, Le Pont de San Luis Rey, où l’action se déroule au Pérou, l’auteur raconte l’histoire de quelques personnes qui voyagent sur une diligence, au 19e siècle. Arrivés à San Luis Rey, le vieux pont s’effondre sous le poids de la diligence et tous les passagers perdent la vie. Wilder raconte ensuite l’histoire de chacun des voyageurs : un avocat, un prêtre, une infirmière, un homme d’affaire, une mère d’une famille, un travailleur de la construction, une servante de famille bourgeoise. À la fin de chaque chapitre racontant la vie d’un des figurants, Wilder se demande : était-elle, était-il prêt à rencontrer son créateur ? La même question pourrait se poser pour les quelque 3000 personnes qui ont perdu la vie lors de l’attaque terroriste du 11 septembre, ou encore, lorsque quelqu’un est tué dans un accident, meurt d’un cancer, est victime d’un tsunami ou d’un tremblement de terre.

Certaines personnes croient que la foi chrétienne est une sorte d’aliénation, une croyance qui n’a d’influence qu’après la mort et que les chrétiens ne sont pas intéressés au temps présent… c’est exactement le contraire. La foi chrétienne nous invite à agir maintenant, à ne pas gaspiller le temps qui nous est donné. L’éternité commence maintenant et le temps nous est offert comme un cadeau pour que nous ouvrions les yeux et le cœur afin de faire autant de bien que possible.

«Soyez prêts !» Il ne s’agit pas de deviner quand le moment de la mort arrivera, mais bien d’être toujours prêts à rencontrer le Seigneur.

Nous les chrétiens ne vivons pas avec un calendrier dans les mains, essayant de découvrir le jour où le Seigneur viendra, nous vivons avec une boussole qui nous indique la direction à suivre pour arriver à bon port. Et lorsque le jour de la mort arrivera, que ce soit dans une semaine ou dans plusieurs années, nous serons prêts, avec de l’huile en réserve.

L’huile de la charité permet à notre lampe de rester allumée : «Chaque fois que vous l’avez fait pour l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait.» Dieu nous donne le temps pour que nous puissions bien nous préparer à sa venue. «Celles qui étaient prêtes entrèrent dans la salle de noces.» L’évangile souligne ici qu’en fin de compte nous devons seuls assumer la responsabilité de nos choix

La foi chrétienne nous invite à agir maintenant, à ne pas gaspiller le temps qui nous est donné.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 5 novembre 2017

31ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

(Homélie du père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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 Ils agissent toujours pour être remarqués

Les textes du 31e dimanche nous parlent de mauvais exemples, de fausses images, de recherche de promotion, de corruption, d’abus de pouvoir : des thèmes que nous connaissons bien. Nous n’avons qu’à lire les journaux et regarder la télévision pour nous rendre compte que la Parole de Dieu s’applique aussi à notre monde d’aujourd’hui.

La corruption des dirigeants à tous les niveaux de gouvernement, l’abus de pouvoir des riches et des puissants qui imposent leur loi et ne recherche que leur intérêt, l’irresponsabilité de certains groupes religieux vis-à-vis les victimes de pédophilie, la cupidité et l’avidité des banques et des systèmes financiers qui provoquent des crises économiques à répétition, les nombreux scandales de certains représentants politiques… tout cela a créé une crise de confiance sans précédent dans l’histoire de nos institutions.

L’autorité de Jésus est exclusivement une autorité de service et de la libération

  • Comment pouvons-nous amener les jeunes à résoudre leurs différends de façon pacifique lorsqu’ils voient chez les adultes les tactiques violentes utilisées pour régler les problèmes, lorsqu’ils constatent le dénigrement systématique et les campagnes de salissage lors des élections aux postes publiques, lorsqu’ils se rendent compte de la cupidité et de l’avidité sans limite qui règnent dans les gouvernements et dans les entreprises.
  • Comment pouvons-nous convaincre les jeunes d’exercer leur responsabilité sociale et d’avoir de la compassion envers les autres lorsqu’un grand nombre d’adultes abusent régulièrement de leur pouvoir pour s’en mettre  plein les poches et que la corruption semble la seule façon d’atteindre le premier rang dans les sports, en politique ou dans les affaires.

La recherche du pouvoir et de la richesse, la course aux honneurs et aux privilèges, ne sont pas seulement des abus du temps de Jésus. Aujourd’hui, il n’est plus question «de phylactères, et de franges très longues», mais de marque de voiture, de style de vie extravagant, d’avions privés, de bateau de plaisance, de résidences d’un luxe fantaisiste. Cette richesse excessive, étalée au grand jour, devient une insulte pour les milliards de pauvres de la planète. Le désir de paraître devient alors le but de la vie. Suite à ces abus, on comprend un peu la révolte des «indignés» contre Wall Street  et contre le système financier actuel.

