Archives par mot-clé : Père Charles André Sohier



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 04 mars 2018

(Homélie du père Charles André Sohier)

Le temple de Jérusalem, construit par Hérode le Grand à partir de 20 avant Jésus Christ, était une belle et vaste construction. Outre le sanctuaire et le Saint des Saints, il comportait deux grandes cours, celle des hommes et celle des femmes, ainsi qu’une immense esplanade : le parvis des païens. C’est là que beaucoup se rassemblaient pour traiter leurs affaires, écouter les docteurs de la Loi, acheter des animaux pour les sacrifices et changer de la monnaie. C’est dans ce brouhaha de souk oriental, que se place l’incident rapporté par saint Jean. Jésus, en colère, fouet en main, chasse les marchands du temple. « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic », dit-il, en accomplissant ce geste prophétique. Je vous propose de méditer sur trois leçons de cet épisode.

L’attachement à l’argent

L’argent est nécessaire, mais il est aussi un piège. Quant s’instaure le primat de l’économique à l’échelle mondiale, on glisse inévitablement dans la spirale du chômage, de la violence et du mépris des droits essentiels de la personne humaine. Au temple de l’or et de l’argent, avec son cortège d’injustices et de misères, nous avons à substituer le temple de la justice, de l’amour désintéressé et du respect. Voilà pourquoi Jésus chasse les marchands du temple. Mais ne nous contentons pas d’appliquer cela aux autres. Convertissons-nous nous-mêmes sur ce sujet. La passion du pouvoir et de l’avoir se glisse partout, y compris dans notre propre cœur.

La maison de mon Père

Mais l’essentiel ne se trouve pas encore là. Écoutons longuement cette étrange expression que Jésus utilise pour parler du temple : « la maison de mon Père ». Quel secret, quelle plongée dans l’intimité de sa personne, se cachent sous ces formules. Il est chez lui dans ce Saint des Saints, ce sanctuaire tabou, où nul ne peut entrer, sauf le Grand Prêtre, une fois par an. Ce lieu intouchable, séparé de tout, Jésus dit tout simplement que c’est la « maison de son Père », et sa propre maison de fils. Oui, ce qui est premier dans le culte que nous rendons à Dieu, ce ne sont pas les gestes (bœufs, brebis ou colombes), mais la confiance filiale que nous y mettons.

Le sanctuaire de son corps

Nous arrivons, avec cette phrase, au cœur de cette page d’évangile. C’est son corps, ce corps qui sera crucifié et ressuscité, qui est le nouveau temple. Ainsi, le lieu de la Présence de Dieu, n’est plus un édifice, c’est Quelqu’un ! C’est le Corps du Christ. Toute la liturgie chrétienne tourne autour de cette mystique du Corps du Christ.

Mais comprenons jusqu’où va ce mystère ! « Ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? », dit saint Paul aux Corinthiens. Ainsi, ce n’est pas seulement le corps ressuscité de Jésus qui est le nouveau temple, mais le corps de chaque baptisé. En recevant le corps de Jésus, je deviens son corps qui est un sanctuaire. Voilà jusqu’où se fonde l’éminente dignité de l’homme.



HOMELIE DOMINICALE

24ème dimanche du Temps Ordinaire

17 septembre 2017

(Homélie du père Charles André Sohier, prêtre ermite )

Rancœur et colère

Nous voici en terre hélas bien familière. La rancune est une plante bien enracinée dont les fruits sont la colère et la vengeance. Griefs des gouvernants et des nations qui se traduisent en oppressions et en guerres.

Cette rage de faire payer au centuple l’offense ou le tort, parfois imaginaire d’ailleurs, habite tout autant le cœur des individus. Pour un problème de clôture, c’est la tension. Un arbre coupé suffit à ruiner des années d’amitié. Des affaires d’héritage transforment un deuil familial en affrontements destructeurs. « Il est des choses qui sont impardonnables et qu’on n’oubliera pas », disent les gens.

Deux siècles avant Jésus, le sage Ben Sirac prend le contre-pied de ces haines suicidaires. « Rancune et colère, voilà des choses abominables où le pécheur s’obstine… Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis… Pense à ta mort… ne garde pas rancune… et oublie l’erreur de ton prochain » C’est pure sagesse et c’est pure logique : si on demande à Dieu le pardon de ses péchés, il faut, en retour, agir de même à l’égard de ses frères.

