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HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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« C’est bien serviteur bon et fidèle. Entre dans la joie de ton Seigneur. »

La parabole des talents est un hommage à la liberté humaine. Ces talents symbolisent les qualités personnelles que nous avons reçues et les responsabilités qui nous ont été confiées : notre famille, nos voisins, les gens avec qui nous vivons, notre monde et son environnement.

Dieu nous fait confiance et s’en remet à nous. Il nous demande d’utiliser les dons reçus pour le bien de notre petit univers. Il nous veut créatifs et nous invite à mettre de côté la paresse, l’inertie et la passivité afin de faire quelque chose de beau et de bon pour les gens autour de nous. Il nous dit ce matin : «voilà mes dons, mes talents et voilà les personnes que je vous ai confiées. Allez et portez beaucoup de fruits».

Raoul Follereau, l’apôtre des lépreux écrivait dans l’une de ses réflexions : «J’ai rêvé qu’un homme se présentait au jugement de Dieu : «Tu vois, Seigneur, j’ai obéi à ta loi, je n’ai rien fait de malhonnête, de mauvais, d’impie. Mes mains sont propres…» – «Sans doute, répondit le Seigneur, sans doute, mais tes mains, elles sont vides! En fait, tu n’as rien fait, tu n’as rien risqué, rien produit». Dans la parabole des talents, Jésus nous rappelle qu’il n’existe pas de vrai christianisme sans engagement et sans risque.

Le troisième serviteur a été incapable d’apprécier la confiance et l’estime que le maître avait à son égard. Il s’est enfermé en lui-même et il a fini par prendre peur. Il est sanctionné parce que, par crainte de faire mal, il n’a rien fait, par crainte de se tromper et de ne pas réussir, il est resté paralysé. Il a enterré son talent et raté l’examen.

Un deuxième élément important de cette parabole est la distribution des talents. Il faut résister à la tentation de nous comparer aux autres. Il ne s’agit pas des talents des autres mais des talents que Dieu m’a confiés. «Il y a diversité de dons, nous dit saint Paul : à l’un est donnée une parole de sagesse, à un autre une parole de science, à un autre la capacité de se rapprocher des personnes seules, à un autre de l’empathie pour les handicapés, etc.» … Le corps a plusieurs membres mais il forme un tout et tous les membres sont importants bien qu’ils soient différents (1 Corinthiens 12, 4-12).

Selon mes capacités, j’ai reçu un certain nombre de talents. Dans son homélie sur le texte d’aujourd’hui, un prêtre racontait l’histoire d’une mère de famille africaine, qui donnait à ses trois filles trois cruches différentes pour aller chercher de l’eau au puits du village : une cruche de cinq litres à sa fille de seize ans, une de trois litres à celle de douze ans et une d’un litre à le plus petite de sept ans. Toutes les trois participaient au bien-être de la maisonnée.

La parabole nous invite à utiliser le mieux possible, au bénéfice des gens autour de nous, les talents que nous avons reçus, Il ne faudrait pas arriver à la fin de notre vie et dire au Seigneur : Voilà je te remets le cœur que tu m’as donné, je l’ai très peu utilisé afin de ne pas faire d’erreur. La fantaisie que tu m’as confiée, je te la rends comme tu me l’as donnée. Elle  est presque neuve, elle n’a jamais servi. Le jugement portera sur les fruits que nous aurons produits : «Je vous ai choisis pour que vous produisiez du fruit et que votre fruit demeure».

Dans la vie, il nous faut avoir le courage de prendre des risques. Jésus a été très dur pour les pharisiens qui empêchaient tout changement et qui voulaient «ériger une clôture autour de la Loi et des traditions d’Israël» afin de les protéger. Le christianisme n’est pas une religion de musée. Le Seigneur critique les traditions religieuses conservatrices qui refusent d’évoluer, de se développer, de changer selon les besoins du temps. Il nous faut éviter d’éteindre l’Esprit «qui souffle là où il veut et renouvelle continuellement la face de la terre».

À la fin de notre vie, une simple question nous sera posée :

«Est-ce que le petit monde qui nous a été confié par Dieu est plus beau, plus chaleureux, plus juste et plus humain parce que nous avons été là?» Le Christ dira alors : «C’est bien serviteur bon et fidèle. Entre dans la joie de ton Seigneur».



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 5 novembre 2017

31ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

(Homélie du père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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 Ils agissent toujours pour être remarqués

Les textes du 31e dimanche nous parlent de mauvais exemples, de fausses images, de recherche de promotion, de corruption, d’abus de pouvoir : des thèmes que nous connaissons bien. Nous n’avons qu’à lire les journaux et regarder la télévision pour nous rendre compte que la Parole de Dieu s’applique aussi à notre monde d’aujourd’hui.

La corruption des dirigeants à tous les niveaux de gouvernement, l’abus de pouvoir des riches et des puissants qui imposent leur loi et ne recherche que leur intérêt, l’irresponsabilité de certains groupes religieux vis-à-vis les victimes de pédophilie, la cupidité et l’avidité des banques et des systèmes financiers qui provoquent des crises économiques à répétition, les nombreux scandales de certains représentants politiques… tout cela a créé une crise de confiance sans précédent dans l’histoire de nos institutions.