Jésus appelle les gens qui agissent pour être remarqués : «des hypocrites», «des acteurs». Il invite à enlever les masques et à cesser de jouer la comédie. La vie n’est pas une halloween permanente!

Un évêque italien, Mgr. Tonfino Bello disait aux prêtres de son diocèse : «Dans chaque paroisse, il devrait y avoir bien en vue un grand tablier comme symbole du service que les chrétiens doivent rendre aux autres. Le tablier est le seul vêtement liturgique mentionné par Jésus. S. Jean nous dit que le soir du Jeudi Saint, pendant la première eucharistie, le Seigneur se mit un tablier et il commença à laver les pieds de ses apôtres

Dans la seconde lecture d’aujourd’hui, on nous donne l’exemple de S. Paul qui aime et sert sa communauté de Thessalonique. Ce très beau texte nous fournit un remarquable portrait du vrai pasteur : Il est «plein de douceur, comme une mère avec ses nourrissons». Il est rempli d’«affection» pour eux, voulant leur donner «non seulement l’Évangile» mais tout ce qu’il est lui-même. Il peine et se fatigue nuit et jour pour ne pas être à charge des autres.

Jésus nous dit aussi dans l’évangile de ce dimanche : Arrêtez de vous donner des titres ronflants : «Pour vous ne vous faites pas donner de titres, ne cherchez pas de passe-droit, d’avantages personnels». Ces titres risquent de créer une apparence trompeuse, derrière laquelle se cache souvent un vide abyssal

L’autorité de Jésus est exclusivement une autorité de service et de la libération : il pardonne, il guérit, il remet debout, il donne une deuxième chance, il ouvre un avenir. Cela permet d’avancer dans la joie. «Je vous dis cela pour que votre joie soit complète». (Jean 15, 11) Il suffit de regarder s’épanouir ceux et celles qui rencontrent Jésus : la Samaritaine, Zachée, Marie-Madeleine, les aveugles, les lépreux…

C’est en pratiquant l’autorité de service proposée par le Christ que nous donnerons une image positive de Dieu aux gens autour de nous.

«Les scribes et les pharisiens agissent pour se faire remarquer des gens. Ils portent de larges phylactères et de longues franges. Ils aiment occuper le premier divan dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues, à recevoir les salutations sur les places publiques.» Mais pour vous, il ne doit pas en être ainsi : «Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’Homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude» (Mt 20, 25 – 28).



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 29 octobre 2017

30ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du Père  Yvon-Michel Allard,  directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada).

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Maître, quel est le plus grand commandement?

Jésus est poursuivi inlassablement par ses adversaires. Tous l’épient pour le prendre en défaut : les partis politiques, les groupes religieux, les scribes et les pharisiens! Faut-il payer l’impôt à César ? Faut-il croire que la résurrection est possible ? Quel est le plus grand commandement ?

La question ne vient pas d’une personne sincère qui cherche la vérité, mais de quelqu’un qui veut prendre Jésus au piège. «L’un d’eux lui demanda pour le mettre à l’épreuve», dit le texte : «Maître, dans la Loi, quel est le plus grand Commandement?»

Jésus établit avec clarté la priorité absolue des deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Nous connaissons bien cet évangile, peut-être trop bien, ce qui nous porte à le mettre rapidement de côté en disant : «Oui, oui, nous l’avons souvent entendu». Il y a cependant plusieurs aspects intéressants pour notre foi chrétienne dans cette réponse de Jésus. Le Seigneur a le don de nous ramener à l’essentiel.

Premièrement, bien que la question du docteur de la loi ne porte que sur « le » plus grand commandement, Jésus en propose non pas un mais deux et il les unit l’un à l’autre.

Le premier de ces deux commandements ne surprend pas les pharisiens : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et tout ton esprit.» C’est en toute lettre dans la grande prière juive, celle que l’on récite trois fois par jour, tourné vers Jérusalem. Ensuite, Jésus ajoute un second commandement tiré du Livre de Lévitique : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même.» Ce précepte, les pharisiens le connaissent bien lui aussi.

Mais la grande nouveauté, qui a fait scandale auprès de ces hommes très religieux, c’est de mettre sur le même plan Dieu et le prochain, l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Ce sera la grande leçon de la parabole du jugement dernier, où Jésus s’identifie purement et simplement à ceux et celles qui étaient dans le besoin. Ses disciples ont agi sans savoir que c’était le Seigneur lui-même qu’ils servaient à travers ceux et celles qui avaient besoin d’aide : «Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer, étranger et de t’accueillir, nu et de te vêtir, malade ou prisonnier et de venir te voir ?En vérité je vous le dis, dans la mesure où  vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.» (Mt 25, 31-46).

Pour Jésus, il n’y a pas deux amours, il n’y en a qu’un et l’attitude envers le prochain vérifie la qualité de notre attitude envers Dieu.