C’est aussi, tout simplement une exigence de survie. Si l’humanité s’enfonce dans la spirale de la violence, des représailles et des contre-représailles, elle se retrouve très vite devant une impasse. Tant que nous subissons le mal, il n’entre pas en nous. Mais si nous le perpétrons en riposte, alors nous le laissons nous atteindre. C’est tout aussi vrai dans notre vie privée. Celui qui persiste dans le refus du pardon devient malade.

La seule manière d’arrêter le mal, c’est de désarmer, c’est de pardonner. Ceux qui pardonnent sont des êtres blessés, au plus intime d’eux-mêmes. Ce sont des victimes de coups, des conjoints bafoués dans leur amour, des parents abandonnés par leurs enfants… Longtemps, ils se sont dit qu’ils ne « pourraient jamais » pardonner. Un jour, après bien des tempêtes intérieures, ils ont pardonné. Ils ne veulent plus de mal à ceux qui leur en ont fait. Ils arrêtent à eux-mêmes la violence subie. Ils ont fait plus que donner : ils ont pardonné. Et un jour, il leur sera donné la grâce de sentir le pardon rayonner jusque dans leur sensibilité meurtrie. Ils libèrent l’avenir, alors que le passé les enfermait dans la souffrance.

« Combien de fois dois-je lui pardonner ? » Pierre croit entrer largement dans l’esprit de Jésus en proposant sept fois. Les rabbins ne proposaient-ils pas d’aller jusqu’à trois fois ? La réponse de Jésus est claire. Il n’y a pas de limites. La parabole du débiteur impitoyable nous montre combien nous sommes tous débiteurs à l’égard de Dieu. Le Père nous pardonne parce qu’il aime. De même l’homme doit pardonner à son frère sans calculer. Jésus, par là, ouvre un climat neuf dans les relations entre les personnes et les peuples : « 70 fois 7 fois » !



HOMÉLIE DOMINICALE

17e dimanche du temps Ordinaire

30 juillet 2017

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

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Jésus avait l’art des conteurs d’Orient, qui savent inventer de belles images pour captiver l’intérêt de leur auditoire. Pensons aux « Mille et une nuits »  !  Aujourd’hui nous avons entendu trois petites paraboles, ciselées comme des bijoux, et qui se fixent, à la première audition, dans l’écrin de la mémoire.

Le Royaume de Dieu est caché, dit-il, comme un trésor enfoui dans un champ ou comme une perle, petite, mais d’une valeur inestimable. Dieu n’est pas évident. Il est au contraire discret, invisible. Il existe, là tout près de nous, comme un trésor fabuleux, comme une perle de grand prix qui nous réserve très heureuse surprise de se découvrir brusquement.

Le paysan et le négociant vendent tous leurs biens pour acheter le champ au trésor ou la perle fine qui vaut bien tous les sacrifices. Liquider tout pour acquérir encore plus, renoncer pour être davantage libre, abandonner pour mieux posséder… voilà la folie de ces deux personnages. Cette attitude décidée doit aussi être celle de la vie chrétienne. Nous admirons le sportif qui se prive d’une quantité de choses pour battre un record. Eh bien ! Ce sont ces mêmes choix radicaux pour le Royaume de Dieu, que Jésus veut nous voir prendre.

Mais le prix à payer pour posséder effectivement la perle rare ou le trésor caché n’est pas trop élevé en comparaison de la joie qu’il procure. « Dans sa joie, il s’en va vendre tout ce qu’il possède ». La joie indicible éclipse les sacrifices. Comme dans tout amour vrai, le ravissement d’aimer et d’être aimé de cet homme, de cette femme, fait oublier tous les autres partis possibles. La joie est première, avant les renoncements. Ça vaut la peine de lâcher du superflu pour choisir l’impérissable, de se libérer de ce qui passe pour trouver l’essentiel. Il n’est pas de bonheur plus inouï que de tirer le gros lot de l’amour infini.

Oui, le Royaume est au fond des cœurs, comme la perle qui allume le regard, comme un trésor que dégage le désir le plus profond.

