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HOMÉLIE DOMINICALE

12ème dimanche du temps ordinaire

25 juin 2017

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

(http://kerit.be/homelie.php)

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Ne craignez pas ! Jésus sait qu’il est n’est jamais confortable de parler de Dieu. Comme Jérémie, ceux qui s’engagent à sa suite, loin de connaître  la sympathie et les encouragements, devront subir  l’épreuve, l’incompréhension, les moqueries et même la persécution. Pourtant, il nous redit comment dominer cette crainte qui prend à chaque époque de nouveaux visages. On peut s’aventurer sur tous les sujets, les plus futiles ou les plus scabreux, avec orchestration des médias, mais gare à celui qui rappelle les exigences de l’évangile ! Oser parler de Jésus est devenu un acte de courage.

Ne craignez pas les hommes, nous répète Jésus. Les hommes ne peuvent atteindre en nous que la vie terrestre, le corps. Mais aucune puissance humaine n’est capable de détruire ce qui fait notre valeur véritable, l’espérance de la vie éternelle, l’âme. Le persécuté est plus grand que son persécuteur. Le torturé est plus grand que son bourreau. L’assassiné est plus grand que son meurtrier. Etre un paquet de muscle ou d’argent ou de feu plus gros que ceux de l’adversaire, c’est peu. Etre « une âme plus forte », voilà qui compte. « Ne vend-on pas deux moineaux pour un sou ? Or pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille… Soyez donc sans crainte ! Vous valez bien plus que tous les moineaux du monde. » Ne pas craindre, non à cause d’un optimisme béat, qui gommerait toutes les rudesses de la vie, mais à cause d’une confiance en l’amour vigilant de notre Père capable de veiller sur le plus petit passereau. « Non, ne craignez pas ceux qui tuent le corps, craignez ceux qui peuvent tuer l’âme. » Quelle formule redoutable ! Que veut dire « tuer l’âme » ? Notre seule peur, affirme Jésus, devrait être de perdre la foi. Notre seule crainte devrait être de ne pas avoir le courage de vivre notre foi, de devenir des « lâcheurs ». Quand on pense aux campagnes télévisées pour sauver des espèces animales, on peut se demander ce que nous devrions faire pour que l’homme ne soit pas avili, détruit de l’intérieur en perdant tout sens pour sa vie.

Notre vie ne peut pas être neutre et notre foi souterraine. Ou bien nous nous prononçons pour Jésus, ou bien nous nous disons contre lui. Et comment ?

D’abord en laissant au Seigneur le temps de m’aimer. En me laissant regarder par Dieu : c’est la prière. Si je reste sous le regard du Père, si je prends réellement conscience que je suis aimé, que peut-il m’arriver de mal ? Quand les détenus d’Auschwitz croisait le père Kolbe, il les encourageait en disant : « n’aie pas peur, la Vierge est là… »

Et ensuite, en pratiquant ma foi. En n’ayant pas peur de me montrer chrétien et d’agir en chrétien devant ceux qui n’en ont rien à faire ou qui ne sont pas d’accord ou qui vous ridiculisent. « Je crois en toi, Seigneur». Cela prend rarement la forme du martyr. Mais cela prend souvent le visage de nos héroïques fidélités, de nos devoirs quotidiens, de nos courages devant ce qui nous arrive.



HOMÉLIE DOMINICALE

Fête du saint Sacrement

Dimanche 18 juin 2017

(Homélie du père Jean Compazieu)

Après le sommet Eucharistique du Jeudi Saint, nous nous retrouvons pour une grande fête de l’Eucharistie, celle du Saint Sacrement, Corps et Sang du Christ. C’est Jésus lui-même qui se donne en nourriture. Il a voulu nous laisser sa présence sous la forme d’un repas. L’Eucharistie est vraiment la nourriture essentielle de notre vie. Le curé d’Ars disait : « Vous n’en êtes pas dignes mais vous en avez besoin ». Les textes bibliques de ce dimanche nous préparent à accueillir ce don de Dieu.

La 1ère lecture nous ramène au 7ème siècle avant Jésus Christ. Pour le peuple d’Israël, c’est une période de prospérité et d’abondance ; la tentation est grande de croire que cette réussite vient du seul génie des hommes. On se pose la question : « Pourquoi continuer à honorer Dieu alors qu’on est tiré d’affaire ? » Mais la Parole de Dieu vient le rappeler à l’ordre : « Souviens-toi« . La marche dans le désert était un temps de probation. Au cours de cette difficile traversée, Dieu n’a jamais cessé d’être là. Il a multiplié les bienfaits pour assurer la survie de son peuple. Il a fait pleuvoir la manne et jaillir l’eau du rocher. Il a surtout offert sa Parole qui est la nourriture essentielle de l’âme.

Quand le peuple se nourrit de la manne, il reconnaît que tout vient de Dieu. Nous aussi, nous reconnaissons que nous dépendons de lui. C’est le seul moyen de ne pas devenir esclave d’un autre car le vrai Dieu est libérateur. Nous qui vivons dans un monde indifférent ou hostile à la foi chrétienne, nous devons réentendre cet appel du Seigneur : « Souviens-toi ! » N’oublie jamais de te nourrir de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie.

