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HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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« Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde »

Les disciples retournent à la montagne où Jésus les réunissait pour prier et pour les instruire. Si l’on veut comprendre Dieu et saisir ce qu’il y a d’important dans la vie, il nous faut un peu de silence, de contemplation, de prière. Lorsque Moïse a rencontré Dieu dans la Montagne, il a d’abord enlevé ses sandales et il s’est prosterné le visage contre terre. Les Musulmans dans leurs mosquées, les Juifs dans leurs synagogues font encore aujourd’hui ces gestes de respect envers Dieu. Pascal disait: «Pour aimer une personne, il faut la comprendre, et pour comprendre Dieu, il faut l’aimer». Il y a des gens qui parlent de Dieu avec une grossièreté, une vulgarité, un dédain et un mépris qui donnent mal au cœur!. La fête d’aujourd’hui nous pose à nouveau la question : Qui est Dieu pour nous? Quel rôle joue-t-il dans nos vies? Cette célébration nous rappelle que Dieu est amour, qu’il est relation et communauté. C’est le sens de la Trinité. Dieu peut donc être expérimenté plus facilement en famille, en paroisse, en groupes d’amis, car il est unité dans la diversité.

Les évangiles et les lettres de Saint Paul nous rappellent que nous appartenons à la famille de Dieu. Nous ne sommes pas des esclaves qui vivons dans la crainte, mais des enfants créés à l’image de Dieu, qui nous offre de partager la sérénité, la paix et la fraternité. En cette grande fête de la Trinité, qui couronne le cycle de notre liturgie, nous sommes invités à redécouvrir notre Dieu et à nous demander quelle place il occupe dans notre vie. Un vieux moine égyptien posait la question aux chrétiens de son village : «Où est Dieu?» Ils répondirent : «Dieu est partout». Le moine répliqua : «Non, Dieu est là où on le laisse entrer». Dans l’Apocalypse, au chapitre 3, verset 20, le Seigneur frappe à notre porte, mais il n’entre que si nous lui ouvrons : «Voici, je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi.» Dieu est toujours très respectueux de notre liberté.

II y a plusieurs années, le célèbre écrivain soviétique Soljenytsine (Archipel du Goulag), obtenait la permission de sortir de Russie. Ses écrits contre le gouvernement de l’empire russe et ses cris en faveur de la liberté de pensée en avaient fait un témoin embarrassant. Soljenytsine qui avait passé de longues années en prison, condamné aux travaux forcés dans les goulags soviétiques, se retrouve alors dans notre civilisation de pleine liberté. Après quelques mois en Europe occidentale et aux États-Unis, on se serait attendu qu’il fasse l’éloge du régime capitaliste sous lequel il vivait désormais, on s’attendait à ce qu’il louange notre grande tolérance envers les idées, les mœurs et les libertés individuelles. Au contraire, Soljenytsine s’est mis à décrier avec autant de vigueur la faillite de l’Amérique et de l’Europe de l’ouest que celle du régime soviétique. Selon lui, nos sociétés capitalistes d’abondance étouffaient tout autant les valeurs spirituelles que le monde soviétique. Soljenytsine affirmait que seul un sursaut de spiritualité pouvait garantir l’avenir et l’épanouissement de l’humanité. Selon lui, Dieu seul pouvait offrir une vision de respect, de fraternité et de justice que notre monde avide de pouvoir et d’argent refusait d’accorder.

Il est bon de se demander quelle place Dieu occupe dans notre culture. Ces dernières années, l’intérêt des Québécois pour les vieux meubles, les armoires antiques, les chansons folkloriques et les coutumes du passé refait surface. Derrière cette résurrection du «monde d’antan», se glisse une certaine nostalgie des beautés de notre enfance et de nos souvenirs de jeunesse. La nostalgie n’apporte rien de très concret, mais cet exercice de mémoire peut nous permettre de découvrir les valeurs fondamentales de nos parents et de nos grands-parents. Comme le disait Moïse à son peuple: «Souvenez-vous du passé, Souvenez-vous de votre histoire, souvenez-vous de la foi de vos ancêtres.»

En tant que chrétiens, pouvons-nous reconnaître dans notre patrimoine les traces de la foi, de l’espérance et de la charité laissées par nos aïeux? Les églises de paroisse, les croix au bord des routes, le chapelet en famille, le mois de Marie, l’Angélus du midi, tout cela révélait l’attachement des gens à leur foi et à leur religion. Dieu était présent dans leur vie de tous les jours. Nos parents et grands-parents s’appuyaient sur leur sens religieux pour s’entraider et reconstruire, en corvées bénévoles, les granges et maisons dévastées par le feu ou par d’autres cataclysmes naturels. Ils vivaient au rythme de la vie liturgique. Ils ne connaissaient pas les longs week-ends, mais ils célébraient toute une série de fêtes religieuses en famille.

Il ne s’agit pas ici de revenir «au bon vieux temps», mais de nous demander si, comme nos ancêtres, nous sommes capables de faire une place à Dieu dans nos vies.