Il n’est donc pas question de choisir entre Dieu et l’être humain, comme on le faisait au temps de Jésus et comme on le fait souvent encore aujourd’hui. On ne peut opposer Dieu à l’homme, ni l’homme à Dieu. Il n’y a pas de concurrence entre les deux amours : «Ce que vous refusez au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous le refusez» (Matthieu 25, 45). «Qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas », dit S. Jean. (1 Jean 4, 20)

Il est donc clair qu’on ne peut éliminer un commandement par l’autre, comme certains seraient tentés de le faire. Il serait tellement plus pratique de se dispenser de l’un des deux commandements, en disant : il suffit d’aimer Dieu ou bien, il suffit d’aimer le prochain. Pour Jésus, il n’y a pas un seul commandement, il y en a deux.

Dernièrement, je lisais le reportage d’un journaliste qui revenait d’Afrique. Dans un hôpital, il avait rencontré une jeune religieuse qui soignait les plaies d’un lépreux. Il lui dit très sincèrement: «Je ne ferais pas ce genre de travail pour un million de dollars». Et la jeune religieuse lui répondit: «Moi non plus. Mais je le fais par amour pour ce pauvre homme qui est en train de mourir.» La jeune religieuse s’efforçait d’aimer Dieu en aimant le pauvre malade qui se mourait dans cet hôpital de fortune.

Bon samaritain, Il y a un autre aspect important dans la réponse de Jésus : il nous donne une nouvelle définition du prochain. Dans le texte de S. Luc qui raconte la même histoire, le docteur de la loi pris au dépourvu par l’obligation d’aimer non seulement Dieu mais aussi le prochain, demande à Jésus : «Mais qui est mon prochain?»… et Jésus lui répond par la parabole du bon Samaritain.  Jésus renverse alors la notion de prochain : «Qui a été le prochain de l’homme blessé et laissé pour mort ?»  Le prochain n’est pas celui qui est blessé, qui est proche de nous et qui a besoin d’aide, mais celui qui se rapproche de cette personne en détresse. Qu’il s’agisse d’aider un blessé, un malade, une personne âgée, en enfant abandonné, une personne seule, le prochain, c’est vous, c’est moi lorsque nous nous rapprochons de cette personne en difficulté. Et, selon Jésus, cela n’a rien à voir avec la nationalité, la religion ou le parti politique. Dans la parabole du bon Samaritain, le Seigneur évite de mentionner la race, la nationalité ou la proximité sociale de la personne blessée. Tout ce qui compte, c’est le besoin qu’elle a d’être secourue.

En conclusion, nous pouvons dire que Jésus – et cela est l’originalité de sa réponse – établit avec clarté la priorité absolue des deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Il fait de ces deux commandements le principe unificateur de son évangile. Il nous ramène à l’essentiel de la religion.

Tout dans le christianisme doit être orienté vers cet amour de Dieu et du prochain : la prière, l’écoute de la parole de Dieu, les sacrements, l’eucharistie, tout cela a pour but de faire grandir en nous cet amour de Dieu et du prochain. On se plaint souvent aujourd’hui que tout change dans la religion et dans la civilisation autour de nous. Jésus nous redit ce matin : Ce qui ne change pas ce sont ces deux commandements de l’amour : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… et tu aimeras ton prochain comme toi-même.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 22 octobre 2017

29ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du père Michel Yvon Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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Rendez à César ce qui est à César

et à Dieu ce qui est à Dieu

Nos connaissons tous cette fameuse réponse de Jésus, mais elle n’a rien à voir avec la séparation de l’Église et de l’État. Le Seigneur nous rappelle ici qu’aucun empereur, aucun dictateur, aucun chef de gouvernement ne peut tout contrôler dans nos vies. Il n’y a pas seulement César, il y a aussi Dieu.

La pièce de monnaie présentée par les pharisiens portait l’effigie ou l’image de l’empereur. Elle lui appartenait donc. Mais l’être humain est créé à l’image de Dieu : «Homme et femme il les créa, à son image il les créa». (Genèse 1) Nous appartenons donc à Dieu et non à l’empereur.