Dans sa 1ère lettre aux Corinthiens, l’apôtre saint Paul insiste précisément sur l’importance de l’Eucharistie. La bénédiction de la coupe et la fraction du pain ne sont pas que des gestes rituels. Elles ne sont pas non plus une simple évocation des gestes du passé. Sous le signe du pain et du vin, nous communions au Corps et au Sang du Christ ; nous faisons nôtre l’amour de Celui qui a livré son Corps et versé son Sang pour nous et pour la multitude. Cet amour qui nous unit à lui doit aussi nous unir à tous nos frères. Nous apprenons à les regarder avec le regard même du Christ, un regard plein d’amour et de miséricorde.

L’Évangile nous propose un extrait du long discours sur le Pain de vie. C’était après la multiplication des pains près du lac de Tibériade. Jusque-là, Jésus avait demandé à ses auditeurs de croire en sa parole. Aujourd’hui, il franchit un nouveau pas dans la révélation de sa personne. Ce pain dont il parle, il dit que c’est lui-même « pain vivant » ; il dit aussi que c’est « sa chair donnée pour la vie du monde« . Il annonce ainsi sa mort qu’il présente comme don de la Vie éternelle au monde.

Le Pain descendu du ciel c’est donc Jésus lui-même. Sa chair et son sang sont une nourriture qui donne la Vie éternelle. Aujourd’hui comme autrefois, Jésus nous demande de faire un acte de foi. Il faut se nourrir de son enseignement et boire ses paroles. Elles sont celles du Fils qui nous apporte la vie du Père. Mais pour accueillir ce don, il nous faut sortir de nos certitudes et de nos raisonnements humains. Il nous faut avoir un cœur de pauvre, entièrement ouvert à celui qui est « le chemin, la Vérité et la Vie.

L’Eucharistie est « Pain de vie ». Cette fête d’aujourd’hui doit raviver notre désir de communion avec Dieu pour « demeurer en lui et lui en nous. » Ces jours-ci, quelqu’un disait : « Toute Eucharistie est bien plus forte que tout le mal du monde ». C’est vrai, à chaque messe, nous célébrons le sacrifice du Christ et sa victoire sur la mort et le péché. Nous rendons grâce à Dieu qui ne cesse de nous combler de ses bienfaits. C’est en lui que nous trouvons la vraie joie. Malheureusement, nous sommes trop souvent victimes de la routine alors que nous devrions être dans l’émerveillement. Nous entrons dans l’Eucharistie sans transition, sans préparation. Et nous repartons souvent sans avoir pris le temps d’accueillir Celui qui veut faire en nous sa demeure. Et surtout nous n’avons pas compris que nous sommes envoyés pour vivre la communion.

Il nous faut aujourd’hui retrouver la force du message de l’Évangile. Quand nous sommes rassemblés pour célébrer l’Eucharistie, c’est vraiment LE moment le plus important de la journée. Malheureusement, beaucoup sont les grands absents : Tout cela n’est pas nouveau. Déjà, au moment où saint Jean écrit son évangile, il souffre beaucoup de la désaffection des communautés vis à vis de l’Eucharistie. Alors, il leur rappelle avec force ce que Jésus avait dit aux juifs d’autrefois : « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel. »

Que cette bonne nouvelle nous mette dans la joie, l’action de grâce, et donne un élan nouveau à toute notre vie.



HOMÉLIE DOMINICALE

Solennité de la Sainte Trinité

Dimanche 11/06/2017

(Homélie du père Jean Compazieu, prêtre de l’Aveyron)

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Nous célébrons aujourd’hui la fête de la Sainte Trinité. Avant le Concile Vatican II, le catéchisme en donnait des explications plutôt abstraites. C’est vrai que ce dogme de la Sainte Trinité reste un mystère qui dépasse notre intelligence et nos raisonnements humains. La liturgie de ce dimanche nous invite à y entrer en nous mettant à l’écoute de la Parole de Dieu.

La 1ère lecture est tirée du livre de l’Exode. Pendant que Moïse était sur la montagne, le peuple Hébreu a péché contre son Dieu. Il s’est fabriqué un veau d’or et s’est prosterné devant lui. Dans le texte qui nous est proposé aujourd’hui, nous trouvons Moïse qui gravit la montagne une seconde fois. Il implore le pardon du Seigneur et sa demande finit par être entendue. Bien avant Jésus Christ, nous découvrons que le Seigneur « grand et redoutable » est en même temps « tendre et miséricordieux, plein d’amour et de fidélité. C’est un Dieu qui aime et son amour va jusqu’au pardon. Il se définit avant tout par sa patience, sa miséricorde et son amour infini.