Que ce dimanche de la Trinité nous aide à redécouvrir la tendresse de Dieu qui nous accompagne tout au long de notre vie. «Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

« Vous êtes mes amis« 

La page d’évangile d’aujourd’hui est un hymne composé en l’honneur de l’amour de Dieu et de l’amour des autres. Jésus livre le cœur de son message et nous confie son testament. Le mot amour (aimer, ami) est répété onze fois dans ce court passage. Jésus se présente comme étant le modèle de l’amour, dans ses paroles et dans ses gestes les plus simples. «Vous êtes mes amis» : ceci est le cœur même de notre relation avec Dieu. Parce que nous sommes ses amis, il nous met au courant des pensées et des plans de Dieu pour notre monde. Dieu nous invite à construire un monde de paix, de compréhension, de pardon, de partage, d’amitié et d’amour. Et ceci commence au cœur de nos familles où les enfants apprennent la tendresse, l’accueil, le pardon, la tolérance, le respect des autres, l’amour de Dieu.

Notre vie chrétienne peut se développer dans la mesure où nous permettons à cette amitié avec Dieu de grandir et de s’épanouir. Nombre de chrétiens font l’erreur de ne plus avoir de temps pour Dieu dans leur vie. Ils cessent de prier, de rencontrer le Seigneur le dimanche, d’enseigner à leurs enfants les valeurs chrétiennes. Lorsque l’aspect religieux a peu d’importance dans la vie de tous les jours, petit à petit, la foi se flétri, se dessèche et meurt et immanquablement les gens deviennent «des chrétiens non-pratiquants», c’est-à-dire des chrétiens qui non seulement ne fréquentent plus la communauté chrétienne, mais qui cesse de porter les fruits de ceux et celles qui sont unis au Christ, comme les sarments à la vigne.

L’Église, selon saint Jean, est le rassemblement des amis de Dieu. Nous sommes très différents les uns des autres : nous appuyons des partis politiques divergents, appartenons à des races distinctes, avons des revenus différents, des champs d’intérêt qui ne sont pas les mêmes… Malgré ces divergences, nous formons l’Église de Dieu. Ce qui nous rassemble, c’est l’amitié que Dieu a pour nous et l’amitié que nous avons les uns envers les autres.

L’amitié s’appuie sur le respect, l’ouverture et le service. L’une des plus belles images que nous ayons de Jésus est celle du lavement des pieds. À genoux devant ses apôtres, il est à leur service. «Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien car je le suis.» Et il ajoute : «dès lors, si je vous ai lavé les pieds, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres» (Jn 13, 13).

Le Christ est venu parmi nous pour nous révéler le vrai visage de Dieu. Cette découverte change notre conception du monde. Jusque-là, on croyait que Dieu avait des comptes à régler avec l’humanité pécheresse, que le Messie venait pour punir les pécheurs que nous sommes. En Jésus-Christ, nous découvrons un Dieu qui est Amour, qui n’a pas de comptes à régler mais qui vient à notre recherche afin de nous offrir son amitié. Il nous déclare son amour et nous invite à nous aimer les uns les autres.

Notre Dieu est celui qui ouvre les bras à l’enfant prodigue, recherche la brebis perdue, accueille Marie-Madeleine, s’invite chez Zachée, protège la femme adultère, fait table commune avec les publicains et les pécheurs, guérit l’aveugle de Jéricho, promet le paradis au bon larron, entre en contact avec les lépreux, guérit la fille de la Siro-phénicienne, ressuscite le serviteur du centurion romain, ouvre le dialogue avec la Samaritaine, etc. Ceux et celles qui veulent nous faire peur avec une fausse image de Dieu n’ont pas lu les évangiles et les lettres de saint Paul !

Notre Dieu qui est bon, tendre et miséricordieux veut être notre ami. «Je vous appelle mes amis car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître».



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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Chaque année, lors du 4e dimanche de Pâques, la liturgie nous parle du bon pasteur, en utilisant chaque fois un autre texte des évangiles. Le symbole du berger qui conduit son troupeau est présent dans tout l’ancien orient, pour désigner les rois et les chefs de clans. Dans la Bible, cette image s’applique aussi à Dieu, le pasteur de son peuple: «Voici votre Dieu qui vient : comme un berger, il fait paître son troupeau; il rassemble les brebis égarées, il porte les agnelets, il procure de la fraîcheur aux brebis qui le suivent» (Isaïe). «Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien» (Ps 22). Jésus lui-même se présente comme «le bon pasteur.»

La comparaison était facile à comprendre pour un peuple de nomades en marche vers la Terre Promise. Ses plus grands chefs avaient été des bergers : Abraham et ses troupeaux de petit bétail, Moïse, berger dans le désert qui reçoit la révélation du buisson ardent, David qui garde les moutons de son père, à Bethléem.

Dans l’Orient ancien, le berger n’était pas un personnage romantique comme nous nous le représentons souvent aujourd’hui. Le berger était un homme courageux, qui savait défendre ses brebis des animaux sauvages et des voleurs. Dans 1 Samuel 17, 34-36, David dit au roi Saül qui voulait l’empêcher de combattre le géant Goliath : «Quand je faisais paître les brebis de mon père et que venait un lion ou un ours qui enlevait une brebis du troupeau, je le poursuivais, je le frappais et j’arrachais celle-ci de sa gueule. Et s’il se dressait contre moi, je le saisissais et je le frappais à mort.»