Ce que Jésus répond à ceux qui cherchent à le prendre en défaut afin de l’accuser devant le représentant romain, c’est qu’il faut respecter l’autorité civile mais, souligne-t-il, l’empereur n’est pas tout puissant. Sur la pièce d’argent qu’on lui présentait, il y avait l’image de l’empereur Tibère, qui gouvernait l’immense empire romain à partir de son île de Capri, et sur cette monnaie, on qualifiait l’empereur de «divin». Le Christ conteste cette affirmation et dit que l’empereur n’est pas divin, il n’est pas Dieu. Saint Pierre rappellera aux chrétiens que dans plusieurs circonstances «il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes». (Actes 5, 29)

Au deuxième siècle, un auteur chrétien, Théophile, évêque d’Antioche, écrivait : «Je rendrai hommage à l’empereur, mais je ne l’adorerai pas. Je n’adorerai que Dieu seul, sachant que l’empereur est un être humain comme moi et qu’il a été créé comme moi.» Un autre écrivain des premiers siècles conseillait aux chrétiens «de ne pas se laisser subjuguer par aucun des césars de ce monde Et il ajoutait: «Ne renoncez jamais à votre liberté intérieure qui est le don le plus précieux que vous ayez reçu

Le Christ répète donc que César est César, mais il n’est pas Dieu. Le pouvoir politique, quel qu’il soit, n’a pas le droit d’envahir les consciences et de s’emparer de tout l’être humain. C’est pourquoi la phrase la plus importante du texte reste celle où Jésus dit : «Rendez à Dieu ce qui est à Dieu».

Nous ne donnerons à l’empereur et à l’empire d’aujourd’hui ni notre foi et ni notre comportement moral, ni nos espérances, ni nos rêves. Nous conserverons notre liberté intérieure et notre sens critique. Les gouvernements ne peuvent jamais nous obliger à agir contre notre conscience.

Au début de la guerre en Irak, je me souviens d’avoir lu, dans une revue américaine, les remarques d’un prêtre sur la décision de son pays de risquer la vie de ses jeunes soldats et de dépenser des milliards de dollars pour engager une guerre que les Nations Unies, les Américains eux-mêmes, les Britanniques, les Français, des millions de gens à travers le monde, et toutes les grandes religions,  déclaraient illégale et sans raisons suffisantes. Après la messe, le prêtre en question a été sévèrement réprimandé par le conseil de fabrique qui lui demanda de ne pas se mêler de politique. Pour conclure leur argument, les conseillers utilisèrent le texte d’aujourd’hui : «Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu». En fait, ces conseillers paroissiaux n’avaient rien compris à la réponse du Christ.

Jésus n’a jamais demandé aux chrétiens de ne pas critiquer les décisions de leur gouvernement. S’il l’avait fait, les chrétiens de l’Afrique du Sud n’auraient pu s’opposer aux lois injustes et inhumaines qui permettaient de maintenir le système d’apartheid ; les chrétiens américains n’auraient pu combattre les pratiques immorales sur l’esclavage et la violence faite aux Noirs longtemps après que l’esclavage fut aboli ; les chrétiens d’Europe et d’Asie n’auraient pu résister aux politiques athées de l’Union soviétique, de la Chine et d’autres pays communistes ; ils ne pourraient s’opposer aux gouvernements musulmans qui refusent tout droit de cité aux autres religions et qui traitent les femmes comme des êtres humains de classe inférieure; ils ne pourraient critiquer certains dirigeants de notre propre Église qui protègent leur pouvoir en s’associant à des gouvernements qui écrasent toute dissension, utilisent la torture et massacrent ceux et celles qui s’opposent à leur dictature, comme ce fut le cas au Chili, en Argentine et au Congo.

Plusieurs gouvernements refusent très souvent de donner à Dieu ce qui appartient à Dieu. D’autres manipulent la religion pour leurs propres intérêts et octroient à l’Église certains privilèges afin de mieux la contrôler en lui imposant sa propre idéologie.

Il est significatif que, dans le texte d’aujourd’hui, Jésus mette en valeur «nos devoirs envers Dieu», alors qu’on lui posait la question sur nos devoirs envers l’empereur. Jésus n’a jamais voulu empêcher les gens d’être des citoyens responsables, mais il nous rappelle que la politique n’est pas la seule réalité dans nos vies. César n’est pas tout puissant, et il n’est pas Dieu. L’État joue un rôle important mais il ne peut avoir le monopole de nos vies. Dans un monde pluraliste, les gouvernements sont amenés, à l’occasion, à passer des lois et des règlements qui vont à l’encontre de nos propres valeurs chrétiennes, mais cela ne doit pas nous empêcher d’exercer notre liberté chrétienne et d’agir selon notre propre conscience.

Dans un monde où toutes les opinions ont pignon sur rue, il faut beaucoup de discernement pour faire la part des choses et savoir «rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 15 octobre 2017

28ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du père Michel Yvon Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils

Dans le texte d’aujourd’hui, Matthieu nous présente deux paraboles de Jésus, l’une à la suite de l’autre : celle du banquet de noces et celle du vêtement de fête. Chacune d’elles éclaire un aspect important du Royaume de Dieu.

Pour ce qui est de la colère du roi, à la fin de la première parabole (les troupes qui font périr et brûlent la ville), il est clair que Matthieu avait en tête les événements tragiques qui s’étaient passés peu de temps avant la rédaction de son évangile : la révolte juive contre l’empire romain et la destruction du temple et de la ville de Jérusalem par les troupes de Titus en 70. Des milliers de Juifs furent massacrés et ce fut la fin de l’État d’Israël qui ne renaîtra que 19 siècles plus tard, en 1948.