Dans la seconde lecture, l’apôtre Paul nous invite à faire un pas de plus. Comme tous les premiers chrétiens, il partage la foi au Dieu unique. Mais la salutation qu’il adresse aux corinthiens introduit une grande nouveauté : « Que la grâce de Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion de l’Esprit Saint soient avec vous tous… » Il nous faut recevoir ces paroles comme une invitation à accueillir l’amour de Dieu et à en vivre. C’est la fête de Dieu qui est Père, Fils et Saint Esprit, Dieu qui est Amour. Au jour de notre baptême, nous avons été plongés dans cet océan d’amour qui est en lui. Et bien sûr, ça change tout dans notre vie.

Dans l’Évangile de saint Jean, nous retrouvons cette révélation de l’amour infini de Dieu. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. Ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas mais il obtiendra le Vie Éternelle. » Ces paroles font partie de la rencontre de Jésus avec Nicodème. Ce monde dont parle Jésus, c’est celui qui est mauvais, c’est celui des hommes qui vivent dans le péché. Jésus aurait pu venir pour juger ce monde et détruire le mal.

Mais le vrai Dieu n’est pas celui que nous imaginons. Il ne veut pas la mort du pécheur ; il vient pour le sauver. C’est pour cela qu’il nous a envoyé son Fils unique. En Jésus, c’est Dieu qui vient à notre rencontre. Par toute sa manière de vivre, par ses paroles et ses actes, Jésus nous montre ce qu’est l’amour de Dieu. Cet amour apparaît quand il guérit les malades, quand il pardonne aux pécheurs, quand il accueille tous ceux qui viennent à lui.

Cet amour est allé jusqu’au don de sa vie sur la croix. Lui-même avait dit qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Et aujourd’hui, il nous invite à en tirer les conséquences : « Aimez-vous les uns les autres COMME je vous ai aimés » (autant que je vous ai aimés). C’est un appel à éliminer de notre vie le poison de la violence et celui des accusations méchantes qui ne font qu’enfoncer les autres. Ces comportement indignes sont une offense grave à celui qui a livré son corps et versé son sang pour nous et pour le monde entier.

Aujourd’hui, nous sommes tous envoyés pour témoigner de cet amour qui est en Dieu. Nous vivons dans un monde qui en a bien besoin. Notre mission aux uns et aux autres, c’est de continuer ce que Jésus a fait. Et c’est pour cela qu’il nous envoie son Esprit Saint, pour qu’il nous guide vers la Vérité toute entière. À travers notre manière de vivre, nos paroles et nos actes, nous avons à dire quelque chose de l’amour qui est en Dieu. Rappelons-nous : C’est à l’amour que nous aurons les uns pour les autres que vous serez reconnus comme disciples du Christ.

Nos pauvres mots sont bien limités pour parler de ce dogme de la Sainte Trinité. Mais le plus important c’est la révélation d’un Dieu passionné d’amour pour l’humanité. Jésus nous parle du Père ; il nous apprend à le prier et à nous jeter dans ses bras comme le fils prodigue. Puis il nous envoie son Esprit Saint pour faire de nous des messagers de la bonne nouvelle.

En célébrant cette Eucharistie, nous nous tournons ensemble vers ce Dieu Père, Fils et Saint Esprit. Ce Dieu qui est amour veut nous unir à lui et nous unir les uns aux autres. Heureux sommes-nous d’entrer dans cette communion d’amour.

Prions ensemble pour que cette communion s’étende au monde entier, qu’elle dépasse les limites de l’Église pour faire de nous un peuple fraternel, heureux de rendre grâce.

Amen



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 4 juin 2017

Solennité de Pentecôte 

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

(http://kerit.be/homelie.php)

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Aujourd’hui, nous recevons deux récits pour nous introduire à l’effusion de l’Esprit dans notre monde. Le récit des Actes des Apôtres est tout en couleurs de feu, de tempête, d’enthousiasme communicatif. Celui de saint Jean, lui, est tout en discrétions, portes closes, murmure d’un souffle léger et paix. A l’évidence, ce qui compte, ce ne sont pas les signes extérieurs, c’est la « Pentecôte intérieure », la douce effusion de l’Esprit qui refait l’unité dans la diversité, qui suscite la communion dans la divergence.

Dans saint Jean, c’est le soir même de Pâques qu’a lieu le premier don de l’Esprit. Jésus, discrètement, « répand son souffle » sur ses amis et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. » Décidément, la publicité tapageuse n’est pas son genre. Il semble ignorer les ficelles du comédien sur l’estrade ou de l’homme politique sur le petit écran. Dieu est discret. Il n’aime pas le spectacle. Il ne descend pas de sa croix pour confondre ses adversaires.

Saint Jean nous montre Jésus ressuscité, présent alors que les portes sont closes et répandant sur ses disciples le souffle léger de son Esprit Cela renvoie à deux textes majeurs du Premier Testament :

  1. La première création : « Dieu souffla dans ses narines un souffle de vie » (Genèse 2/7). Il y avait eu la première création du passé, la première naissance de la vie au début des temps.
  1. La dernière création : « Souffle sur ces ossements desséchés, et ils revivront » (Ezéchiel 27/9). Il y aura la création de l’avenir, la résurrection finale, au dernier jour.
  1. Mais il y a la création toujours actuelle, celle qui est en train de se faire : le « Souffle » de Dieu est aujourd’hui à l’œuvre. Saint Jean décrit la présence de Dieu et son action dans le monde par ce qui est le plus commun et le plus fondamental : respirer !

Tous les vivants, du microbe aux grands fauves, de l’amibe à l’homme, tous respirent le même oxygène, offert à tous autour de notre planète…N’est-ce pas une image saisissante du Dieu unique qui nous fait tous vivre ? Le « vent » qui « souffle  où il veut », et qui fait vivre, est déjà la comparaison qu’utilisait Jésus pour parler de l’Esprit à Nicodème (Jean 3/6.8).

« Recevez l’Esprit Saint »… L’humanité doit accueillir la communauté d’Esprit qui existe entre le Père et le Fils. A plusieurs ne faire qu’un. « Tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps », dit saint Paul (deuxième lecture). En brûlant au feu de l’Esprit nos préjugés, nos peurs, nos certitudes trop facilement établies, nous laissons la communauté d’amour qui unit les personnes divines s’étendre aux personnes humaines. Oh oui, que vienne ce souffle nouveau sur notre monde déchiré !



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 28 mai 2017

Septième dimanche de Pâques

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

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Dans l’espace ouvert par le départ de Jésus lors de l’Ascension, s’ouvre le temps d’une attente priante. La mère du Seigneur était là, au milieu des onze et quelques femmes. C’était elle qui veillait par sa présence au berceau de l’Eglise comme elle le fut sur celui de Jésus son Fils. Avec elle, la continuité entre le temps de Jésus et le temps de l’Esprit est fidèlement assurée, comme cela a été en elle depuis toujours: » Elle gardait tous ces événements dans son cœur. « Tous, unanimes, assidus à la prière… » c’est la réalisation du vœu que le Seigneur a formulé dans sa dernière et longue prière avant la Pâques. « Qu’ils soient un, Père, comme Toi en moi et moi en Toi. »

Il est bon, le rappel de ces longues heures de prières et de contemplation que revient et revit dans leur cœur et leur esprit, la mémoire de la vie du Seigneur, de tout ce qu’il a dit et enseigné, de son comportement vis à vis de son Père, de sa présence au milieu des hommes. La mémoire est en train de se former, à leur intérieur, en un témoignage que nous appelons maintenant l’Évangile. St Jean a placé cette prière à un moment précis, à la fin du repas de Jeudi Saint. En réalité‚, Elle est prononcée, vécue, entre ciel et terre, entre le temps et l’éternité : Jésus parle alors qu’il est encore de ce monde et en même temps comme s’il a été déjà dans le Père. Il nous fait participer à l’infini de sa tendresse d’enfant à ce lien unique, profond qui l’unit à son Père. Le nom de « Père » monte continuellement de son cœur au rythme de sa respiration. C’est maintenant l’Heure fixée par le Père à son Fils pour revenir vers lui, pour recommencer de vivre ensemble mais avec tous les nouveaux « enfants de Dieu » que le Christ ramène dans son sillage pour participer à la vie même de Dieu.

 Dans un poème très fort, le Chant de la divine merci, Marie Noël exprime splendidement ce retour du Fils au Père, entraînant à sa suite tous les hommes qui osent lui faire confiance.

« (…) Tenez vos portes ouvertes,

Pour que je ramène ici

Ces pauvres âmes désertes

Et ces pauvres corps transis,

 Préparez la grand-lumière,

Préparez le feu, la paix,

Pour que sitôt la dernière

Sueur versée, à jamais,

Tous ensemble, eux, moi, Vous, comme

Des frères au même lieu,

Ils se reposent d’être homme,

Et nous, Père, d’être Dieu ».

Tous ceux qui lui sont donnés par le Père,- cette fraction de l’humanité qui croit et fait confiance -, ont gardé sa Parole en croyant que c’est Dieu qui a envoyé Jésus. Mais Jésus semble ressentir leur fragilité, notre fragilité. Comme ils ont besoin de sa prière ! « Moi, je prie pour eux. Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont tiens ». Il prie avec insistance pour ses disciples qui appartiennent tant au Père qu’au Fils, qui sont leur bien commun. Tout fragiles qu’ils soient, ils sont la gloire du Père et du Fils. « Et moi, je viens vers toi », conclut-il. Jésus parle comme si, sa Passion accomplie, il avait quitté le monde et rejoint son Père dans la gloire. Son « je viens vers toi » est déjà le cri du Ressuscité, le cri de bonheur du Fils rentrant à la maison après avoir si bien travaillé dans les champs du monde. Oui, laissons-nous introduire par Jésus, dans l’Esprit, en la vie trinitaire !



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche  21 mai 2017

Sixième dimanche de Pâques 

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

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Une nouvelle fois, Jésus nous parle de son Père… « Je prierai le Père... » « je suis en mon Père » « celui qui m’aime sera aimé de mon Père ». Il n’est venu que pour cela  nous révéler, par ses paroles et ses gestes, la véritable identité de Celui que personne n’a jamais vu, ce Dieu que les hommes, depuis la nuit des temps et sous toutes les latitudes, ont recherché comme à tâtons en lui donnant les noms les plus divers, Celui-là même dont les prophètes d’Israël ont témoigné, et que Jésus a l’audace d’appeler familièrement « Papa »

Oui, Jésus prête sa voix et ses mains à Dieu son Père pour que la Parole de Dieu puisse retentir à nos oreilles d’hommes, pour que la tendresse de Dieu puisse nous être signifiée. Quand Jésus parle, c’est Dieu qui parle. Quand Jésus guérit et pardonne, c’est Dieu qui guérit et pardonne.

Mais quand Jésus nous parle de son Père, il ne peut pas ne pas nous parler aussi de l’Esprit, puisque cet Esprit-Saint, c’est précisément l’Amour qui les unit l’un à l’autre, le Père au Fils et le Fils au Père : « moi je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. C’est l’Esprit de vérité. » Cet Esprit, l’Église le fête tout spécialement le jour de la Pentecôte, et chacun de nous l’accueille avec joie dans le sacrement de la Confirmation. C’est à une méditation trinitaire que l’évangéliste nous conduit, en nous invitant peut-être à faire le point sur notre vie de baptisés.

« J’ai été baptisé au nom du Père. ».. Est-ce que vraiment Dieu est un Père pour moi? Est-ce que je Le reconnais comme l’origine et le terme de ma vie, Celui dont l’amour me façonne jour après jour? Est-ce que je sais encore m’émerveiller de sa création, et participer, à ma petite mesure, à son œuvre de création en contribuant, là où je travaille, là où je vis, à ce que la terre soit plus habitable, à ce que le monde soit plus juste? Est-ce que, pour moi qui prie Dieu en lui disant « notre Père », tout homme est bien un frère créé lui aussi à l’image de Dieu ?

« J’ai été baptisé au nom du Père et du Fils« … Est-ce que je suis le familier du Fils… non pas esclave ou serviteur, mais confident et ami?… Est-ce que je lis avec assez d’attention l’Évangile pour corriger les caricatures de Dieu que j’ai tendance à me fabriquer par paresse ou commodité?… Jésus est-il vraiment le Seigneur de ma vie, Lui qui s’offre à moi dans les sacrements de son Église ?

« J’ai été baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.. ».Cet Esprit-Saint de ma Confirmation, est-ce que je le laisse agir en moi? Si c’est l’Esprit de vérité, il a forcément quelque chose à voir avec la vérité d’où qu’elle vienne. Est-ce que je sais l’entendre?… Est-ce que je prends du temps chaque jour dans la prière pour relire ma journée, mes rencontres… en disant à Dieu, comme autrefois le jeune Samuel : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute! » Défenseur et Consolateur, l’Esprit nous est donné pour nous encourager à ne pas faiblir dans notre combat contre le péché. L’Esprit m’invite à ne jamais désespérer, ni des autres, ni surtout de Dieu, ni même de moi-même. L’Esprit est assez puissant en moi pour vaincre toutes mes résistances. L’Esprit est assez patient pour me mener là où Dieu veut, si toutefois je lui confie ma vie.

Frères chrétiens, rappelons-nous : nous avons été baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit!

 

 



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 14 mai 2017

Cinquième dimanche de Pâques 

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

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Ce soir là, Thomas a posé à Jésus la grande question, l’unique interrogation qui travaille toute l’humanité : « Nous ne savons pas où tu vasQuel est le but de la vie ? Le bonheur a-t-il un avenir ?

Aucun homme ne peut vivre sans se donner des projets. Mais beaucoup se contentent d’objectifs à court terme : gagner de l’argent, élever une famille, progresser dans une profession ou une carrière… Mais un jour ou l’autre, l’homme est acculé à se poser la question plus radicale, à long terme : « Où allons-nous ? Vers quelle fin ultime nous dirigeons-nous ? » Gagner de l’argent, mettre au monde des enfants, améliorer la société et même aimer, que signifient tout cela, si c’est pour finir dans la déchéance de la tombe ou le feu d’un crématoire ? Les entreprises limitées peuvent donner à nos journées un premier sens immédiat. Mais à tout homme qui réfléchit, elles laissent un arrière-goût d’éphémère. Elles sont incapables de combler totalement notre soif de bonheur infini.

