Chers visiteurs, au lendemain du Festival de Cannes, voici un éditorial de Gérard Leclerc, déniché pour vous sur
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Le cinéaste Wim Wenders a présenté au Festival de Cannes le documentaire qu’il vient de réaliser sur le pape François. Ce converti du catholicisme au protestantisme se déclare séduit par la personnalité de celui qui a, significativement, choisi de porter le nom du poverello d’Assise. Il a donc filmé le Pape en direct, et même en gros plan, et il a été heureux de l’entendre réitérer ses appels à sortir de l’indifférence. Notre collègue Céline Rouden de La Croix fait part tout de même d’une réserve possible : « Il pourra paraître déconcertant que la foi qui sous-tend ce message et prend sa source dans les Évangiles soit peu évoquée. Sans doute parce qu’il s’agit moins pour Wim Wenders de glorifier la personne du Pape que de faire entendre un homme qui a choisi de faire de sa parole une arme contre les défis de notre temps. » Bien sûr, il s’agit du regard d’un observateur, qui a bien choisi son angle de vue, que l’on pourrait définir comme humanitaire et même humaniste. Mais ce regard légitime nous pose quand même une question importante : le christianisme est-il un simple humanisme à l’instar de l’existentialisme d’autrefois ?
Un livre [1] vient contester radicalement cette équation. Laurent Fourquet, normalien, énarque, agrégé de sciences sociales, n’a pas craint de briser les normes de la bien-pensance. Non, affirme-t-il radicalement : « Le christianisme n’est pas un humanisme. » Il s’en explique longuement dans un essai très argumenté et rigoureux, qui dynamite pas mal de certitudes quant à une civilisation qui aurait trouvé dans les droits de l’homme une sorte de consécration. N’avait-on pas annoncé la fin de l’histoire, puisque toutes les conditions de l’avènement de l’humanité progressiste semblaient réunies ?
Mais justement, objecte Laurent Fourquet, l’humanisme clôture là où le christianisme ouvre et fait éclater la satisfaction d’un monde replié sur lui-même. « Le monde du chrétien, en revanche, est le lieu de cet étrange fanatisme, dont parle Pline (aux origines du christianisme) ; on doit comprendre par cette expression la force de ce qui ne se suffit pas, qui est ouvert à l’absolu et qui met donc en cause toutes nos limites, au nom d’une vérité vivante qui transcende le temps tout en s’incarnant dans le temps. »
N’y aurait-il pas urgence à revenir aux dimensions eschatologiques qu’avaient voulu rendre au christianisme les fondateurs de la revue Dieu vivant au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, parce qu’ils luttaient contre un christianisme dégradé qui avait perdu son caractère de foi vivante ? Mais n’est-ce pas la conviction intime du pape François, telle qu’il nous la livre dans son exhortation apostolique sur l’appel universel à la sainteté ?
« N’aie pas peur de viser plus haut, de te laisser aimer et libérer par Dieu. N’aie pas peur de te laisser guider par l’Esprit saint. La sainteté ne te rend pas moins humain, car c’est la rencontre de ta faiblesse et de la force de la grâce. Au fond, comme disait Léon Bloy, dans la vie, il n’y a qu’une tristesse, c’est de n’être pas des saints.(*)»
(*)Pape François, La joie et l’allégresse, CEF, Bayard, Cerf, Mame.