Mais la chasse au trésor, doit se faire avec la sagesse de ce roi qui abandonna les rêves de longue vie ou de richesses, pour choisir l’art de gouverner et  de discerner. (Première lecture). La vraie intelligence est de se mettre à l’écoute de Dieu et de recevoir de lui le goût des vraies valeurs.

« Mon partage, Seigneur,

c’est d’observer tes paroles,

mon bonheur c’est la loi de ta bouche,

plus qu’un monceau d’or et d’argent.

… Aussi j’aime tes volontés

plus que l’or le plus précieux »,

chantait le psaume. Oui, mettons-nous à la recherche du trésor qu’est Dieu. Laissons-le réaliser son rêve pour nous : nous compter dans la multitude des frères cadets que Jésus, le Fils aîné, entraîne dans la gloire du Père. (Deuxième lecture).



HOMÉLIE DOMINICALE

16e dimanche A

23 juillet 2017

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

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Qui ne se heurte au problème du mal ? Le mal est dans le monde et jusque dans l’Eglise. Pourtant, il est difficile de l’admettre. Nous voudrions un monde meilleur ou une Eglise sans taches ni rides. Assez volontiers, nous nous mettrions à la recherche de coupables. Pourtant, sur la terre, dans l’Eglise comme dans notre propre cœur, ivraie et blé poussent côte à côte. Nous sommes bien incapables de démêler les mauvaises herbes du bon grain. Faut-il le faire d’ailleurs ?

Jésus met en garde contre la précipitation  de ceux qui voudraient s’y attaquer. Il accepte dans son Eglise le mélange des bons et des mauvais. Il va jusqu’à provoquer le scandale en donnant ses préférences aux pécheurs. Il n’a jamais parlé d’une communauté de purs. Il est patient comme son Père. Il sait que le cœur de l’homme est subtil. Les actes les meilleurs peuvent cacher une forme insidieuse d’orgueil. Et des défauts extérieurs peuvent occulter injustement de réelles qualités. Que nous sommes impatients de la conversion… des autres ! Nous ne sommes pas mandatés pour opérer un tri et exclure ceux qui, à nos yeux, ne sont pas dignes. Il faut se méfier des purs et durs. Ils ne sont que des puritains qui, sous prétexte de purification, transformeraient le champ de blé en champ de bataille, arrachant  à la fois le froment et le chiendent, incapables qu’ils sont de les distinguer. Telle n’est pas la manière de Jésus. Il est, lui, pour la méthode des petits pas. Il est patient et prudent. Il aime le cœur de chaque homme, où le bon grain et l’ivraie se livrent à une lutte sans merci. Au cœur du monde en proie à ses luttes et à ses déchirements, monde qui passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore, le Fils de Dieu a été enfoui, broyé comme le grain. Dieu sait le contraste entre la petitesse de ce grain enfoui et l’ampleur de la moisson finale, entre la modestie du levain et la masse de pâte qu’elle soulève.

Dieu a hâte de voir le Royaume parvenu à sa pleine maturité. Mais sa délicatesse à l’égard du monde fragilisé par le péché le rend radicalement patient. Il est puissant, nous dit le livre de la Sagesse, mais juge « avec indulgence ». Il gouverne « avec beaucoup de ménagement ».

Oui, l’ivraie  fait partie du champ de blé et du champ de nos cœurs. Il faut apprendre à vivre avec elle, en nous et autour de nous, et ne pas perdre cœur. Car la graine minuscule deviendra arbre, et la pincée de levure  gonflera la pâte du monde.

Oui, demandons la grâce de voir les germes d’éternité qui sont cachés au cœur du monde. Ce ne sont pas les apparences actuelles qui comptent. Rêvons du grand arbre que Jésus voit déjà dans ses yeux de ressuscité. N’en reste pas à ton minuscule grain de moutarde… pense aux oiseaux qui chanteront dans l’arbre ! Et, patiemment, humblement, jette ton unique grain. Il traversera les hivers. Et ta joie éclatera comme un soleil d’été !



HOMÉLIE DOMINICALE

15e dimanche A

16 juillet 2017

(père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

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Jésus nous raconte aujourd’hui une histoire de semeur « tout terrain ». Puis, à la demande de ses disciples, il donne l’explication de l’histoire. Elle tient en quelques mots. Essentiellement : la semence, c’est la Parole de Dieu.