Le Royaume de Dieu n’est pas une société de gens parfaits, mais de pécheurs pardonnés.

  • La première parabole nous rappelle que la rencontre avec Dieu est une grande fête. Le banquet est signe d’amitié et la porte est ouverte à tous : «ils rassembleront tous ceux qu’ils rencontreront, les mauvais et les bons». Personne ne peut dire: «Moi je ne suis pas digne, je ne suis pas invité». La séparation entre les bons et les mauvais est disparue. Toutes les barrières tombent : «Allez aux croisées des chemins et invitez tous ceux que vous rencontrerez». Comme le dit si bien S. Paul : «dans la maison du Père, il n’y a ni Grec ni de Juif, ni circoncis ni incirconcis, ni homme ni femme, ni barbare ni Scythe, ni esclave ni homme libre»… Blancs et noirs, chrétiens et musulmans, jeunes et vieux, hommes et femmes, riches et pauvres… tous sont invités. Dans l’antiquité, un repas de fête était très exclusif. Seuls les membres de la famille ou du clan étaient invités. Le fait que les premiers chrétiens accueillaient tout le monde à l’eucharistie et à l’agapè, que l’esclave était assis à la même table que le propriétaire foncier, que les pauvres et les riches, les hommes et les femmes partageaient le même repas, soulevait de sérieux problèmes que l’on retrouve dans les Actes des apôtres et dans les lettres de Saint Paul. La parabole est claire : le roi invite tout le monde. Le Royaume de Dieu n’est pas une société de gens parfaits, mais de pécheurs pardonnés. La discrimination et l’apartheid n’existent plus. Dans le rituel de l’eucharistie, il y a une très belle formule qui nous est répétée avant chaque communion : «Heureux sommes nous d’être les invités au repas du Seigneur…» Grand nombre de chrétiens ignorent cette invitation, par indifférence, ou parce qu’ils sont trop occupés. D’autres contestent l’offre avec agressivité. Ils sont contre ceux qui vont à l’église, contre le clergé, contre la religion en général. Jésus dépeint ici ces deux catégories de personnes. Aujourd’hui encore, nous retrouvons ces mêmes groupes de personnes. Il suffit de donner quelques exemples sous les mots de jadis : «comment voulez-­vous que j’aille à la messe? Je n’ai que mon dimanche pour jouer au golf ou au tennis. C’est le jour où nous partons en voyage. C’est ma journée de bricolage. Et puis, j’ai mes devoirs à faire et mes examens à préparer …» Ensuite, il y a ceux et celles qui attaquent les religions comme des «organismes de grande noirceur» et qui ne croient qu’à leur propre religion laïque.
  • La deuxième parabole, celle du vêtement de noces, est  bien différente de la première. Dieu continue à inviter mais il demande notre participation : il veut des partenaires actifs qui participent à la construction du Royaume de Dieu. Le vêtement de fête fait partie de toutes les civilisations. Partout dans la Bible nous retrouvons des traces de ce vêtement bien spécial. Dans l’histoire de l’enfant prodigue, par exemple, le père donne de nouveaux vêtements à son fils qui rentre au foyer. Dans l’Église des premiers siècles, les nouveaux baptisés revêtaient un vêtement blanc pendant une semaine entière, symbole d’une vie nouvelle. Cette longue tradition de vêtements de fête est transmise par les jeunes mariés, par l’enfant présenté aux fonts baptismaux, par les étudiants qui célèbrent l’obtention de leurs diplômes, etc. Comme vêtements de fête, saint Paul nous fait une belle suggestion : «Comme des élus de Dieu, mes bien-aimés, revêtez le vêtement d’amour et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres. Pardonnez-vous l’un à l’autre comme le Christ vous a pardonné. A votre tour, placez par-dessus tout la charité, ce lien parfait.» (Colossiens 3, 12-15) Ou encore, dans sa lettre aux Éphésiens : «Dépouillez-vous du vieil homme… et revêtez l’homme nouveau, créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité» (Éphésiens 4, 22-24). Cette deuxième parabole nous rappelle que le salut n’est jamais automatique: il faut répondre à l’invitation de Dieu en nous transformant, en nous convertissant. L’invité au banquet, qui n’avait pas de vêtement de fête, ne pouvait donc participer car il lui manquait une disposition fondamentale : l’âme festive et l’esprit de service. La parabole du retour de l’enfant prodigue nous aide à comprendre cette référence au vêtement de noces. Le fils aîné qui revient des champs et entend la musique de la fête est furieux contre son frère et contre son père. Il refuse d’entrer et le père sort pour l’inviter à la fête. Ce fils n’est pas prêt à participer à la célébration, il n’a pas encore revêtu le vêtement de fête !


HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 8 octobre 2017

27ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du père Michel Yvon Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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Un homme confia sa vigne à des vignerons

Dans la Bible, la vigne est symbole de bien-être, de prospérité et de paix. C’est un lieu de bonheur où l’alliance entre Dieu et l’être humain est vécue à plein. Lorsque les gens se souviennent d’une période de tranquillité et de paix, ils évoquent la vigne : «Il y avait la paix sur toutes les frontières alentour. Juda et Israël habitèrent en sécurité chacun sous sa vigne et sous son figuier, depuis Dan jusqu’à Bersabée, pendant toute la vie de Salomon.» (1 Roi 5, 5) «Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre. Mais chacun restera assis sous sa vigne et sous son figuier, sans personne pour l’inquiéter.» (Michée 4, 3-4) Les fruits de nos talents et de nos efforts, le temps qui nous est donné, l’argent et les biens que nous possédons, tout cela doit servir au bien-être de tous. Lorsque le Christ mentionne la vigne, on s’attend donc à une histoire de paix et de prospérité. Mais dans le texte d’aujourd’hui, les responsables de la vigne ne pensent qu’à tuer pour s’emparer d’un bien qui ne leur appartient pas.

Le premier élément important de cette histoire, c’est que Dieu nous met en charge, nous confie sa vigne. Il veut que nous soyons ses partenaires. Il est donc bon de se demander ce que nous faisons de la vigne du Seigneur. Qu’est ce qui arrive au monde que Dieu nous a confié ? Qu’en est-il de la paix entre les nations, de la distribution des biens de la terre, du réchauffement climatique, de la déforestation, des pluies acides, de la disparition de nombreuses espèces animales ? Ce sont des questions pertinentes pour chacun et chacune d’entre nous responsables de notre terre. Notre qualité de vie est affectée par tous ces problèmes.

 Comme dans la parabole d’aujourd’hui, nous pouvons croire que nous sommes les propriétaires du monde qui nous est confié et tout faire pour garder les fruits pour nous-mêmes d’une manière égoïste, sans penser aux autres et sans nous préoccuper de ce que nous laisserons aux générations suivantes.

 Plusieurs croient qu’en se débarrassant de Dieu, la vigne leur appartiendra. C’est ce que firent Adam et Ève qui suivirent le conseil du serpent : «Vous serez comme Dieu… vous prendrez la place de Dieu… vous serez des dieux.» Nombreux sont ceux qui sont convaincus que Dieu est encombrant, qu’ils n’ont pas besoin de lui. Il n’a pas sa place dans la vie publique, dans le monde de la politique et des affaires. L’évangile de son côté nous révèle que plus Dieu sera présent, plus nous serons en mesure de créer un monde de paix, de fraternité et d’amour.

 Dans la parabole des vignerons, Dieu nous invite à être responsables afin de construire un monde meilleur. Cette responsabilité ne regarde pas seulement les gouvernements et les chefs de communautés mais aussi chacun de nous. Dieu nous confie notre famille, nos enfants et nos petits-enfants, notre monde du travail et celui des loisirs. Nous devrons rendre compte de notre gestion. Les fruits de nos talents et de nos efforts, le temps qui nous est donné, l’argent et les biens que nous possédons, tout cela doit servir au bien-être de tous.

 Le péché des vignerons de la parabole, c’est de vouloir s’approprier les fruits qui ne leur appartiennent pas. Ils veulent gérer la terre à leur seul profit et bénéfice. En réfléchissant sur ce qui se passe dans notre monde d’aujourd’hui, nous nous rendons compte que depuis le temps de Jésus, aucun progrès n’a été fait sur le plan de l’égoïsme et de l’irresponsabilité ! Rien de nouveau sous le soleil !

Le message de la parabole d’aujourd’hui, c’est que Dieu nous a confié le monde dans lequel nous vivons, pour le bien de tous. C’est à nous de répondre à cette invitation avec tous les talents que nous avons reçus.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 1er octobre 2017

Vingt-sixième dimanche du temps ordinaire

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Homélie du Père Yvon-Michel Allard,

(directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

 « Lequel des deux fils a fait la volonté du Père »

 Le Christ nous rappelle aujourd’hui que ce qui compte dans la vie, ce ne sont pas les belles paroles mais les actes. On juge quelqu’un sur ce qu’il fait et non pas sur ses bonnes intentions. C’est le fils qui finit par aller travailler dans la vigne qui fait la volonté de son père. Saint Paul disait dans sa lettre aux Romains : «Ce ne sont pas les auditeurs de la parole qui sont justes devant Dieu, mais ceux qui mettent cette parole en pratique» (Rom 2, 13)

Avec Jésus nous ne sommes jamais enfermés dans notre passé. Nous avons toujours une deuxième chance.