Jésus, lui, sait vraiment où il va. Si vous preniez le temps de colorier légèrement le mot Père sur cette page d’évangile, vous verriez apparaître, dans ces quelques versets, dix flammes d’amour. Jésus ne cesse de parler du Père. Oui, nous aussi, par Jésus, dans le baptême, nous sommes nés dans le cœur de ce Dieu-Père. Et à sa suite, nous retournons, nous aussi, vers le Père. C’est Lui le terme du voyage, c’est Lui le but final de notre vie. Il nous a préparé une place d’éternité dans son cœur. Au terme de notre route humaine, ce n’est pas le néant absurde, comme le pensent les athées, c’est Quelqu’un qui m’attend, qui me désire d’amour et qui m’ouvre les bras pour m’introduire dans sa maison paternelle. Notre vie a un sens. « Ne soyez pas bouleversés. Je pars vous préparer une place. Je reviendrai vous prendre avec moi. Et là où je suis vous y serez vous aussi. » Jésus n’est pas la petite sente qui finit par se perdre dans la forêt, mais une route sûre, la voie royale, qui mène à la maison aux multiples demeures de son Père et de notre Père.

Et c’est pas seulement pour demain. « Le Père, vous le connaissez dès maintenant », dit Jésus à Philippe. Qui m’a vu a vu le Père. La foi est l’anticipation du futur. Tous les hommes rencontreront un jour ce Dieu Père qu’ils ignorent si souvent ici-bas. Et ce sera l’immense regret de ne pas l’avoir connu plus tôt.

Mais toi, si tu crois, si tu le veux, tu connais déjà cet amour fantastique qui peut totalement combler un cœur, dès maintenant. Et alors, dans la mesure de cette communion d’amour avec le Père par Jésus, il nous sera donné d’être nous aussi l’épiphanie du Père, en révélant sa tendresse.



HOMÉLIE DOMINICALE

Le dimanche 7 mai 2017

 4e Dimanche de Pâques

(Homélie du Père Gilbert Adam)

http://www.pere-gilbert-adam.org/

« « Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans l’enclos des brebis sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit. Celui qui entre par la porte, c’est le pasteur, le berger des brebis ».

Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir. Jésus nous dit comment nous disposer à la nouveauté qu’il vient nous apporter. La parole qu’il nous adresse nous donne d’aller et de venir à notre gré, elle permet à la vie de bouillonner en nous. Il nous suffit de la recevoir et de la laisser rejoindre notre cœur pour qu’elle nous épouse intimement. Les images du pasteur et de la porte nous permettent un discernement pour suivre le bon pasteur et rejeter ce qui n’est pas de Lui. Jésus nous parle simplement avec douceur nous respectant et nous sortant de nous-mêmes. Ce qui nous permait d’avancer, c’est sa voix, la parole incarnée, qui nous appelle par notre nom. Il y a une connivence entre la voix de Dieu et notre cœur dans ses profondeurs, uni à lui. Cette voix, c’est le mystère de l’Esprit Saint qui nous est donné. Nous avons été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, mais nous avons été meurtris par le péché de l’origine, alors nous sommes devenus des errants. Malgré cela, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, nous entendons la voix de notre Père.

« Quand il a poussé dehors toutes les siennes, il marche à leur tête, et les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix. Jamais elles ne suivront un étranger, mais elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers» Jésus parle des bons bergers aimés des brebis, et des mauvais bergers qui se servent eux-mêmes. Jésus livre sa vie pour ses brebis. Les voleurs escaladent les palissades de nuit pour forcer l’enclos. Chaque matin, le berger vient chercher son troupeau, il se place devant lui, il donne à chacune de ses brebis un nom. Le berger conduit son troupeau dans de bons pâturages, à la nuit tombante il le remet à l’abri. Sortir et rentrer est habituel pour le bon pasteur, il donne la pâture aux brebis, il ne laisse pas le peuple affamé et sans espérance. Il nous faut élargir la tente de notre cœur pour que la voix de Dieu retentisse en nous, en ce lieu où Dieu demeure. A l’écoute de cette voix, nous nous découvrons l’enfant bien-aimé de notre Père. La source de son Amour infini jaillit au profond de notre vie. Nous pouvons annoncer cette Bonne Nouvelle à nos frères : Tout ce que Jésus est venu accomplir dans le monde. Nous faisons mémoire de tout ce que Christ a souffert pour nous racheter. Jésus a offert toutes ses souffrances pour ceux qui l’entouraient.

« Jésus employa cette image pour s’adresser à eux, mais eux ne comprirent pas de quoi il leur parlait. C’est pourquoi Jésus reprit la parole : « Amen, amen, je vous le dis : Moi, je suis la porte des brebis. Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage. Le voleur ne vient que pour voler, égorger, faire périr. Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance ». Jésus Ressuscité étend son règne dans le cœur de ceux qui deviennent croyants. Les temps que nous vivons nous conduisent à entrer plus profondément dans la compréhension du projet de Dieu pour l’humanité. L’amour du cœur de Jésus, uni au cœur du Père, transforme la coupe de violence du monde en coupe de bénédiction. Le sablier de la violence, de la haine et de l’injustice se retourne en vie d’Amour qui descend sur l’humanité. L’humanité peut reprendre une orientation vers Dieu, l’orientation de l’amour, de la miséricorde et de la tendresse. Dieu devient le bien-aimé pour lequel nous sommes faits. Si nous entrons par la porte de son amour, nous annonçons cet amour, c’est la mission de l’Église. L’amour de Dieu répandu dans nos cœurs par le baptême se déverse dans le monde. C’est le don de l’Esprit Saint qui réalise au sein de ce monde des communautés qui témoignent de la tendresse et de l’amour de Dieu.

Nous demandons la grâce d’entendre la voix de Dieu dans notre cœur, qu’elle nous transforme en enfants bien-aimés du Père.

 

 



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 30 avril 2017

Troisième dimanche du temps de Pâques

« L’Amour ouvre les yeux »

Mis en ligne par Serge Lefebvre sur http://francoisassise.homestead.com

 Luc décrit la vie de la première communauté chrétienne qui poursuit ses occupations ordinaires après la mort et la résurrection de Jésus.  Le récit de Luc met en scène deux disciples : Cléophas et un autre qui est anonyme. Ce dernier nous représente toutes et tous, nous les chrétiens de tous les temps. Les disciples d’Emmaüs sont écrasés par la tristesse. Celui en qui ils avaient placé leur espérance a été mis à mort. Aux moments de découragement, souvent nos yeux se ferment et au lieu de laisser entrer la lumière, ils la coupent. Ainsi le cœur de ces disciples est tellement lourd que même la nouvelle de la résurrection de Jésus, apportée par quelques femmes du groupe, n’a pas suffi pour les relever. Il a fallu du temps aux premiers chrétiens pour réaliser que Jésus ressuscité n’est un homme réanimé. Il vit selon l’Esprit. Les disciples d’Emmaüs n’ont pas reconnu leur maître Jésus, trop occupés à vivre et à être dans le deuil. Ils ont pris du temps à comprendre que Jésus qui risquait sa vie et sa foi, que celui qui s’engageait quoi qu’il en coûte pour révéler le vrai visage de Dieu et de l’humain, ce Jésus crucifié était ressuscité. Son chemin qui semblait déboucher sur la mort était en réalité le chemin de la vie.  Luc ne raconte donc pas un miracle, mais plutôt un événement qui réjouit l’esprit et réchauffe le cœur.

Les disciples d’Emmaüs accueillent l’étranger à leur table. C’est le partage du pain qui leur permet de reconnaître vraiment Jésus. Leurs yeux s’ouvrirent, ils le reconnurent, et il disparut à leurs regards.  L’étranger reprend son visage d’étranger. C’est une expérience de foi qu’il faut refaire sans cesse. Jésus se révèle à celles et ceux qui, comme les disciples d’Emmaüs, acceptent de se mettre en route et se laissent brûler le cœur au feu de la Parole. Luc nous dit qu’à l’instant même, ils se levèrent. Autrement dit, ils ressuscitèrent. Alors qu’ils étaient partis de Jérusalem tout tristes le matin même,  ils y reviennent en toute hâte. Les deux heures de marche ne leur font pas peur, ils ont remplacé leurs semelles de plomb par des ailes de l’espérance retrouvée. Ils veulent témoigner auprès des apôtres et de leurs compagnons ce qu’ils ont vécu.  C’est une invitation à nous lever nous aussi, à ressusciter, à suivre le chemin de Jésus et de ses disciples. Nous devons nous lever et marcher dans la confiance que Jésus ressuscité marche à nos côtés. Sur nos chemins de déception, de tristesse et d’angoisse, nous avons toutes et tous besoin d’espérance. Jésus ressuscité vient nous rejoindre à travers ces femmes et ces hommes qui se sont laissés brûler le cœur au feu de sa Parole et qui l’ont reconnu à la fraction et au partage du pain.

Emmaüs se situe partout là où nous vivons.  Prenons exemple sur Pierre, dont nous avons entendu le discours de Pentecôte dans la première lecture. Alors qu’il avait d’abord renié Jésus au moment de sa passion,  il a ensuite eu le courage de témoigner de lui jusqu’à lui donner sa vie. Dans sa lettre, Pierre s’adresse à des païens convertis dans l’actuelle Turquie. Pendant des siècles, les prophètes avaient annoncé la venue du messie. Au fil du temps, ils ont précisé son portrait. Le messie ne sera pas un monarque puissant, mais un serviteur.  Ainsi, vivre dans la crainte de Dieu comme dit Pierre, ce n’est pas vivre dans la peur. Il s’agit du souci de ne pas déplaire à Dieu. Dieu nous traite en fils et filles responsables qui agissent par amour et non par contrainte.  La crainte de Dieu dans laquelle Pierre nous invite à vivre est donc bien autre chose que de la terreur, c’est une relation d’amour. Regardons les autres comme Dieu les regarde. Acceptons d’écouter Jésus, de risquer sa vie pour devenir comme lui libre devant tous les pouvoirs. Ne laissons surgir dans nos cœurs aucune trace d’aigreur envers quiconque.