Donc, d’abord, Dieu nous parle. Pour beaucoup, c’est incroyable. Dieu est muet et, s’il existe, il ne se manifeste pas. Par contre, toute la Bible nous présente Dieu comme celui qui veut essentiellement communiquer avec nous. Il nous informe, il se fait connaître. Mais, bien plus, sa parole nous change, nous transforme, nous crée, nous construit.

Donc, Dieu parle. Comment ? « De multiples manières », dit l’épître aux Hébreux. Effectivement. Sa parole, c’est d’abord une parole sans mots. Au psaume 19 : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament proclame l’œuvre de ses mains…pas besoin de récit ni de parole, nulle voix ne se fait entendre. » Toute la nature est parole de Dieu.

L’épître aux Hébreux continue en disant que Dieu, après nous avoir parlé à de multiples reprises par les prophètes, nous parle, en ces temps qui sont les derniers, par son Fils. Jésus est la Parole efficace, l’ultime Parole de Dieu. Il est la Parole qui a créé le monde, la Parole qui féconde cette terre, la Parole qui crée un peuple nouveau. C’est cette Parole qui vient d’ailleurs et qui produit en moi quelque chose de neuf. En face de cette Parole, le disciple doit prendre une attitude d’accueil.

Mais pour quel résultat ? Quand Jésus racontait la parabole du semeur, au bord du lac, les foules étaient encore nombreuses, nous dit l’Évangile. Mais il y avait déjà les ennemis, les méfiants, les sceptiques, «  les sages et les savants » dont nous parlions la semaine dernière. Et les phénomènes de rejet vont aller croissants, si bien qu’à la fin, Jésus sera arrêté, condamné, mis à mort. Donc, de son temps, il y a eu ceux, de plus en plus rares, qui ont marché avec lui, et ceux, nombreux, qui l’ont refusé. Quand Matthieu écrit son Évangile, il s’adresse à des communautés judéo-chrétiennes qui sont en butte à l’hostilité de leurs compatriotes et à l’indifférence des populations païennes. Ces chrétiens, qui ont accueilli le message de l’Évangile, se demandent pourquoi cela n’avance pas plus vite, pourquoi ils restent si peu nombreux.

Nous nous posons les mêmes questions, en ce vingt-et-unième siècle. Pourquoi la « Parole du Royaume », semée à profusion, ne produit-elle pas de fruits plus abondants ? A la question des disciples – ceux du premier siècle et ceux d’aujourd’hui – Jésus répond justement, qu’il ne faut pas s’en étonner. Voilà bien un message d’espérance, pour tous les disciples de tous les temps. Au temps de Jésus, ils avaient espéré que l’avènement du royaume serait une intervention de Dieu subite, pour un jugement, c’est-à-dire pour tout remettre en ordre, pour rétablir la justice.

Et voici que Jésus nous dit : « Le Royaume est arrivé, il est là, au milieu de vous ». Vous n’y avez rien vu, mais il est commencé, inauguré avec la plus grande discrétion, et pourtant, il ne cessera jamais de croître, comme une petite graine. Message d’espérance. Les chrétiens sont là, porteurs de la Parole qui ne passera jamais. Petit peuple en regard de l’immense foule des hommes, et nous ne sommes pas toujours un terrain de très bonne qualité. Mais sans prétendre à la fertilité maximum, une seule chose compte : le désir, l’ouverture, l’accueil de cette Parole que le Christ sème en nous.

Confiance : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir fécondé la terre, de même la Parole de Dieu ne lui reviendra pas sans résultat ». Dire : « Tout va mal », ce n’est pas évangélique. Dire « tout va bien », non plus. Avant tout, il faut savoir qu’il y aura toujours des durs, des inattentifs, des inconstants, mais aussi des hommes de bonne volonté « qui accueillent la Parole de Dieu et qui la gardent. »



HOMÉLIE DOMINICALE

9 juillet 2017

14ème dimanche du temps ordinaire

(père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

(http://kerit.be/homelie.php)

L’évangile que nous venons de lire comprend quelques points de contact avec le Magnificat de la Vierge Marie, qui sont très intéressants et extrêmement révélateurs.