L’autorité de Jésus est exclusivement une autorité de service et de la libération

  • Comment pouvons-nous amener les jeunes à résoudre leurs différends de façon pacifique lorsqu’ils voient chez les adultes les tactiques violentes utilisées pour régler les problèmes, lorsqu’ils constatent le dénigrement systématique et les campagnes de salissage lors des élections aux postes publiques, lorsqu’ils se rendent compte de la cupidité et de l’avidité sans limite qui règnent dans les gouvernements et dans les entreprises.
  • Comment pouvons-nous convaincre les jeunes d’exercer leur responsabilité sociale et d’avoir de la compassion envers les autres lorsqu’un grand nombre d’adultes abusent régulièrement de leur pouvoir pour s’en mettre  plein les poches et que la corruption semble la seule façon d’atteindre le premier rang dans les sports, en politique ou dans les affaires.

La recherche du pouvoir et de la richesse, la course aux honneurs et aux privilèges, ne sont pas seulement des abus du temps de Jésus. Aujourd’hui, il n’est plus question «de phylactères, et de franges très longues», mais de marque de voiture, de style de vie extravagant, d’avions privés, de bateau de plaisance, de résidences d’un luxe fantaisiste. Cette richesse excessive, étalée au grand jour, devient une insulte pour les milliards de pauvres de la planète. Le désir de paraître devient alors le but de la vie. Suite à ces abus, on comprend un peu la révolte des «indignés» contre Wall Street  et contre le système financier actuel.

Jésus appelle les gens qui agissent pour être remarqués : «des hypocrites», «des acteurs». Il invite à enlever les masques et à cesser de jouer la comédie. La vie n’est pas une halloween permanente!

Un évêque italien, Mgr. Tonfino Bello disait aux prêtres de son diocèse : «Dans chaque paroisse, il devrait y avoir bien en vue un grand tablier comme symbole du service que les chrétiens doivent rendre aux autres. Le tablier est le seul vêtement liturgique mentionné par Jésus. S. Jean nous dit que le soir du Jeudi Saint, pendant la première eucharistie, le Seigneur se mit un tablier et il commença à laver les pieds de ses apôtres

Dans la seconde lecture d’aujourd’hui, on nous donne l’exemple de S. Paul qui aime et sert sa communauté de Thessalonique. Ce très beau texte nous fournit un remarquable portrait du vrai pasteur : Il est «plein de douceur, comme une mère avec ses nourrissons». Il est rempli d’«affection» pour eux, voulant leur donner «non seulement l’Évangile» mais tout ce qu’il est lui-même. Il peine et se fatigue nuit et jour pour ne pas être à charge des autres.

Jésus nous dit aussi dans l’évangile de ce dimanche : Arrêtez de vous donner des titres ronflants : «Pour vous ne vous faites pas donner de titres, ne cherchez pas de passe-droit, d’avantages personnels». Ces titres risquent de créer une apparence trompeuse, derrière laquelle se cache souvent un vide abyssal

L’autorité de Jésus est exclusivement une autorité de service et de la libération : il pardonne, il guérit, il remet debout, il donne une deuxième chance, il ouvre un avenir. Cela permet d’avancer dans la joie. «Je vous dis cela pour que votre joie soit complète». (Jean 15, 11) Il suffit de regarder s’épanouir ceux et celles qui rencontrent Jésus : la Samaritaine, Zachée, Marie-Madeleine, les aveugles, les lépreux…

C’est en pratiquant l’autorité de service proposée par le Christ que nous donnerons une image positive de Dieu aux gens autour de nous.

«Les scribes et les pharisiens agissent pour se faire remarquer des gens. Ils portent de larges phylactères et de longues franges. Ils aiment occuper le premier divan dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues, à recevoir les salutations sur les places publiques.» Mais pour vous, il ne doit pas en être ainsi : «Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit votre esclave. C’est ainsi que le Fils de l’Homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude» (Mt 20, 25 – 28).



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 29 octobre 2017

30ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du Père  Yvon-Michel Allard,  directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada).

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Maître, quel est le plus grand commandement?

Jésus est poursuivi inlassablement par ses adversaires. Tous l’épient pour le prendre en défaut : les partis politiques, les groupes religieux, les scribes et les pharisiens! Faut-il payer l’impôt à César ? Faut-il croire que la résurrection est possible ? Quel est le plus grand commandement ?

La question ne vient pas d’une personne sincère qui cherche la vérité, mais de quelqu’un qui veut prendre Jésus au piège. «L’un d’eux lui demanda pour le mettre à l’épreuve», dit le texte : «Maître, dans la Loi, quel est le plus grand Commandement?»

Jésus établit avec clarté la priorité absolue des deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Nous connaissons bien cet évangile, peut-être trop bien, ce qui nous porte à le mettre rapidement de côté en disant : «Oui, oui, nous l’avons souvent entendu». Il y a cependant plusieurs aspects intéressants pour notre foi chrétienne dans cette réponse de Jésus. Le Seigneur a le don de nous ramener à l’essentiel.

Premièrement, bien que la question du docteur de la loi ne porte que sur « le » plus grand commandement, Jésus en propose non pas un mais deux et il les unit l’un à l’autre.