Dans le christianisme la représentation du Christ, le Bon Pasteur se retrouve partout : dans les catacombes, les maisons des chrétiens, leurs salles de réunions.  C’est l’une des premières images du Seigneur ressuscité et notre «pratique pastorale» a pris son nom de cette représentation du Seigneur, le pasteur de son peuple. Encore aujourd’hui, les évêques utilisent la crosse du berger comme symbole de leur ministère pastoral. Le Bon Pasteur, c’est celui qui permet à ceux et celles qui lui sont confiés de «vivre pleinement». D’ailleurs, le verset qui précède le texte d’aujourd’hui le dit clairement : «Je suis venu pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance». (Jean 10, 10)

Saint Jean, dans son évangile, met l’accent sur l’individualité de chacun et l’importance que nous avons pour Dieu. «Je suis le bon pasteur. Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent». Lorsque quelqu’un est important pour nous, nous connaissons son nom, qu’il s’agisse des membres de notre famille, de nos amis, de nos collègues, des gens de notre entourage. La connaissance d’une personne nous permet de l’aimer et de la respecter. La haine, par contre, détruit l’individualité, et regroupe les gens en leur donnant une étiquette négative. C’est alors beaucoup plus facile de lutter contre eux et de les éliminer. Les préjugés et la haine réduisent un groupe à une étiquette, une abstraction. On ne connaît plus le nom des personnes, ils n’ont plus de visage, nous ne savons plus qui ils sont. Un exemple extrême de ce comportement est apparu dans les camps d’extermination nazis durant le temps d’Hitler. La gestapo tatouait un numéro sur le bras des prisonniers juifs. Ils n’étaient plus des individus mais des ennemis de l’état, sans visage, sans personnalité propre. Ils devenaient des prisonniers avec un numéro d’identification. Ceci se passe encore aujourd’hui dans de nombreuses prisons. Les numéros et les catégories rendent la haine, la torture et le meurtre plus facile. Il est toujours dangereux de regrouper les gens dans des catégories toutes faites : «les Juifs», «les Musulmans», «les Catholiques», «les Protestants», «les Noirs», «les homosexuels», «les prostituées», etc.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, le Seigneur refuse cette négation de la personne. Il connaît ses brebis et il les appelle par leur nom. Le bon pasteur est le Dieu des Juifs, des Samaritains, des Musulmans, des Hindous, des Chrétiens : «J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie.» Le bon pasteur est celui qui se préoccupe, qui prend le temps de connaître, qui répond aux besoins d’une personne à la fois : Marie Madeleine, Zachée, la cananéenne, le bon larron, le paralytique, la samaritaine, le lépreux, Nicodème, l’aveugle de Jéricho, etc.

En ce dimanche du bon pasteur, nous sommes invités à marcher dans les traces du Seigneur, d’être de bons pasteurs pour les gens autour de nous. À la fin de notre vie, espérons que l’on pourra dire de nous ce qu’on a dit du Christ : «Il a passé sa vie à faire du bien et a aidé les autres à avoir la vie en abondance».

 



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 8 avril 2018

2ème  Dimanche de Pâques – B

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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« Jésus vint, et il était là au milieu d’eux« 

Jésus ressuscité se manifeste «le dimanche», le premier jour de la semaine. Les chrétiens ne se réunissaient pas tous les jours. Ils avaient eux aussi, leur travail, leur vie quotidienne. Ils ne pouvaient pas toujours être ensemble. Or, c’est dans le cadre de leur «rencontre hebdomadaire» que Jésus vient. Ceci nous indique que la foi n’est pas une affaire strictement personnelle, ou individuelle. La présence du Christ ressuscité est surtout ressentie, expérimentée, dans le cadre de nos rencontres communautaires, lorsque nous sommes réunis en Église.

On ne peut vivre sa foi seul : la foi a besoin de se nourrir de la parole de Dieu et de s’alimenter de la foi des autres. Ils se rencontrent mais ils ont peur. Au moment où saint Jean écrit son évangile, c’est toujours un temps de persécution. Les disciples ont pris l’habitude de se réunir tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Ils s’accueillent, mais il y a des défections, des gens qui abandonnent le groupe. Ils verrouillent leurs portes. Mais voici que chaque dimanche, se renouvelle le «signe» du Cénacle. Mystérieusement, le Christ se glisse parmi les siens, dans le lieu où ils se rassemblent, à Éphèse, Antioche, Corinthe, Jérusalem, Rome. Chaque dimanche, c’est Pâques! «Tu es là, au cœur de nos vies, et c’est Toi qui nous fais vivre.» L’Église c’est d’abord et avant tout la réunion d’hommes et de femmes au milieu desquels le Christ ressuscité se rend présent.

La première parole du Christ après sa résurrection est une parole de paix, une parole qui, comme un refrain, revient régulièrement dans le texte d’aujourd’hui : «la paix soit avec vous». Le premier don du ressuscité, c’est le don de la paix qui chasse la crainte et le doute : «Shalom». Cette paix n’est pas celle du monde, c’est la paix confiée comme un héritage précieux le soir du jeudi saint : «C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne»…

La présence du Seigneur provoque la joie. La joie de la résurrection est celle qui vient après la peur, après la souffrance, après le doute. La joie pascale, la joie chrétienne, n’est pas une joie facile, spontanée, ce n’est pas celle qui nous éprouvons quand tout va bien, quand la santé est bonne, quand la jeunesse est là, pleine de vitalité, quand nos entreprises réussissent, quand nos relations amicales et familiales sont agréables. La joie de la résurrection, c’est celle qui vient «après»… après l’angoisse, après la crise! C’est la joie et la paix qui remontent d’une situation désespérée (la mort d’un crucifié!) et que rien ne pourra faire disparaître : c’est la joie des disciples d’Emmaüs après le découragement de la mort du Christ.