L’une des accusations les plus graves que l’on puisse porter contre quelqu’un c’est de lui reprocher d’être riche en paroles mais pauvres en actions : «grand parleur, petit faiseur». L’évangile nous dit la même chose en d’autres termes : «Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur qui entreront dans le Royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père» (Mt, 7, 21). «Celui qui se limite à écouter la parole et ne la met pas en pratique, ajoute Jésus, est comme quelqu’un qui construit sa maison sur le sable…» (Mt 7, 26). Le Christ adresse ce reproche aux pharisiens de tous les temps : «Ils disent mais ne font pas». (Mt 23, 3)

Je relisais dernièrement l’histoire d’un homme qui, suite à un accident d’auto, était obligé de se déplacer en chaise roulante. Ses voisins et ses amis allaient le visiter et en partant, plusieurs disaient : «André, nous allons prier pour toi». Et lui répondait : «C’est bien, mais en fait je peux très bien faire mes propres prières. Si vous voulez vraiment m’aider, lavez la vaisselle qui se trouve dans l’évier et apportez les sacs d’ordures au chemin!» Cet homme avait besoin d’aide et il voulait que les prières et les bonnes paroles de ses amis soient accompagnées des gestes concrets.

L’un des drames de la vie sociale se produit lorsque la parole donnée cesse d’être fiable, de se traduire en actes, lorsque l’on perd confiance dans ce que disent les autres. Nous connaissons bien ce phénomène dans nos sociétés modernes. Nous ne croyons plus aux discours des politiciens, aux promesses de la publicité, aux jugements de certains journalistes. La parole donnée semble avoir perdu sa valeur et, en conséquence, la confiance dans nos représentants, dans nos institutions disparaît. Même dans la vie familiale, tout semble fragile et provisoire. Les promesses et les engagements sont de courte durée.

Le christianisme est exigeant : «Celui qui perd sa vie, c’est-à-dire qui la donne par amour pour sa famille, pour ses amis, pour les autres, la sauvera» (Mt 16, 25). Notre foi chrétienne ne doit pas être une foi de paroles seulement, mais une foi active qui influence tous les aspects de notre vie : la famille, le travail, les loisirs, les relations avec les autres… Le christianisme nous renvoie à nos responsabilités quotidiennes. Il s’agit de «faire» et non de «dire».

Le texte d’aujourd’hui nous rappelle une autre vérité importante pour le Seigneur : dans la vie, les jeux ne sont jamais faits. Il est toujours temps de se reprendre. Quelle que soit notre histoire, quels que soient nos refus précédents, un changement est toujours possible. Avec Jésus nous ne sommes jamais enfermés dans notre passé. Nous avons toujours une deuxième chance. Personne n’est figé dans ce qu’il a fait auparavant. L’avenir reste ouvert.

J’ai lu l’histoire d’une femme condamnée à plusieurs années de prison. Elle s’était prostituée, tout en sachant qu’elle avait le sida. C’était son besoin de drogue qui l’avait poussée à la prostitution. Elle avait reçu une excellente éducation et venait d’une bonne famille. Elle regrettait amèrement d’avoir galvaudé sa vie et elle voulait retrouver l’amour, la paix et le pardon. Elle avoua que c’étaient ces années d’incarcération qui lui avaient permis de sortir de la violence, de la drogue et de l’addiction, une prison pire que celle où elle vivait actuellement. Condamnée à la réclusion, elle y avait retrouvé la fraîcheur de sa jeunesse.

Pour Dieu, personne n’est étiqueté ou figé dans le temps. Il n’y a que des hommes et des femmes en pleine évolution qui avancent ou qui reculent. Les publicains et les prostituées ne sont pas meilleurs que les autres, mais ils entrent dans le Royaume parce qu’à un certain moment, ils ont changé de direction, ils se sont convertis.

La parabole des deux fils est un appel au changement et au renouveau. Dans la vigne du Seigneur, il y aura toujours de la place pour ceux et celles qui répondent à son invitation. C’est ce qui est arrivé à Zachée, Marie Madeleine, la Samaritaine, et tant d’autres.

Les jeux ne sont jamais faits. Il est toujours possible de changer, de repartir à zéro et de nous engager dans les voies de Dieu, c’est-à-dire – pour utiliser les mots de la parabole de l’évangile – de changer d’opinion et d’aller travailler dans la vigne du Seigneur.



HOMÉLIE DOMINICALE

25ème Dimanche du Temps Ordinaire

24 septembre 2017

(Homélie du père Yvon Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

Allez vous aussi à ma vigne

Pendant trois dimanches consécutifs, nous entendrons trois paraboles de Jésus sur la vigne. Le Christ nous propose aujourd’hui celle des travailleurs embauchés tout au long de la journée, dimanche prochain celle des deux fils à qui le père demande d’aller travailler à sa vigne, et le dimanche suivant, la parabole des ouvriers qui veulent s’emparer de la vigne.