Tout d’abord, Jésus rend gloire à son père d’avoir révélé aux « petits » ce qu’il a caché aux savants et aux sages. Puis il invite chacun à prendre son joug sur ses épaules et à devenir son disciple car, dit-il, « Je suis doux et humble de cœur. » Les petits, les humbles, ont une place toute spéciale dans l’Évangile. Le Père a pour eux un amour préférentiel. Marie est l’une d’entre eux, et elle le proclame au début du Magnificat: « Mon âme exalte le Seigneur… car il s’est penché sur l’humilité de sa servante. » Le mot grec utilisé ici (tapeinôsin) est le même que celui que Jésus utilise dans l’Évangile d’aujourd’hui lorsqu’il dit qu’il est doux et « humble » (tapeinos) de cœur. Et c’est encore le même mot que Marie utilise plus loin dans son Magnificat, lorsqu’elle dit que le Seigneur a renversé les puissants de leurs trônes et exalté les humbles (tapeinous). Lorsque Jésus rend gloire à son Père pour avoir révélé aux petits les choses cachées aux sages, les petits dont il parle sont ses disciples. Et ils n’étaient pas de naïfs enfants. Ils étaient des adultes qui connaissaient les façons de faire du monde: Matthieu, le collecteur d’impôts, savait faire de l’argent; Jude, le Zélote, connaissait l’art de la guérilla; Pierre, Jacques et Jean étaient des pêcheurs qui savaient guider leur barque sur le lac et jeter le filet. Ils avaient tout abandonné pour devenir des disciples de Jésus. Lorsque celui-ci les invite – et nous invite – à la simplicité du cœur, il ne nous invite pas à une attitude enfantine ou à un type infantile de spiritualité. Il nous invite à une forme très exigeante de pauvreté du cœur. Il nous invite à le suivre comme disciples et donc à abandonner toutes nos sécurités, et spécialement notre soif de pouvoir, de la même façon que ses disciples avaient tout abandonné pour le suivre.

La première lecture, du livre de Zacharie, décrit le Messie venant non comme un roi puissant sur son cheval, mais comme un simple et doux sauveur assis sur un âne. Paul, le sage et puissant pharisien, qui fut renversé sur le chemin de Damas, apprit la voie de l’humilité et de la petitesse, et il la décrivit comme la vie selon l’esprit, distincte de la vie selon la chair. La grande caractéristique de l’enfant est son impuissance. L’enfant peut être, à sa façon, aussi intelligent ou aimant qu’un adulte. Mais parce qu’il n’a pas encore accumulé de connaissances, de possessions matérielles et de relations sociales, il est dépourvu de pouvoir. Dès que nous devenons adultes, nous voulons exercer pouvoir et contrôle : sur nos propres vies, sur les autres personnes, sur les choses matérielles, et parfois même sur Dieu. C’est à cela que Jésus nous demande de renoncer lorsqu’il nous demande d’être comme de petits enfants. Un exercice utile de connaissance de soi pourrait être d’examiner les diverses formes sous lesquelles s’exprime, dans les divers aspects de notre vie, notre soif de pouvoir, et comment nous défendons ce pouvoir. Contemplons alors notre Seigneur qui est venu non pas comme un roi puissant sur son trône, mais comme un prophète humble et sans pouvoir, sur un âne. Regardons aussi la petitesse de sa mère, et avec elle, chantons avec une joie et un espoir renouvelés: « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. » Et puissions-nous, un jour, chanter tous ensemble durant les siècles des siècles: « Béni soit le Dieu d’Israël, car il a regardé la petitesse de ses serviteurs. »



HOMÉLIE DOMINICALE

12ème dimanche du temps ordinaire

25 juin 2017

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

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Ne craignez pas ! Jésus sait qu’il est n’est jamais confortable de parler de Dieu. Comme Jérémie, ceux qui s’engagent à sa suite, loin de connaître  la sympathie et les encouragements, devront subir  l’épreuve, l’incompréhension, les moqueries et même la persécution. Pourtant, il nous redit comment dominer cette crainte qui prend à chaque époque de nouveaux visages. On peut s’aventurer sur tous les sujets, les plus futiles ou les plus scabreux, avec orchestration des médias, mais gare à celui qui rappelle les exigences de l’évangile ! Oser parler de Jésus est devenu un acte de courage.