Jésus déjà avait fait passer Marthe de la foi à la résurrection des morts à la fin des temps, à la foi dans celui qui est la Résurrection et la Vie. Voilà qui change totalement le contenu de notre foi en Dieu qui a ressuscité Jésus et l’a associé dans sa gloire. Ce qu’il a fait pour Jésus, il le fera pour chacun de nous. Nous sommes loin d’une vie sans aucun but si nous savons pardonner, dialoguer et construire.  C’est cela créer des liens, prendre le temps d’écouter, de dialoguer et de marcher avec l’autre, organiser des espaces de convivialité et de fraternité. C’est ainsi que la Parole de Dieu peut toucher les cœurs et faire des miracles dans la vie de chacun. Paradoxalement, dans les moments de nuits et de ténèbres, il semble que quelqu’un quelque part s’occupe de nous.

L’Évangile d’aujourd’hui nous rappelle que chaque fois que, dans un moment de doute et d’épreuve, nous avons le courage de dire : je pensais que c’était lui, chaque fois, Jésus est là. Il marche à nos côtés sur notre chemin et il réchauffe nos cœurs. Il est l’un d’entre nous. Il est ce que chacun de nous doit être pour l’autre.

Il faut garder les yeux ouverts. Jésus ressuscité ne peut se voir qu’avec le cœur.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 23 Avril 2017

DEUXIÈME DIMANCHE DE PÂQUES

« Voir et Croire »

Par le père Charles-André Sohier, Prêtre ermite et Webmaster de http://kerit.be/

Ces deux mots sont souvent associés dans l’évangile de Jean. Et c’est vrai pour le passage d’évangile que nous venons de lire. « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu », dit Jésus ressuscité à Thomas. Certes les apôtres, puis thomas, huit jours plus tard, ont vu Jésus dans son corps marqué par la passion. Ils ont cru, assurément, ensuite; ils « furent remplis de joie», nous dit l’évangile.

Ce qui semble donc caractériser tous les récits d’apparition : c’est qu’on voit mais qu’il faut croire aussi, deuxième étape en somme – croire est plus que voir. Jean arrive au tombeau, le matin : « il vit et il crut », dit l’Evangile ; non pas : il vit, il constata, d’une évidence scientifique en somme, après laquelle il n’y aurait pas à faire ce saut en avant qu’est croire. Marie Madeleine, elle, « reconnaît » Jésus, après avoir vu quelqu’un mais confusément d’abord, pas encore reconnu donc, parce… qu’un mort ne peut être vivant bien sûr. Et c’est la même chose pour les disciples au soir de Pâques : ils « voient ses mains, son côté », après seulement vient l’envahissement de leur cœur : « ils sont remplis de joie » ; ils croient. Thomas enfin : il voit, il touche, et que lui dit Jésus ? Non pas : tu vois maintenant. Mais : « crois », « ne sois plus incrédule mais croyant ». Et le voici croyant quand il tombe aux pieds de Jésus clamant « Mon Seigneur et mon Dieu ». Il y a bien toujours deux étapes : voir, recevoir un témoignage direct, et croire, qui va bien jusqu’à Dieu même, hors de notre prise humaine ordinaire en tout cas.

Mais n’est-ce pas de nous qu’il s’agit dans ce fameux : « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu » ? Sans avoir vu du tout, cette fois. Mais ce n’est pas tout à fait exact : la nouvelle de la résurrection du Christ nous est parvenu par le témoignage que nous avons lu ou entendu, par la tradition des écrits évangéliques, qui nous ont mis à l’écoute de l’enseignement des apôtres, une vie concrète dans la communion fraternelle, le repas eucharistique, la participation aux prières dont nous parlait le première lecture. Ce n’est donc pas tellement moins que ce qui a atteint les premiers disciples. Mais, comme eux, aussi, guère moins équipés qu’eux, nous sommes invités au grand dépassement, à la grande confiance, qu’est croire.

Et c’est cela que nous vivons tous les jours, en adorant, en priant, gardant en mémoire l’histoire évangélique, la passion et les semaines après la mort de Jésus, tout en restant ouverts à une rencontre dans la foi avec le Christ ressuscité. Oui, frères et sœurs, « nous tressaillons d’une Joie inexprimable qui nous transfigure » (2e lecture) parce que notre foi en Jésus, notre amour pour le Seigneur est une véritable rencontre qui nous est donnée et se laisse recevoir, une paix qui nous est communiquée et qui ne peut nous décevoir.

Et pourtant, il nous faut parfois être attristé, pour un peu de temps, par toutes sortes d’épreuves. La souffrance morale, la douleur physique ne nous sont pas épargnées et le présent peut se mêler au regret du passé et à l’angoisse pour l’avenir. Mais comme l’écrivait Olivier Clément dans un article : « l’espérance vient en nous quand notre désespoir ne se ferme pas sur lui-même mais se fait ouverture déchirante à Celui qui se crucifie avec nous pour nous ouvrir en Lui ; dans l’Esprit Saint, des voies de résurrection. » Dieu nous appelle à ce moment-là à nous dépasser et à nous décentrer totalement pour ne trouver qu’en Lui seul notre point d’appui et notre sécurité.

« La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux » (psaume 117).