Bien sûr, nous avons tous nos peurs. Peur de Dieu, peur des autres, peur de souffrir, de manquer d’argent, de ne pas être à la hauteur, de vieillir, de mourir. La liste de nos peurs est longue, trop longue, et ces peurs nous empêchent d’être heureux et de connaître la joie. Le Christ nous dit ce matin : «N’ayez pas peur, ayez confiance en moi. J’ai vaincu la pire des peurs : celle de la mort»

La présence du Christ nous rassemble malgré nos divergences, malgré nos différences. La communauté chrétienne est ouverte aux gens de toutes les couleurs, de tous les partis politiques, de toutes les ethnies, de toutes les langues. C’est le contraire de la tour de Babel. Saint Paul dira : «Parmi vous, il n’y a ni Grecs ni Juifs, ni hommes ni femmes, ni esclaves ni hommes libres».

Lors de cette première rencontre du Christ avec ses disciples, il leur donne une vie nouvelle : «il répandit sur eux son souffle et il leur dit: Recevez l’Esprit Saint», le souffle de vie. Le don de l’Esprit, rappelle le texte de la création d’Adam et Ève quand l’Esprit de Dieu leur insuffla la vie. Il s’agit d’une «création nouvelle»Nous sommes, renouvelés, recréés

«Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis.» Ces paroles sont adressées à l’ensemble des disciples du Christ. C’est un appel à nous libérer mutuellement en nous pardonnant les uns les autres : «De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie». Nous sommes désormais les messagers de sa «miséricorde divine»! «Tous ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leurs seront remis.» Nous sommes investis de la même mission que celle de Jésus : «L’Esprit de Dieu repose sur moi, l’Esprit de Dieu m’a consacré, il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer une année de bienfaits de la part de Dieu, libérer les captifs ». Nous sommes porteurs de cet Esprit libérateur qui donne la vie.

A l’heure où un très grand nombre de baptisés ne fréquentent plus les églises, nos rassemblements dominicaux sont importants et nous permettent d’entretenir et vivifier notre foi de croyants! On ne peut vivre sa foi seul : la foi a besoin de se nourrir de la parole de Dieu et de s’alimenter de la foi des autres. Alors qu’ils étaient réunis pour célébrer l’eucharistie, «Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.»



HOMÉLIE DOMINICALE

Chers visiteurs,

En ce 5ème dimanche du Temps de Carême, nous vous proposons de lire :

l’Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada

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Aujourd’hui, les textes de la liturgie sont pleins de références au pardon de Dieu pour nous :

  • «Je pardonnerai leurs fautes  et ne me rappellerai plus de leurs péchés …» (1re lecture : Jér 31, 34)
  • «Aies pitié de moi, ô mon Dieu. Selon ta grande miséricorde, efface tous mes péchés» (Ps 50)
  • «Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes» (évangile)

La saison du carême nous est présentée comme un temps de réconciliation avec Dieu et avec les autres. Pendant les deux dernières semaines de cette période de préparation à Pâques, nombre de célébrations pénitentielles seront offertes dans les différentes paroisses de nos diocèses.

Dieu veut renouveler son alliance avec nous. Nous sommes tous des pécheurs, un peu comme les pharisiens devant la femme adultère. Nous accusons facilement les autres mais lorsque le Christ nous invite à lancer la première pierre si nous sommes sans péché, nous nous éloignons la tête basse, en commençant par les plus vieux, sachant très bien que nous sommes aussi pécheurs que cette pauvre femme. C’est là notre condition humaine.

Comme le roi David dans le psaume d’aujourd’hui, nous reconnaissons nos tors : «efface mon péché. Lave moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense».

Non seulement Dieu pardonne, mais il oublie, il ne se souvient plus. Comme l’affirme le très beau psaume 130 : «Si tu te souviens des fautes, o mon Dieu, qui subsistera. Mais en toi est le pardon…»

Chacune de nos célébrations eucharistiques est pleine de références à la grande miséricorde de Dieu : Au début de l’eucharistie, nous reconnaissons notre péché, condition nécessaire pour entrer dans l’esprit de célébration, et demandons au Seigneur de nous pardonner : «Seigneur, prend pitié». Au Notre Père nous prions Dieu de «nous pardonner nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui ont péché contre nous», une proposition sérieuse qui nous oblige à imiter Dieu dans sa miséricorde. Immédiatement avant l’échange de paix, le célébrant demande au Seigneur : «ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Église». Et c’est une Église pécheresse qui chante : «Toi qui enlèves le péché du monde, prends pitié de nous». Le célébrant demande au Seigneur «que cette communion à son corps et à son sang n’entraîne pour nous ni jugement ni condamnation».

La reconnaissance de notre péché n’est donc pas un obstacle à la présence de Dieu parmi nous. Elle est la condition d’une nouvelle relation avec lui. Pendant la prière de consécration, le Christ proclame : «ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés.»

La croix nous rappelle que nous sommes les fils et les filles de Dieu. Il est notre Père et il est toujours prêt à nous pardonner et à offrir sa vie pour nous. Il veut que nous ayons la vie en abondance.

La beauté du sacrement de réconciliation, c’est qu’il nous offre toujours l’occasion de renouveler notre alliance avec le Seigneur. La vieille expression «faire ses Pâques» voulait dire justement qu’au moins une fois dans l’année le chrétien en profitait pour rafraîchir et embellir sa relation avec Dieu.

Profitons des derniers jours du carême pour nous réconcilier et pour nous préparer à la grande fête de Pâques, en nous rappelant les paroles d’Ézéchiel : «Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau ; j’enlèverai votre cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon propre Esprit, je vous ferai marcher selon mes lois, garder et pratiquer mes coutumes» (Ézéchiel 36, 26-27).