Ne craignez pas les hommes, nous répète Jésus. Les hommes ne peuvent atteindre en nous que la vie terrestre, le corps. Mais aucune puissance humaine n’est capable de détruire ce qui fait notre valeur véritable, l’espérance de la vie éternelle, l’âme. Le persécuté est plus grand que son persécuteur. Le torturé est plus grand que son bourreau. L’assassiné est plus grand que son meurtrier. Etre un paquet de muscle ou d’argent ou de feu plus gros que ceux de l’adversaire, c’est peu. Etre « une âme plus forte », voilà qui compte. « Ne vend-on pas deux moineaux pour un sou ? Or pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille… Soyez donc sans crainte ! Vous valez bien plus que tous les moineaux du monde. » Ne pas craindre, non à cause d’un optimisme béat, qui gommerait toutes les rudesses de la vie, mais à cause d’une confiance en l’amour vigilant de notre Père capable de veiller sur le plus petit passereau. « Non, ne craignez pas ceux qui tuent le corps, craignez ceux qui peuvent tuer l’âme. » Quelle formule redoutable ! Que veut dire « tuer l’âme » ? Notre seule peur, affirme Jésus, devrait être de perdre la foi. Notre seule crainte devrait être de ne pas avoir le courage de vivre notre foi, de devenir des « lâcheurs ». Quand on pense aux campagnes télévisées pour sauver des espèces animales, on peut se demander ce que nous devrions faire pour que l’homme ne soit pas avili, détruit de l’intérieur en perdant tout sens pour sa vie.

Notre vie ne peut pas être neutre et notre foi souterraine. Ou bien nous nous prononçons pour Jésus, ou bien nous nous disons contre lui. Et comment ?

D’abord en laissant au Seigneur le temps de m’aimer. En me laissant regarder par Dieu : c’est la prière. Si je reste sous le regard du Père, si je prends réellement conscience que je suis aimé, que peut-il m’arriver de mal ? Quand les détenus d’Auschwitz croisait le père Kolbe, il les encourageait en disant : « n’aie pas peur, la Vierge est là… »

Et ensuite, en pratiquant ma foi. En n’ayant pas peur de me montrer chrétien et d’agir en chrétien devant ceux qui n’en ont rien à faire ou qui ne sont pas d’accord ou qui vous ridiculisent. « Je crois en toi, Seigneur». Cela prend rarement la forme du martyr. Mais cela prend souvent le visage de nos héroïques fidélités, de nos devoirs quotidiens, de nos courages devant ce qui nous arrive.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 4 juin 2017

Solennité de Pentecôte 

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

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Aujourd’hui, nous recevons deux récits pour nous introduire à l’effusion de l’Esprit dans notre monde. Le récit des Actes des Apôtres est tout en couleurs de feu, de tempête, d’enthousiasme communicatif. Celui de saint Jean, lui, est tout en discrétions, portes closes, murmure d’un souffle léger et paix. A l’évidence, ce qui compte, ce ne sont pas les signes extérieurs, c’est la « Pentecôte intérieure », la douce effusion de l’Esprit qui refait l’unité dans la diversité, qui suscite la communion dans la divergence.

Dans saint Jean, c’est le soir même de Pâques qu’a lieu le premier don de l’Esprit. Jésus, discrètement, « répand son souffle » sur ses amis et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. » Décidément, la publicité tapageuse n’est pas son genre. Il semble ignorer les ficelles du comédien sur l’estrade ou de l’homme politique sur le petit écran. Dieu est discret. Il n’aime pas le spectacle. Il ne descend pas de sa croix pour confondre ses adversaires.

Saint Jean nous montre Jésus ressuscité, présent alors que les portes sont closes et répandant sur ses disciples le souffle léger de son Esprit Cela renvoie à deux textes majeurs du Premier Testament :

  1. La première création : « Dieu souffla dans ses narines un souffle de vie » (Genèse 2/7). Il y avait eu la première création du passé, la première naissance de la vie au début des temps.
  1. La dernière création : « Souffle sur ces ossements desséchés, et ils revivront » (Ezéchiel 27/9). Il y aura la création de l’avenir, la résurrection finale, au dernier jour.
  1. Mais il y a la création toujours actuelle, celle qui est en train de se faire : le « Souffle » de Dieu est aujourd’hui à l’œuvre. Saint Jean décrit la présence de Dieu et son action dans le monde par ce qui est le plus commun et le plus fondamental : respirer !