La parabole d’aujourd’hui commence très tôt le matin, sur la place publique d’un village de Palestine. Il s’agit d’une scène que l’on retrouve encore aujourd’hui dans certaines villes et villages de la planète. Les «journaliers» sont là, attendant qu’on les embauche. Je me souviens, lorsque je travaillais au Mexique, je voyais souvent, tôt le matin, sur la place centrale de la ville de Mexico, des dizaines de personnes autour de la cathédrale, attendant qu’on fasse appel à leur service. Chacun arborait sa petite pancarte : plombier, électricien, peintre, menuisier, cuisinière, femme de ménage, etc. Ces gens qui vivaient au jour le jour, de façon très précaire, espéraient que quelqu’un leur donne du travail : «Pourquoi restez-vous là, sans rien faire?», demande Jésus. «Parce que personne ne nous a embauchés».

Le problème du manque de travail est l’une des plaies de notre siècle. Dans les pays industrialisés, des millions de postes de travail ont été supprimés ces dernières années. À travers le monde, la moitié de la population n’a pas de travail fixe et doit survivre avec un salaire de famine d’un ou deux dollars par jour. La parabole des ouvriers de la vigne nous rappelle ce problème permanent.

Le Christ souligne ici trois points importants :

  • Premièrement, tous sont invités à travailler dans la vigne du Seigneur. Dans cette vigne, il n’y a pas de chômage et il n’est jamais trop tard pour répondre à l’invitation de Jésus.
  • Ensuite, à l’heure de la paye, nous sommes assurés que le Seigneur nous donnera un salaire équitable et généreux : «Allez à ma vigne et je vous donnerai ce qui est juste».
  • Finalement, et c’est probablement le point et le plus important, même si nous n’avons pas travaillé toute la journée – à cause des circonstances de la vie, ou encore par négligence, insouciance ou manque d’intérêt -, le Seigneur continue à nous inviter. Nous ne sommes jamais trop âgés pour reprendre le travail ou pour nous joindre aux autres travailleurs.

Si nous n’avons pas toujours été très vaillants au cours de notre vie, nous avons de bonnes chances de devenir nous aussi des ouvriers de la dernière heure. Lorsque les rides s’accentuent sur notre visage, lorsque la fatigue et la faiblesse s’emparent de nous, lorsque notre soleil est sur le point de disparaître à l’horizon, le Seigneur nous redonne confiance et nous invite à nouveau : «allez-vous aussi à ma vigne».

Nous qui pensions être des ouvriers de la première heure, nous nous rendons compte que nous n’avons pas fait grand-chose jusqu’ici. Avec humilité, nous devons nous ranger parmi les ouvriers de la fin du jour, à côté des fainéants et des pécheurs, conscients d’avoir fait si peu au cours de notre vie, mais comptant sur la miséricorde et la bonté de Dieu. Le matin, le midi ou le soir de notre vie, le Seigneur nous invite à sa vigne et nous promet un salaire juste et équitable. Cette parabole de Jésus met en évidence la comptabilité de Dieu face à notre comptabilité souvent mesquine. Il n’y a pas de prime d’ancienneté dans la vigne du Seigneur mais il y a toujours un salaire généreux à la fin de la journée.

Pour Dieu, nous ne sommes ni des mercenaires, ni des employés, mais des amis: «Mon ami, faut-il que tu sois jaloux parce que je suis bon ?» L’amitié, la tendresse et l’amour guident le comportement du Seigneur. S’il agissait selon notre mentalité mercantile, le journalier qui n’a travaillé qu’une heure retournerait à la maison les mains presque vides et ne pourrait nourrir sa famille. Dieu a donc pitié de lui, de sa femme et de ses enfants. Il ne s’agit pas de justice distributive mais de générosité gratuite. «Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que je suis bon ?» Notre Dieu est un  Dieu qui répand ses bienfaits à profusion, qui «appelle» et «invite» à toute heure, à tout âge, dans toutes les situations…

Il y a des chrétiens qui croient que la religion c’est ce que nous faisons pour Dieu. En fait,  la religion c’est en ce que Dieu fait pour nous. Dieu accueille l’enfant prodigue, recherche la brebis perdue, donne une autre chance au figuier qui ne porte pas de fruits, ouvre le paradis au bon larron, mange avec les publicains et les pécheurs, engage la conversation avec la Samaritaine, réintègre Marie-Madeleine à la communauté, protège la femme adultère, sort les lépreux de leur isolement, pardonne à Pierre après son reniement, choisi Paul de Tarse, le persécuteur, etc., etc.

Nous sommes invités nous aussi à entrer dans la vigne du Seigneur, lieu de bonheur et d’alliance avec Dieu et avec les autres, symbole de la bonté et de la générosité de Dieu : « Allez vous aussi à ma vigne »