HOMÉLIE DOMINICALE

Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

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Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle

Le carême, en tant que période de préparation à la fête de Pâques, remonte au 4e siècle et fut institué pour répondre à deux objectifs : préparer les aspirants au christianisme à la réception du sacrement du baptême, permettre aux chrétiens de renouveler la ferveur de leur propre engagement chrétien.

Aujourd’hui, comme ce ne sont plus les adultes mais les enfants qui reçoivent le baptême, le premier objectif a perdu de son importance, mais le second reste toujours valable. Le carême est pour chacun et chacune d’entre nous l’occasion de renouveler notre engagement chrétien en alimentant notre foi à la parole de Dieu et en nous rappelant que «nous ne vivons pas seulement de pain». (Mt 4, 4) Pendant ces quarante jours, le Christ nous invite à nous joindre à sa «révolution», une révolution intérieure qui commence d’abord en chacun et chacune de nous.

L’essentiel de ce processus de conversion est de nous attacher à la personne du Christ. Une fois ce lien établi, nous pouvons plus facilement lutter contre le mal. On connaît bien la «conversion» de saint Paul. Il n’était pas un grand pécheur, bien au contraire car, selon la loi juive, il était un homme irréprochable, mais il a adhéré à Jésus Christ, et cela a bouleversé sa vie.

Pendant ce temps de préparation à la fête de Pâques, l’Église nous propose trois moyens pour raviver la flamme de notre engagement chrétien : le jeûne, la prière et le partage.

En ce premier dimanche de carême, j’aimerais mettre l’accent sur le jeûne, un élément qui n’est pas très populaire dans notre civilisation de consommation mais qui demeure un des piliers de toute spiritualité authentique. Les musulmans, par exemple, continuent de le pratiquer particulièrement pendant le Ramadam.

Lorsque Jésus parle de jeûne, il ne s’agit pas de perte de poids, de pantalons trop petits et de taille trop ronde. Il ne s’agit pas non plus d’aliments santé qui nous permette de manger davantage. Il y a des raisons plus sérieuses pour jeûner.

Nous devons jeûner lorsque ça ne tourne pas rond dans notre propre vie :

  • quand Dieu n’est plus présent et qu’il est remplacé par nos veaux d’or, nos dogmes économiques, nos idoles de toutes sortes…
  • lorsque les conflits familiaux conduisent à la violence et à la haine;lorsque nous refusons le pardon à ceux et celles qui nous ont offensés.
  • lorsque nous sommes sous l’influence de nos addictions de toutes sortes.

Nous jeûnons aussi pour retrouver la solidarité avec :

  • la grande majorité des habitants de notre planète qui souffrent de sous alimentation;
  • les 3.000.000 de personnes meurent de faim chaque jour à travers le monde;
  •  les innombrables personnes qui ne peuvent se procurer les médicaments dont ils ont besoin;
  •  les millions d’habitants qui ont le virus du Sida;
  • -les milliers de personnes qui, tous les jours, meurent le long des routes de l’Inde;
  • le nombre incalculable d’enfants, de femmes, de personnes âgées tués ou blessés par les guerres
  • les millions de personnes âgées qui souffrent de solitude et de manque d’affection, etc.
  • les enfants que l’on oblige à travailler comme des esclaves, dix-douze heures par jour
  • les enfants soldats qui se font massacrer pour maintenir au pouvoir des dictateurs sanguinaires, etc.

Nous voulons être solidaires avec tous ceux et celles qui portent le fardeau de la souffrance, de la maladie, de l’injustice et de la discrimination.

Le jeûne peut prendre plusieurs visages et plusieurs formes:

  • jeûne de nourriture… un peu tous les jours, ou deux ou trois fois par semaine;
  • jeûne de télévision, de magasinage inutile, de dépenses extravagantes;
  •  jeûne de partage avec ceux et celles qui vivent dans la misère;
  • jeûne de temps de nos loisirs, ce qui nous permet de faire du bénévolat; etc.

C’est surtout pendant les périodes plus difficiles que le jeûne peut nous aider à redimensionner nos priorités et nos objectifs de vie.

Le jeûne est un moyen efficace pour nous aider à trouver une alternative aux valeurs de notre monde de consommation, de cupidité et d’injustice. L’argent que nous épargnons sur les loisirs, la nourriture, le magasinage, le luxe peut être partagé avec d’autres. Notre temps et nos talents peuvent venir en aide à ceux et celles dans le besoin : «Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait» (Mt 25, 31-46)



HOMÉLIE DOMINICALE

Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada

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La ville entière se pressait à la porte. Jésus guérit toutes sortes de malades

Dans l’Évangile de dimanche dernier, Marc soulignait deux des aspects importants de l’activité de Jésus : son enseignement et ses guérisons. Aujourd’hui il mentionne de nouveau ces deux éléments et il en ajoute un troisième : la prière. Jésus est l’homme pour les autres, mais il est aussi l’homme de la prière. En contact avec son Père, il cultive son jardin secret pour ne pas être emporté par la tentation du succès, du pouvoir et de la manipulation. La prière est présente chez lui et accompagne toutes ses activités.

Jésus est venu «évangéliser», ou comme le souligne le texte : «proclamer la Bonne Nouvelle». Pour lui, évangéliser, ce n’est pas faire de la propagande ou du recrutement. L’évangélisation ne cherche pas à «ramener les gens à l’église» ou à «convertir les païens». Ce n’est ni une croisade ni une tentative de récupération. Évangéliser, c’est communiquer, au cœur de la vie des gens, l’espérance fondée sur l’amour que Dieu a pour nous. Évangéliser, c’est annoncer cette Bonne Nouvelle : Dieu nous aime, la vie a du sens, la mort n’est qu’un moment de transition.