Le premier de ces deux commandements ne surprend pas les pharisiens : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et tout ton esprit.» C’est en toute lettre dans la grande prière juive, celle que l’on récite trois fois par jour, tourné vers Jérusalem. Ensuite, Jésus ajoute un second commandement tiré du Livre de Lévitique : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même.» Ce précepte, les pharisiens le connaissent bien lui aussi.

Mais la grande nouveauté, qui a fait scandale auprès de ces hommes très religieux, c’est de mettre sur le même plan Dieu et le prochain, l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Ce sera la grande leçon de la parabole du jugement dernier, où Jésus s’identifie purement et simplement à ceux et celles qui étaient dans le besoin. Ses disciples ont agi sans savoir que c’était le Seigneur lui-même qu’ils servaient à travers ceux et celles qui avaient besoin d’aide : «Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer, étranger et de t’accueillir, nu et de te vêtir, malade ou prisonnier et de venir te voir ?En vérité je vous le dis, dans la mesure où  vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.» (Mt 25, 31-46).

Pour Jésus, il n’y a pas deux amours, il n’y en a qu’un et l’attitude envers le prochain vérifie la qualité de notre attitude envers Dieu.

Il n’est donc pas question de choisir entre Dieu et l’être humain, comme on le faisait au temps de Jésus et comme on le fait souvent encore aujourd’hui. On ne peut opposer Dieu à l’homme, ni l’homme à Dieu. Il n’y a pas de concurrence entre les deux amours : «Ce que vous refusez au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous le refusez» (Matthieu 25, 45). «Qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas », dit S. Jean. (1 Jean 4, 20)

Il est donc clair qu’on ne peut éliminer un commandement par l’autre, comme certains seraient tentés de le faire. Il serait tellement plus pratique de se dispenser de l’un des deux commandements, en disant : il suffit d’aimer Dieu ou bien, il suffit d’aimer le prochain. Pour Jésus, il n’y a pas un seul commandement, il y en a deux.

Dernièrement, je lisais le reportage d’un journaliste qui revenait d’Afrique. Dans un hôpital, il avait rencontré une jeune religieuse qui soignait les plaies d’un lépreux. Il lui dit très sincèrement: «Je ne ferais pas ce genre de travail pour un million de dollars». Et la jeune religieuse lui répondit: «Moi non plus. Mais je le fais par amour pour ce pauvre homme qui est en train de mourir.» La jeune religieuse s’efforçait d’aimer Dieu en aimant le pauvre malade qui se mourait dans cet hôpital de fortune.

Bon samaritain, Il y a un autre aspect important dans la réponse de Jésus : il nous donne une nouvelle définition du prochain. Dans le texte de S. Luc qui raconte la même histoire, le docteur de la loi pris au dépourvu par l’obligation d’aimer non seulement Dieu mais aussi le prochain, demande à Jésus : «Mais qui est mon prochain?»… et Jésus lui répond par la parabole du bon Samaritain.  Jésus renverse alors la notion de prochain : «Qui a été le prochain de l’homme blessé et laissé pour mort ?»  Le prochain n’est pas celui qui est blessé, qui est proche de nous et qui a besoin d’aide, mais celui qui se rapproche de cette personne en détresse. Qu’il s’agisse d’aider un blessé, un malade, une personne âgée, en enfant abandonné, une personne seule, le prochain, c’est vous, c’est moi lorsque nous nous rapprochons de cette personne en difficulté. Et, selon Jésus, cela n’a rien à voir avec la nationalité, la religion ou le parti politique. Dans la parabole du bon Samaritain, le Seigneur évite de mentionner la race, la nationalité ou la proximité sociale de la personne blessée. Tout ce qui compte, c’est le besoin qu’elle a d’être secourue.

En conclusion, nous pouvons dire que Jésus – et cela est l’originalité de sa réponse – établit avec clarté la priorité absolue des deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Il fait de ces deux commandements le principe unificateur de son évangile. Il nous ramène à l’essentiel de la religion.

Tout dans le christianisme doit être orienté vers cet amour de Dieu et du prochain : la prière, l’écoute de la parole de Dieu, les sacrements, l’eucharistie, tout cela a pour but de faire grandir en nous cet amour de Dieu et du prochain. On se plaint souvent aujourd’hui que tout change dans la religion et dans la civilisation autour de nous. Jésus nous redit ce matin : Ce qui ne change pas ce sont ces deux commandements de l’amour : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… et tu aimeras ton prochain comme toi-même.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 22 octobre 2017

29ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du père Michel Yvon Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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Rendez à César ce qui est à César

et à Dieu ce qui est à Dieu

Nos connaissons tous cette fameuse réponse de Jésus, mais elle n’a rien à voir avec la séparation de l’Église et de l’État. Le Seigneur nous rappelle ici qu’aucun empereur, aucun dictateur, aucun chef de gouvernement ne peut tout contrôler dans nos vies. Il n’y a pas seulement César, il y a aussi Dieu.

La pièce de monnaie présentée par les pharisiens portait l’effigie ou l’image de l’empereur. Elle lui appartenait donc. Mais l’être humain est créé à l’image de Dieu : «Homme et femme il les créa, à son image il les créa». (Genèse 1) Nous appartenons donc à Dieu et non à l’empereur.

Ce que Jésus répond à ceux qui cherchent à le prendre en défaut afin de l’accuser devant le représentant romain, c’est qu’il faut respecter l’autorité civile mais, souligne-t-il, l’empereur n’est pas tout puissant. Sur la pièce d’argent qu’on lui présentait, il y avait l’image de l’empereur Tibère, qui gouvernait l’immense empire romain à partir de son île de Capri, et sur cette monnaie, on qualifiait l’empereur de «divin». Le Christ conteste cette affirmation et dit que l’empereur n’est pas divin, il n’est pas Dieu. Saint Pierre rappellera aux chrétiens que dans plusieurs circonstances «il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes». (Actes 5, 29)

Au deuxième siècle, un auteur chrétien, Théophile, évêque d’Antioche, écrivait : «Je rendrai hommage à l’empereur, mais je ne l’adorerai pas. Je n’adorerai que Dieu seul, sachant que l’empereur est un être humain comme moi et qu’il a été créé comme moi.» Un autre écrivain des premiers siècles conseillait aux chrétiens «de ne pas se laisser subjuguer par aucun des césars de ce monde Et il ajoutait: «Ne renoncez jamais à votre liberté intérieure qui est le don le plus précieux que vous ayez reçu

Le Christ répète donc que César est César, mais il n’est pas Dieu. Le pouvoir politique, quel qu’il soit, n’a pas le droit d’envahir les consciences et de s’emparer de tout l’être humain. C’est pourquoi la phrase la plus importante du texte reste celle où Jésus dit : «Rendez à Dieu ce qui est à Dieu».

Nous ne donnerons à l’empereur et à l’empire d’aujourd’hui ni notre foi et ni notre comportement moral, ni nos espérances, ni nos rêves. Nous conserverons notre liberté intérieure et notre sens critique. Les gouvernements ne peuvent jamais nous obliger à agir contre notre conscience.

Au début de la guerre en Irak, je me souviens d’avoir lu, dans une revue américaine, les remarques d’un prêtre sur la décision de son pays de risquer la vie de ses jeunes soldats et de dépenser des milliards de dollars pour engager une guerre que les Nations Unies, les Américains eux-mêmes, les Britanniques, les Français, des millions de gens à travers le monde, et toutes les grandes religions,  déclaraient illégale et sans raisons suffisantes. Après la messe, le prêtre en question a été sévèrement réprimandé par le conseil de fabrique qui lui demanda de ne pas se mêler de politique. Pour conclure leur argument, les conseillers utilisèrent le texte d’aujourd’hui : «Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu». En fait, ces conseillers paroissiaux n’avaient rien compris à la réponse du Christ.

Jésus n’a jamais demandé aux chrétiens de ne pas critiquer les décisions de leur gouvernement. S’il l’avait fait, les chrétiens de l’Afrique du Sud n’auraient pu s’opposer aux lois injustes et inhumaines qui permettaient de maintenir le système d’apartheid ; les chrétiens américains n’auraient pu combattre les pratiques immorales sur l’esclavage et la violence faite aux Noirs longtemps après que l’esclavage fut aboli ; les chrétiens d’Europe et d’Asie n’auraient pu résister aux politiques athées de l’Union soviétique, de la Chine et d’autres pays communistes ; ils ne pourraient s’opposer aux gouvernements musulmans qui refusent tout droit de cité aux autres religions et qui traitent les femmes comme des êtres humains de classe inférieure; ils ne pourraient critiquer certains dirigeants de notre propre Église qui protègent leur pouvoir en s’associant à des gouvernements qui écrasent toute dissension, utilisent la torture et massacrent ceux et celles qui s’opposent à leur dictature, comme ce fut le cas au Chili, en Argentine et au Congo.

Plusieurs gouvernements refusent très souvent de donner à Dieu ce qui appartient à Dieu. D’autres manipulent la religion pour leurs propres intérêts et octroient à l’Église certains privilèges afin de mieux la contrôler en lui imposant sa propre idéologie.

Il est significatif que, dans le texte d’aujourd’hui, Jésus mette en valeur «nos devoirs envers Dieu», alors qu’on lui posait la question sur nos devoirs envers l’empereur. Jésus n’a jamais voulu empêcher les gens d’être des citoyens responsables, mais il nous rappelle que la politique n’est pas la seule réalité dans nos vies. César n’est pas tout puissant, et il n’est pas Dieu. L’État joue un rôle important mais il ne peut avoir le monopole de nos vies. Dans un monde pluraliste, les gouvernements sont amenés, à l’occasion, à passer des lois et des règlements qui vont à l’encontre de nos propres valeurs chrétiennes, mais cela ne doit pas nous empêcher d’exercer notre liberté chrétienne et d’agir selon notre propre conscience.

Dans un monde où toutes les opinions ont pignon sur rue, il faut beaucoup de discernement pour faire la part des choses et savoir «rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 15 octobre 2017

28ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du père Michel Yvon Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils

Dans le texte d’aujourd’hui, Matthieu nous présente deux paraboles de Jésus, l’une à la suite de l’autre : celle du banquet de noces et celle du vêtement de fête. Chacune d’elles éclaire un aspect important du Royaume de Dieu.

Pour ce qui est de la colère du roi, à la fin de la première parabole (les troupes qui font périr et brûlent la ville), il est clair que Matthieu avait en tête les événements tragiques qui s’étaient passés peu de temps avant la rédaction de son évangile : la révolte juive contre l’empire romain et la destruction du temple et de la ville de Jérusalem par les troupes de Titus en 70. Des milliers de Juifs furent massacrés et ce fut la fin de l’État d’Israël qui ne renaîtra que 19 siècles plus tard, en 1948.

Le Royaume de Dieu n’est pas une société de gens parfaits, mais de pécheurs pardonnés.

  • La première parabole nous rappelle que la rencontre avec Dieu est une grande fête. Le banquet est signe d’amitié et la porte est ouverte à tous : «ils rassembleront tous ceux qu’ils rencontreront, les mauvais et les bons». Personne ne peut dire: «Moi je ne suis pas digne, je ne suis pas invité». La séparation entre les bons et les mauvais est disparue. Toutes les barrières tombent : «Allez aux croisées des chemins et invitez tous ceux que vous rencontrerez». Comme le dit si bien S. Paul : «dans la maison du Père, il n’y a ni Grec ni de Juif, ni circoncis ni incirconcis, ni homme ni femme, ni barbare ni Scythe, ni esclave ni homme libre»… Blancs et noirs, chrétiens et musulmans, jeunes et vieux, hommes et femmes, riches et pauvres… tous sont invités. Dans l’antiquité, un repas de fête était très exclusif. Seuls les membres de la famille ou du clan étaient invités. Le fait que les premiers chrétiens accueillaient tout le monde à l’eucharistie et à l’agapè, que l’esclave était assis à la même table que le propriétaire foncier, que les pauvres et les riches, les hommes et les femmes partageaient le même repas, soulevait de sérieux problèmes que l’on retrouve dans les Actes des apôtres et dans les lettres de Saint Paul. La parabole est claire : le roi invite tout le monde. Le Royaume de Dieu n’est pas une société de gens parfaits, mais de pécheurs pardonnés. La discrimination et l’apartheid n’existent plus. Dans le rituel de l’eucharistie, il y a une très belle formule qui nous est répétée avant chaque communion : «Heureux sommes nous d’être les invités au repas du Seigneur…» Grand nombre de chrétiens ignorent cette invitation, par indifférence, ou parce qu’ils sont trop occupés. D’autres contestent l’offre avec agressivité. Ils sont contre ceux qui vont à l’église, contre le clergé, contre la religion en général. Jésus dépeint ici ces deux catégories de personnes. Aujourd’hui encore, nous retrouvons ces mêmes groupes de personnes. Il suffit de donner quelques exemples sous les mots de jadis : «comment voulez-­vous que j’aille à la messe? Je n’ai que mon dimanche pour jouer au golf ou au tennis. C’est le jour où nous partons en voyage. C’est ma journée de bricolage. Et puis, j’ai mes devoirs à faire et mes examens à préparer …» Ensuite, il y a ceux et celles qui attaquent les religions comme des «organismes de grande noirceur» et qui ne croient qu’à leur propre religion laïque.
  • La deuxième parabole, celle du vêtement de noces, est  bien différente de la première. Dieu continue à inviter mais il demande notre participation : il veut des partenaires actifs qui participent à la construction du Royaume de Dieu. Le vêtement de fête fait partie de toutes les civilisations. Partout dans la Bible nous retrouvons des traces de ce vêtement bien spécial. Dans l’histoire de l’enfant prodigue, par exemple, le père donne de nouveaux vêtements à son fils qui rentre au foyer. Dans l’Église des premiers siècles, les nouveaux baptisés revêtaient un vêtement blanc pendant une semaine entière, symbole d’une vie nouvelle. Cette longue tradition de vêtements de fête est transmise par les jeunes mariés, par l’enfant présenté aux fonts baptismaux, par les étudiants qui célèbrent l’obtention de leurs diplômes, etc. Comme vêtements de fête, saint Paul nous fait une belle suggestion : «Comme des élus de Dieu, mes bien-aimés, revêtez le vêtement d’amour et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres. Pardonnez-vous l’un à l’autre comme le Christ vous a pardonné. A votre tour, placez par-dessus tout la charité, ce lien parfait.» (Colossiens 3, 12-15) Ou encore, dans sa lettre aux Éphésiens : «Dépouillez-vous du vieil homme… et revêtez l’homme nouveau, créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité» (Éphésiens 4, 22-24). Cette deuxième parabole nous rappelle que le salut n’est jamais automatique: il faut répondre à l’invitation de Dieu en nous transformant, en nous convertissant. L’invité au banquet, qui n’avait pas de vêtement de fête, ne pouvait donc participer car il lui manquait une disposition fondamentale : l’âme festive et l’esprit de service. La parabole du retour de l’enfant prodigue nous aide à comprendre cette référence au vêtement de noces. Le fils aîné qui revient des champs et entend la musique de la fête est furieux contre son frère et contre son père. Il refuse d’entrer et le père sort pour l’inviter à la fête. Ce fils n’est pas prêt à participer à la célébration, il n’a pas encore revêtu le vêtement de fête !


HOMELIE DOMINICALE

24ème dimanche du Temps Ordinaire

17 septembre 2017

(Homélie du père Charles André Sohier, prêtre ermite )

Rancœur et colère

Nous voici en terre hélas bien familière. La rancune est une plante bien enracinée dont les fruits sont la colère et la vengeance. Griefs des gouvernants et des nations qui se traduisent en oppressions et en guerres.

Cette rage de faire payer au centuple l’offense ou le tort, parfois imaginaire d’ailleurs, habite tout autant le cœur des individus. Pour un problème de clôture, c’est la tension. Un arbre coupé suffit à ruiner des années d’amitié. Des affaires d’héritage transforment un deuil familial en affrontements destructeurs. « Il est des choses qui sont impardonnables et qu’on n’oubliera pas », disent les gens.

Deux siècles avant Jésus, le sage Ben Sirac prend le contre-pied de ces haines suicidaires. « Rancune et colère, voilà des choses abominables où le pécheur s’obstine… Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis… Pense à ta mort… ne garde pas rancune… et oublie l’erreur de ton prochain » C’est pure sagesse et c’est pure logique : si on demande à Dieu le pardon de ses péchés, il faut, en retour, agir de même à l’égard de ses frères.

C’est aussi, tout simplement une exigence de survie. Si l’humanité s’enfonce dans la spirale de la violence, des représailles et des contre-représailles, elle se retrouve très vite devant une impasse. Tant que nous subissons le mal, il n’entre pas en nous. Mais si nous le perpétrons en riposte, alors nous le laissons nous atteindre. C’est tout aussi vrai dans notre vie privée. Celui qui persiste dans le refus du pardon devient malade.

La seule manière d’arrêter le mal, c’est de désarmer, c’est de pardonner. Ceux qui pardonnent sont des êtres blessés, au plus intime d’eux-mêmes. Ce sont des victimes de coups, des conjoints bafoués dans leur amour, des parents abandonnés par leurs enfants… Longtemps, ils se sont dit qu’ils ne « pourraient jamais » pardonner. Un jour, après bien des tempêtes intérieures, ils ont pardonné. Ils ne veulent plus de mal à ceux qui leur en ont fait. Ils arrêtent à eux-mêmes la violence subie. Ils ont fait plus que donner : ils ont pardonné. Et un jour, il leur sera donné la grâce de sentir le pardon rayonner jusque dans leur sensibilité meurtrie. Ils libèrent l’avenir, alors que le passé les enfermait dans la souffrance.

« Combien de fois dois-je lui pardonner ? » Pierre croit entrer largement dans l’esprit de Jésus en proposant sept fois. Les rabbins ne proposaient-ils pas d’aller jusqu’à trois fois ? La réponse de Jésus est claire. Il n’y a pas de limites. La parabole du débiteur impitoyable nous montre combien nous sommes tous débiteurs à l’égard de Dieu. Le Père nous pardonne parce qu’il aime. De même l’homme doit pardonner à son frère sans calculer. Jésus, par là, ouvre un climat neuf dans les relations entre les personnes et les peuples : « 70 fois 7 fois » !



HOMÉLIE DOMINICALE

17e dimanche du temps Ordinaire

30 juillet 2017

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

(http://kerit.be/homelie.php)

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Jésus avait l’art des conteurs d’Orient, qui savent inventer de belles images pour captiver l’intérêt de leur auditoire. Pensons aux « Mille et une nuits »  !  Aujourd’hui nous avons entendu trois petites paraboles, ciselées comme des bijoux, et qui se fixent, à la première audition, dans l’écrin de la mémoire.

Le Royaume de Dieu est caché, dit-il, comme un trésor enfoui dans un champ ou comme une perle, petite, mais d’une valeur inestimable. Dieu n’est pas évident. Il est au contraire discret, invisible. Il existe, là tout près de nous, comme un trésor fabuleux, comme une perle de grand prix qui nous réserve très heureuse surprise de se découvrir brusquement.

Le paysan et le négociant vendent tous leurs biens pour acheter le champ au trésor ou la perle fine qui vaut bien tous les sacrifices. Liquider tout pour acquérir encore plus, renoncer pour être davantage libre, abandonner pour mieux posséder… voilà la folie de ces deux personnages. Cette attitude décidée doit aussi être celle de la vie chrétienne. Nous admirons le sportif qui se prive d’une quantité de choses pour battre un record. Eh bien ! Ce sont ces mêmes choix radicaux pour le Royaume de Dieu, que Jésus veut nous voir prendre.

Mais le prix à payer pour posséder effectivement la perle rare ou le trésor caché n’est pas trop élevé en comparaison de la joie qu’il procure. « Dans sa joie, il s’en va vendre tout ce qu’il possède ». La joie indicible éclipse les sacrifices. Comme dans tout amour vrai, le ravissement d’aimer et d’être aimé de cet homme, de cette femme, fait oublier tous les autres partis possibles. La joie est première, avant les renoncements. Ça vaut la peine de lâcher du superflu pour choisir l’impérissable, de se libérer de ce qui passe pour trouver l’essentiel. Il n’est pas de bonheur plus inouï que de tirer le gros lot de l’amour infini.

Oui, le Royaume est au fond des cœurs, comme la perle qui allume le regard, comme un trésor que dégage le désir le plus profond.

Mais la chasse au trésor, doit se faire avec la sagesse de ce roi qui abandonna les rêves de longue vie ou de richesses, pour choisir l’art de gouverner et  de discerner. (Première lecture). La vraie intelligence est de se mettre à l’écoute de Dieu et de recevoir de lui le goût des vraies valeurs.

« Mon partage, Seigneur,

c’est d’observer tes paroles,

mon bonheur c’est la loi de ta bouche,

plus qu’un monceau d’or et d’argent.

… Aussi j’aime tes volontés

plus que l’or le plus précieux »,

chantait le psaume. Oui, mettons-nous à la recherche du trésor qu’est Dieu. Laissons-le réaliser son rêve pour nous : nous compter dans la multitude des frères cadets que Jésus, le Fils aîné, entraîne dans la gloire du Père. (Deuxième lecture).



PÈRE HAMEL – UN AN APRES

Père Hamel, un an après  « Sa vie et sa mort crient »

(Extrait de l’article d’ Odile Riffaud, pour RCF)

Un an après le drame, Mgr Dominique Lebrun a prononcé l’homélie de la messe en mémoire du Père Jacques Hamel. Retrouvez ici l’intégralité de son homélie.

Un an jour pour jour, et heure pour heure, après la mort du Père Jacques Hamel, et sur le lieu même de l’assassinat, Mgr Dominique Lebrun a prononcé l’homélie de la messe en mémoire du prêtre. Des paroles fortes par lesquelles l’archevêque de Rouen rejoint la souffrance de tous ceux que la violence du drame a profondément meurtris…/…

Homélie de Mgr Dominique Lebrun

 « Celui qui a des oreilles, qu’il entende« , dit Jésus. Dans cette église, le Père Jacques Hamel parlait, parlait le langage de l’amour. Dans cette église, le Père Jacques Hamel a été réduit au silence. Il ne parle plus. Or, le Père Hamel parle encore. Sa vie, sa mort parlent bien au-delà de ce qu’il aurait pu imaginer.

Tout au long de l’année, nous avons crié car tuer au nom de Dieu est inhumain, contraire à l’humain

Lire la suite de l’homélie, l’écouter ou revoir la messe en mémoire du père Hamel en cliquant sur :

https://rcf.fr/spiritualite/vie-de-leglise/pere-hamel-un-apres-sa-vie-et-sa-mort-crient-retrouvez-lhomelie-de-mgr-l



HOMÉLIE DOMINICALE

15e dimanche A

16 juillet 2017

(père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

(http://kerit.be/homelie.php)

 

Jésus nous raconte aujourd’hui une histoire de semeur « tout terrain ». Puis, à la demande de ses disciples, il donne l’explication de l’histoire. Elle tient en quelques mots. Essentiellement : la semence, c’est la Parole de Dieu.

Donc, d’abord, Dieu nous parle. Pour beaucoup, c’est incroyable. Dieu est muet et, s’il existe, il ne se manifeste pas. Par contre, toute la Bible nous présente Dieu comme celui qui veut essentiellement communiquer avec nous. Il nous informe, il se fait connaître. Mais, bien plus, sa parole nous change, nous transforme, nous crée, nous construit.

Donc, Dieu parle. Comment ? « De multiples manières », dit l’épître aux Hébreux. Effectivement. Sa parole, c’est d’abord une parole sans mots. Au psaume 19 : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament proclame l’œuvre de ses mains…pas besoin de récit ni de parole, nulle voix ne se fait entendre. » Toute la nature est parole de Dieu.

L’épître aux Hébreux continue en disant que Dieu, après nous avoir parlé à de multiples reprises par les prophètes, nous parle, en ces temps qui sont les derniers, par son Fils. Jésus est la Parole efficace, l’ultime Parole de Dieu. Il est la Parole qui a créé le monde, la Parole qui féconde cette terre, la Parole qui crée un peuple nouveau. C’est cette Parole qui vient d’ailleurs et qui produit en moi quelque chose de neuf. En face de cette Parole, le disciple doit prendre une attitude d’accueil.

Mais pour quel résultat ? Quand Jésus racontait la parabole du semeur, au bord du lac, les foules étaient encore nombreuses, nous dit l’Évangile. Mais il y avait déjà les ennemis, les méfiants, les sceptiques, «  les sages et les savants » dont nous parlions la semaine dernière. Et les phénomènes de rejet vont aller croissants, si bien qu’à la fin, Jésus sera arrêté, condamné, mis à mort. Donc, de son temps, il y a eu ceux, de plus en plus rares, qui ont marché avec lui, et ceux, nombreux, qui l’ont refusé. Quand Matthieu écrit son Évangile, il s’adresse à des communautés judéo-chrétiennes qui sont en butte à l’hostilité de leurs compatriotes et à l’indifférence des populations païennes. Ces chrétiens, qui ont accueilli le message de l’Évangile, se demandent pourquoi cela n’avance pas plus vite, pourquoi ils restent si peu nombreux.

Nous nous posons les mêmes questions, en ce vingt-et-unième siècle. Pourquoi la « Parole du Royaume », semée à profusion, ne produit-elle pas de fruits plus abondants ? A la question des disciples – ceux du premier siècle et ceux d’aujourd’hui – Jésus répond justement, qu’il ne faut pas s’en étonner. Voilà bien un message d’espérance, pour tous les disciples de tous les temps. Au temps de Jésus, ils avaient espéré que l’avènement du royaume serait une intervention de Dieu subite, pour un jugement, c’est-à-dire pour tout remettre en ordre, pour rétablir la justice.

Et voici que Jésus nous dit : « Le Royaume est arrivé, il est là, au milieu de vous ». Vous n’y avez rien vu, mais il est commencé, inauguré avec la plus grande discrétion, et pourtant, il ne cessera jamais de croître, comme une petite graine. Message d’espérance. Les chrétiens sont là, porteurs de la Parole qui ne passera jamais. Petit peuple en regard de l’immense foule des hommes, et nous ne sommes pas toujours un terrain de très bonne qualité. Mais sans prétendre à la fertilité maximum, une seule chose compte : le désir, l’ouverture, l’accueil de cette Parole que le Christ sème en nous.

Confiance : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir fécondé la terre, de même la Parole de Dieu ne lui reviendra pas sans résultat ». Dire : « Tout va mal », ce n’est pas évangélique. Dire « tout va bien », non plus. Avant tout, il faut savoir qu’il y aura toujours des durs, des inattentifs, des inconstants, mais aussi des hommes de bonne volonté « qui accueillent la Parole de Dieu et qui la gardent. »



HOMÉLIE DOMINICALE

9 juillet 2017

14ème dimanche du temps ordinaire

(père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

(http://kerit.be/homelie.php)

L’évangile que nous venons de lire comprend quelques points de contact avec le Magnificat de la Vierge Marie, qui sont très intéressants et extrêmement révélateurs.

Tout d’abord, Jésus rend gloire à son père d’avoir révélé aux « petits » ce qu’il a caché aux savants et aux sages. Puis il invite chacun à prendre son joug sur ses épaules et à devenir son disciple car, dit-il, « Je suis doux et humble de cœur. » Les petits, les humbles, ont une place toute spéciale dans l’Évangile. Le Père a pour eux un amour préférentiel. Marie est l’une d’entre eux, et elle le proclame au début du Magnificat: « Mon âme exalte le Seigneur… car il s’est penché sur l’humilité de sa servante. » Le mot grec utilisé ici (tapeinôsin) est le même que celui que Jésus utilise dans l’Évangile d’aujourd’hui lorsqu’il dit qu’il est doux et « humble » (tapeinos) de cœur. Et c’est encore le même mot que Marie utilise plus loin dans son Magnificat, lorsqu’elle dit que le Seigneur a renversé les puissants de leurs trônes et exalté les humbles (tapeinous). Lorsque Jésus rend gloire à son Père pour avoir révélé aux petits les choses cachées aux sages, les petits dont il parle sont ses disciples. Et ils n’étaient pas de naïfs enfants. Ils étaient des adultes qui connaissaient les façons de faire du monde: Matthieu, le collecteur d’impôts, savait faire de l’argent; Jude, le Zélote, connaissait l’art de la guérilla; Pierre, Jacques et Jean étaient des pêcheurs qui savaient guider leur barque sur le lac et jeter le filet. Ils avaient tout abandonné pour devenir des disciples de Jésus. Lorsque celui-ci les invite – et nous invite – à la simplicité du cœur, il ne nous invite pas à une attitude enfantine ou à un type infantile de spiritualité. Il nous invite à une forme très exigeante de pauvreté du cœur. Il nous invite à le suivre comme disciples et donc à abandonner toutes nos sécurités, et spécialement notre soif de pouvoir, de la même façon que ses disciples avaient tout abandonné pour le suivre.

La première lecture, du livre de Zacharie, décrit le Messie venant non comme un roi puissant sur son cheval, mais comme un simple et doux sauveur assis sur un âne. Paul, le sage et puissant pharisien, qui fut renversé sur le chemin de Damas, apprit la voie de l’humilité et de la petitesse, et il la décrivit comme la vie selon l’esprit, distincte de la vie selon la chair. La grande caractéristique de l’enfant est son impuissance. L’enfant peut être, à sa façon, aussi intelligent ou aimant qu’un adulte. Mais parce qu’il n’a pas encore accumulé de connaissances, de possessions matérielles et de relations sociales, il est dépourvu de pouvoir. Dès que nous devenons adultes, nous voulons exercer pouvoir et contrôle : sur nos propres vies, sur les autres personnes, sur les choses matérielles, et parfois même sur Dieu. C’est à cela que Jésus nous demande de renoncer lorsqu’il nous demande d’être comme de petits enfants. Un exercice utile de connaissance de soi pourrait être d’examiner les diverses formes sous lesquelles s’exprime, dans les divers aspects de notre vie, notre soif de pouvoir, et comment nous défendons ce pouvoir. Contemplons alors notre Seigneur qui est venu non pas comme un roi puissant sur son trône, mais comme un prophète humble et sans pouvoir, sur un âne. Regardons aussi la petitesse de sa mère, et avec elle, chantons avec une joie et un espoir renouvelés: « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. » Et puissions-nous, un jour, chanter tous ensemble durant les siècles des siècles: « Béni soit le Dieu d’Israël, car il a regardé la petitesse de ses serviteurs. »