Tous les vivants, du microbe aux grands fauves, de l’amibe à l’homme, tous respirent le même oxygène, offert à tous autour de notre planète…N’est-ce pas une image saisissante du Dieu unique qui nous fait tous vivre ? Le « vent » qui « souffle  où il veut », et qui fait vivre, est déjà la comparaison qu’utilisait Jésus pour parler de l’Esprit à Nicodème (Jean 3/6.8).

« Recevez l’Esprit Saint »… L’humanité doit accueillir la communauté d’Esprit qui existe entre le Père et le Fils. A plusieurs ne faire qu’un. « Tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps », dit saint Paul (deuxième lecture). En brûlant au feu de l’Esprit nos préjugés, nos peurs, nos certitudes trop facilement établies, nous laissons la communauté d’amour qui unit les personnes divines s’étendre aux personnes humaines. Oh oui, que vienne ce souffle nouveau sur notre monde déchiré !



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 28 mai 2017

Septième dimanche de Pâques

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

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Dans l’espace ouvert par le départ de Jésus lors de l’Ascension, s’ouvre le temps d’une attente priante. La mère du Seigneur était là, au milieu des onze et quelques femmes. C’était elle qui veillait par sa présence au berceau de l’Eglise comme elle le fut sur celui de Jésus son Fils. Avec elle, la continuité entre le temps de Jésus et le temps de l’Esprit est fidèlement assurée, comme cela a été en elle depuis toujours: » Elle gardait tous ces événements dans son cœur. « Tous, unanimes, assidus à la prière… » c’est la réalisation du vœu que le Seigneur a formulé dans sa dernière et longue prière avant la Pâques. « Qu’ils soient un, Père, comme Toi en moi et moi en Toi. »

Il est bon, le rappel de ces longues heures de prières et de contemplation que revient et revit dans leur cœur et leur esprit, la mémoire de la vie du Seigneur, de tout ce qu’il a dit et enseigné, de son comportement vis à vis de son Père, de sa présence au milieu des hommes. La mémoire est en train de se former, à leur intérieur, en un témoignage que nous appelons maintenant l’Évangile. St Jean a placé cette prière à un moment précis, à la fin du repas de Jeudi Saint. En réalité‚, Elle est prononcée, vécue, entre ciel et terre, entre le temps et l’éternité : Jésus parle alors qu’il est encore de ce monde et en même temps comme s’il a été déjà dans le Père. Il nous fait participer à l’infini de sa tendresse d’enfant à ce lien unique, profond qui l’unit à son Père. Le nom de « Père » monte continuellement de son cœur au rythme de sa respiration. C’est maintenant l’Heure fixée par le Père à son Fils pour revenir vers lui, pour recommencer de vivre ensemble mais avec tous les nouveaux « enfants de Dieu » que le Christ ramène dans son sillage pour participer à la vie même de Dieu.

 Dans un poème très fort, le Chant de la divine merci, Marie Noël exprime splendidement ce retour du Fils au Père, entraînant à sa suite tous les hommes qui osent lui faire confiance.

« (…) Tenez vos portes ouvertes,

Pour que je ramène ici

Ces pauvres âmes désertes

Et ces pauvres corps transis,

 Préparez la grand-lumière,

Préparez le feu, la paix,

Pour que sitôt la dernière

Sueur versée, à jamais,

Tous ensemble, eux, moi, Vous, comme

Des frères au même lieu,

Ils se reposent d’être homme,

Et nous, Père, d’être Dieu ».