Chez Marc, comme chez les autres évangélistes, l’évangélisation de Jésus est toujours accompagnée de promotion humaine. L’attention du Seigneur pour les malades, les laissés pour compte,  les rejetés de la société est constante dans tous les récits évangéliques. Il remet sur pied le paralytique, réintègre les lépreux à leur communauté respective, guérit la femme qui souffre de perte de sang, l’homme à la main desséchée, la fille de la Syro-Phénicienne, l’épileptique, l’aveugle de Jéricho, le serviteur du Centurion romain. Il ressuscite la fille de Jaïre et son ami Lazare. Il redonne un sens à la vie de Marie-Madeleine la prostituée, de Zachée le publicain, de la femme adultère condamnée à la lapidation, des lépreux rejetés hors des villages, de la Samaritaine aux six maris, du voleur condamné à mourir crucifié avec lui, etc.

Évangéliser, c’est faire renaître l’espérance chez ceux et celles qui souffrent, qui sont étiquetés et condamnés par les autres. C’est ce que Jésus a fait dans sa vie et son action ne se limite pas à l’espace religieux ! Jésus circule dans le vrai monde, avec ses souffrances, ses solitudes, ses injustices, ses violences. C’est le terrain qu’il choisit pour proclamer la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu et l’espérance d’un monde meilleur. Pour Jésus, il n’y a pas d’évangélisation sans promotion humaine.

Par ses paroles et par ses gestes, Jésus rappelle que Dieu est celui qui «essuiera toute larme de nos yeux. De mort il n’y en aura plus. De pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé. Celui qui siège sur le trône déclare «Voici, que je fais l’univers nouveau». (Apocalypse 21, 4-5)

Marc nous présente la journée typique de Jésus comme un exemple à suivre. Nous n’avons pas le pouvoir de guérir, mais nous pouvons tous avoir de la compassion, être présents auprès de ceux et celles qui souffrent, écouter ceux et celles qui vivent dans la solitude, accueillir, tendre la main. Dans un monde blessé par tant de violences, de misères, de souffrances, il devient urgent d’allumer une petite chandelle au cœur de la nuit. Comme le dit un vieux dicton français : «Il vaut mieux allumer une petite chandelle dans le noir, que de maudire la noirceur».

Nous sommes invités aujourd’hui, à l’instar du Seigneur, à faire renaître l’espoir, à rallumer la lampe qui vacille, à redonner le goût de vivre et la force de continuer le chemin. Il faut savoir mettre la main sur l’épaule de celui et de celle qui souffre, de les regarder dans les yeux et leur redonner confiance, de les encourager, de les motiver. Il suffit parfois d’un simple regard, d’un simple geste d’amitié.

Savoir accompagner sans juger, aider sans poser de questions, être là pour la personne malade, blessée, accusée, condamnée, jetée par terre… «Jésus fit lever la belle-mère de Pierre en la prenant par la main». Et sur la croix, juste avant de mourir, il dira au voleur crucifié avec lui : «Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis».



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 28 janvier 2018

4e dimanche du Temps de l’Église – B

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(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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« La renommée de Jésus se répandit dans toute la Galilée »

L’évangéliste S. Marc n’a pas connu Jésus mais il a été l’un des premiers membres de la jeune Église chrétienne. Les Actes des Apôtres racontent qu’il a rencontré Pierre dans la maison de sa mère, à Jérusalem. Il a côtoyé les apôtres et accompagné Paul dans son premier voyage missionnaire. Plus tard, il sera le compagnon fidèle de Pierre et les experts affirment que son évangile est en fait l’évangile de Pierre, car Marc a pris ses informations directement du chef des apôtres.

Le but principal de l’évangile de Marc est de nous présenter Jésus-Christ. Dès le début de son récit il écrit : «Commencement de l’évangile de Jésus, le Christ, le Fils de Dieu.» Et ensuite, tout au long de son évangile, il dévoile aux chrétiens l’identité de cet homme de Nazareth. Aujourd’hui, il nous parle de l’enseignement de Jésus et de son activité auprès des gens.

Marc souligne d’abord l’enseignement de Jésus : «Jésus se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes… Tous s’interrogeaient : «Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité !» Ensuite, pour mieux nous faire connaître le Seigneur, il raconte ce que Jésus fait dans «une journée-type». À travers ce procédé littéraire, il nous présente son activité tout en soulignant les traits essentiels de son ministère.

Vestiges de la synagogue de Capharnaüm

Ce matin, nous lisons la première partie de cette journée à Capharnaüm.

Jésus rejoint les gens de l’intérieur. Il ne juge pas, ne condamne pas, mais redonne espérance et joie de vivre. Les auditeurs sont littéralement séduits par sa façon de faire et de s’exprimer : «Il parle avec autorité». En latin, le mot autorité veut dire : «faire grandir», «faire croître», «aider à se développer». Lorsque l’on parle d’autorité parentale, on souligne la capacité des parents à faire grandir leurs enfants libres et pleins d’espoir pour l’avenir. C’est le genre d’autorité que Jésus exerce, une autorité qui permet de grandir, une autorité de service. Il est venu pour rendre les gens plus autonomes, plus libres, plus en mesure de porter du fruit.

Jésus a laissé une impression profonde sur les gens autour de lui, non seulement parce qu’il proclamait un message nouveau mais aussi parce qu’il vivait ce qu’il prêchait et invitait les autres à faire de même.

La communauté chrétienne a toujours admiré le Christ non seulement pour son enseignement mais aussi pour sa compassion envers ceux qui souffrent, qui sont dans le besoin et qui sont rejetés par les autres.

Pendant cette «journée type» décrite par Marc, Jésus va à la synagogue pour écouter la parole de Dieu et pour prier avec la communauté. Ensuite, il guérit un malade en chassant un esprit mauvais. Les esprits mauvais sont tout ce qui nous empêche d’être bien dans sa peau : le manque de confiance en soi, les peurs incontrôlées, l’addiction à la drogue, à l’alcoolisme, aux jeux de hasard, au travail excessif, la poursuite effrénée de l’argent, de la carrière, du pouvoir, etc.

Après sa visite à la synagogue, Jésus retourne à la maison et là, il remet sur pied la belle-mère de Pierre qui était malade. Le soir venu, il guérit plein de gens qui se présentent à lui. Et le matin suivant, très tôt, il va seul dans la montagne pour prier. Voilà une journée typique de Jésus, selon saint Marc. À travers son action et son enseignement, il surprend ceux et celles qui écoutent sa parole et «sa renommée se répand dans toute la Galilée !»

À travers les mots et les actions de Jésus, l’évangéliste nous révèle qui est cet homme extraordinaire. Petit à petit, nous apprenons à le connaître comme un frère, comme une personne de grande compassion, comme le Fils du Père. Pendant cette année liturgique, dimanche après dimanche, nous lirons un texte de l’évangile de Marc. Il nous révélera le Dieu merveilleux qui est le nôtre.



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

« Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes »

Jésus invite Simon et André, Jean et Jacques à une nouvelle vision de la vie. Les années qui leur restent seront consacrées aux autres : «Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes».

Une des dimensions essentielles de la vie chrétienne est de porter du fruit, de bien utiliser les années qui nous sont données. Notre vie est un «pèlerinage et nous sommes de passage ». Nous vivons au temps de la «paroikia», c’est à dire du pèlerinage. Les mots «paroisse» et «paroissiens» sont des dérivés de cette expression grecque.

«Pour que le monde change, il faut que les individus changent… Convertissez-vous».

Nous sommes ici de façon transitoire et le provisoire fait partie de notre vie. Du moment de la conception jusqu’à la mort, nous devons continuellement nous désinstaller pour aller de l’avant : après neuf mois dans le sein de notre mère, il y a la naissance, suivie de la petite enfance, de l’adolescence, de l’âge adulte, du temps de la retraite, de la période de vieillesse… Nous devons continuellement nous repositionner et nous réadapter à une réalité nouvelle. Dans l’évangile, le Seigneur désinstalle ses quatre disciples et les recentre sur les gens autour d’eux. Ils deviennent des «pêcheurs d’hommes».

Les trois lectures nous parlent du temps qui passe : «Encore 40 jours et Ninive sera détruite», annonce Jonas. «Le temps se fait court et il nous faut carguer (replier) les voiles pour entrer au port» dit S. Paul, et Jésus ajoute : «Les temps sont accomplis et le Règne de Dieu est tout proche».

À travers les siècles, le temps a toujours été un sujet de conversation très populaire. Ovide écrivait : «Le temps est un animal féroce qui dévore tout… la jeunesse, la santé, les richesses, la force physique, les projets les plus chers…». Sur les clochers des églises du Moyen Âge, on inscrivait la phrase suivante : «Il est plus tard que tu ne penses». «Tuer le temps! C’est ce que l’être humain essaye toujours de faire. Mais à la fin, c’est le temps qui nous tue.» (H. Spencer) «Le temps passe vite, on ne le voit pas» (expression populaire).

Dans la Bible, le temps est un élément bon et positif. C’est un don qui nous est offert, c’est un cadeau de Dieu. Il nous permet de porter du fruit, de «nous convertir», de participer à la création d’un monde plus humain. Selon Jésus et selon saint Paul le temps est une porte ouverte sur un avenir meilleur. Il ne s’agit pas de pleurer sur le temps qui passe, mais d’accueillir avec gratitude les «temps nouveaux» qui s’ouvrent à nous. «Les temps sont accomplis» ! C’est là une invitation à considérer la vie sous une optique d’éternité. Nous sommes au seuil du monde nouveau, évoqué par Isaïe : «Voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle» (Is 65, 17).

Les textes d’aujourd’hui rappellent que pour les habitants de Ninive, pour les disciples du Christ, et pour nous, le temps est une période de grâce qui nous invite à la conversion.

Jésus a vécu dans un siècle de guerre et d’injustice. Les tyrans gouvernaient, et les légions romaines opprimaient les peuples sans se préoccuper des conséquences néfastes pour ceux et celles qui leur étaient soumis. Il suffit de lire certains volumes d’histoire pour nous rendre compte de la violence de l’Empire. Dans ce monde d’esclavage et d’abus de pouvoir, Dieu a envoyé son Fils pour offrir une vision nouvelle, une vision différente, plus humaine et plus juste, afin de redonner l’espérance et encourager ses disciples à créer un monde meilleur, un monde plus fraternel. Si nous le voulons, «le Règne de Dieu», c’est à dire la façon que Dieu a d’envisager le monde, est tout proche de nous, il est à notre portée.

Face au mal qui est omniprésent, nous espérons toujours que les gens «se convertissent» et qu’ils changent leur attitude. Le Christ nous suggère plutôt de commencer le changement par nous-mêmes : «Pour que le monde change, il faut que les individus changent… Convertissez-vous».

Pour vivre dans un monde meilleur il nous faut changer notre perception des choses et «croire à la Bonne Nouvelle», comme l’ont fait Simon et André, Jean et Jacques : «Les temps sont accomplis et le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’évangile.»… «Devenez pêcheurs d’hommes».



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 14 janvier 2018

Deuxième dimanche du temps ordinaire B

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

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Le temps des substitutions est terminé

Aujourd’hui et dimanche prochain, nous assistons à la rencontre de Jésus avec ses premiers disciples. Selon saint Jean, ceci a lieu au bord du Jourdain, selon les évangiles synoptiques l’événement prend place près du lac de Tibériade.

Ce qui frappe dans ce texte de vocations, c’est que les disciples apprennent à connaître Jésus grâce à l’intervention d’intermédiaires : Jean Baptiste conduit André et un autre disciple à Jésus, André invite son frère Simon à rencontrer le Seigneur, Simon en parle à Philippe qui, à son tour, transmet la nouvelle à Nathanaël… Et il en est ainsi depuis 2000 ans! L’appel de Dieu est transmis par quelqu’un qui, ayant rencontré Jésus, en parle à d’autres. S. Jean dira dans sa première lettre : «Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie… nous vous l’annonçons.» (1 Jean 1, 1-4)

En réfléchissant sur l’origine de notre propre foi, nous nous souviendrons sans doute de certaines personnes qui nous ont introduit au Christ : nos parents, nos grands-parents, un oncle, une tante, le curé de notre paroisse, certains enseignants… L’histoire du christianisme est une grande chaîne de personnes qui en conduisent d’autres à Dieu.

Devant la crise des vocations, nous sommes tentés de multiplier les sondages, les enquêtes, les analyses sociologiques. C’est sans doute nécessaire, mais nous devons nous demander : qu’est-ce que les chrétiens font pour annoncer Jésus et sa Bonne Nouvelle. Sont-ils convaincus des répercussions positives que peuvent avoir les valeurs chrétiennes dans leur quotidien? Comment vivent-ils leur christianisme au sein de la famille, au travail, dans les lieux de loisirs?

Dans le texte d’aujourd’hui, lorsque le Christ rencontre ses premiers disciples, il ne leur dit pas «suivez-moi»… mais : «Que cherchez-vous?» Ce sont là les premiers mots de Jésus dans l’évangile de saint Jean. Cette question s’adresse à chacun et à chacune d’entre nous. «Que cherchons-nous? Quels sont nos désirs et nos aspirations?» Quel est le sens de notre vie? Que cherchons-nous dans la famille, au travail, au club, au bar, à l’église ? Quelles sont nos priorités?

Une fois ces priorités clarifiées, le contact avec Jésus conduira à un changement de direction, à une conversion. Être disciple de Jésus veut dire, entrer dans une nouvelle aventure, dans un changement de notre façon de vivre. Le nouveau nom de Simon est une indication de cette transformation : «Tu es Simon, le fils de Jean; à l’avenir, tu t’appelleras Pierre». Jésus révèle à Pierre qui il est maintenant et qui il deviendra plus tard. Le véritable chrétien est celui ou celle qui apprend petit à petit à changer sa façon de comprendre les choses, à voir à travers les yeux du Seigneur, à adopter sa mentalité à celle du Christ. Ce contact donne un sens nouveau à notre vie et transforme notre petit monde.

Jésus appelle André, Jacques, Simon et Jean, mais il nous appelle nous aussi. Autrefois, il y avait plein de prêtres, de religieux et religieuses, de gens qui s’engageaient au nom de leur foi chrétienne. Aujourd’hui, ils sont beaucoup moins nombreux à répondre de cette façon et nous ne pouvons plus nous permettre de laisser aux autres le soin de faire le travail à notre place. Le temps des substitutions est terminé. Nous ne pouvons plus dire maintenant : «que les religieuses se chargent d’éduquer nos enfants et nos petits enfants dans la foi chrétienne; que les missionnaires aident les gens des pays plus pauvres; que les bénévoles visitent les malades; que les laïcs engagés s’occupent des personnes âgées, etc.» Aujourd’hui, nous sommes tous appelés à faire notre part, à mettre l’épaule à la roue, à donner un coup de main.

Dans notre église, le temps des substitutions est terminé. Nous ne pouvons plus nous contenter d’assigner aux autres le travail à faire et les responsabilités à assumer, tout en nous réservant le beau rôle de spectateurs privilégiés et de critiques des curés, des religieux, des laïcs engagés. Chacun et chacune est appelé à collaborer avec le Seigneur pour rendre notre monde meilleur, plus humain, plus fraternel. Nous sommes invités à créer un monde de pardon, de partage, de tendresse et d’amour. Voilà ce à quoi nous sommes appelés par le Christ.

Avec André et Simon, Jacques et Jean le Seigneur nous invite à le suivre et à construire, jour après jour, le Royaume de Dieu chez-nous. Il nous appelle par notre nom et nous indique le chemin qui s’ouvre devant nous : «Tu es Simon, Claudette, Hélène, Jean-Claude! Tu t’appelleras messager de la paix, éducateur de la foi, ami(e) plein(e) de tendresse, protecteur du plus faible, bénévole de l’encouragement…» L’appel s’adresse à tous, sans exception.