Tous ceux qui lui sont donnés par le Père,- cette fraction de l’humanité qui croit et fait confiance -, ont gardé sa Parole en croyant que c’est Dieu qui a envoyé Jésus. Mais Jésus semble ressentir leur fragilité, notre fragilité. Comme ils ont besoin de sa prière ! « Moi, je prie pour eux. Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont tiens ». Il prie avec insistance pour ses disciples qui appartiennent tant au Père qu’au Fils, qui sont leur bien commun. Tout fragiles qu’ils soient, ils sont la gloire du Père et du Fils. « Et moi, je viens vers toi », conclut-il. Jésus parle comme si, sa Passion accomplie, il avait quitté le monde et rejoint son Père dans la gloire. Son « je viens vers toi » est déjà le cri du Ressuscité, le cri de bonheur du Fils rentrant à la maison après avoir si bien travaillé dans les champs du monde. Oui, laissons-nous introduire par Jésus, dans l’Esprit, en la vie trinitaire !



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche  21 mai 2017

Sixième dimanche de Pâques 

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

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Une nouvelle fois, Jésus nous parle de son Père… « Je prierai le Père... » « je suis en mon Père » « celui qui m’aime sera aimé de mon Père ». Il n’est venu que pour cela  nous révéler, par ses paroles et ses gestes, la véritable identité de Celui que personne n’a jamais vu, ce Dieu que les hommes, depuis la nuit des temps et sous toutes les latitudes, ont recherché comme à tâtons en lui donnant les noms les plus divers, Celui-là même dont les prophètes d’Israël ont témoigné, et que Jésus a l’audace d’appeler familièrement « Papa »

Oui, Jésus prête sa voix et ses mains à Dieu son Père pour que la Parole de Dieu puisse retentir à nos oreilles d’hommes, pour que la tendresse de Dieu puisse nous être signifiée. Quand Jésus parle, c’est Dieu qui parle. Quand Jésus guérit et pardonne, c’est Dieu qui guérit et pardonne.

Mais quand Jésus nous parle de son Père, il ne peut pas ne pas nous parler aussi de l’Esprit, puisque cet Esprit-Saint, c’est précisément l’Amour qui les unit l’un à l’autre, le Père au Fils et le Fils au Père : « moi je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. C’est l’Esprit de vérité. » Cet Esprit, l’Église le fête tout spécialement le jour de la Pentecôte, et chacun de nous l’accueille avec joie dans le sacrement de la Confirmation. C’est à une méditation trinitaire que l’évangéliste nous conduit, en nous invitant peut-être à faire le point sur notre vie de baptisés.

« J’ai été baptisé au nom du Père. ».. Est-ce que vraiment Dieu est un Père pour moi? Est-ce que je Le reconnais comme l’origine et le terme de ma vie, Celui dont l’amour me façonne jour après jour? Est-ce que je sais encore m’émerveiller de sa création, et participer, à ma petite mesure, à son œuvre de création en contribuant, là où je travaille, là où je vis, à ce que la terre soit plus habitable, à ce que le monde soit plus juste? Est-ce que, pour moi qui prie Dieu en lui disant « notre Père », tout homme est bien un frère créé lui aussi à l’image de Dieu ?

« J’ai été baptisé au nom du Père et du Fils« … Est-ce que je suis le familier du Fils… non pas esclave ou serviteur, mais confident et ami?… Est-ce que je lis avec assez d’attention l’Évangile pour corriger les caricatures de Dieu que j’ai tendance à me fabriquer par paresse ou commodité?… Jésus est-il vraiment le Seigneur de ma vie, Lui qui s’offre à moi dans les sacrements de son Église ?

« J’ai été baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.. ».Cet Esprit-Saint de ma Confirmation, est-ce que je le laisse agir en moi? Si c’est l’Esprit de vérité, il a forcément quelque chose à voir avec la vérité d’où qu’elle vienne. Est-ce que je sais l’entendre?… Est-ce que je prends du temps chaque jour dans la prière pour relire ma journée, mes rencontres… en disant à Dieu, comme autrefois le jeune Samuel : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute! » Défenseur et Consolateur, l’Esprit nous est donné pour nous encourager à ne pas faiblir dans notre combat contre le péché. L’Esprit m’invite à ne jamais désespérer, ni des autres, ni surtout de Dieu, ni même de moi-même. L’Esprit est assez puissant en moi pour vaincre toutes mes résistances. L’Esprit est assez patient pour me mener là où Dieu veut, si toutefois je lui confie ma vie.

Frères chrétiens, rappelons-nous : nous avons été baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit!