Archives par mot-clé : Père Yvon Michel Allard



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada).

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Dimanche 7 Janvier 2018

Fête de l’Epiphanie

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Chercheurs de Dieu

«Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand». Ce sont les seuls mots de Matthieu sur la naissance de Jésus. Matthieu semble s’intéresser très peu à l’événement en tant que tel, à la différence de Luc. Par contre, dans le récit de la visite des Mages qui présente une sorte d’introduction à tout son évangile, il met l’accent sur la «signification» de cette naissance.

L’arrière-fond historique du récit symbolique des rois-mages comporte deux aspects principaux : Il y a tout d’abord l’agressivité du vieux roi Hérode dont la pathologie paranoïaque est bien connue. Jésus, le nouveau libérateur d’Israël, est poursuivi par un roi ennemi tout comme Moïse l’avait été en Égypte par le pharaon.

Un autre aspect important est que Matthieu a écrit son évangile pour les chrétiens d’origine juive de Syrie. Ceux-ci se croyaient supérieurs au reste du monde parce qu’ils appartenaient au peuple choisi. Devant cet orgueil et cet exclusivisme hérités de l’Ancien Testament, l’évangéliste invite à reconnaître le «roi des juifs» dans un petit enfant, déposé dans une mangeoire. Ce ne sont pas les puissants laïcs ou religieux d’Israël qui le découvrent, mais des «étrangers» venant de loin et exerçant une profession méprisée, l’astrologie. Plusieurs thèmes se prêtent à notre réflexion chrétienne en cette fête de l’Épiphanie où Matthieu nous propose trois contrastes importants.

  • Il compare d’abord le roi Hérode à Jésus, le roi des Juifs. Dès cette première page, il y a une couronne royale en jeu : qui est réellement le «roi» des juifs? Hérode, le tyran puissant, meurtrier et violent? Ou bien Jésus, cet enfant, faible, désarmé, qui mourra victime innocente? Lorsque les sages d’Orient demandent : «Où est le roi des Juifs qui vient de naître? » ils parlent de Jésus, le petit enfant faible et dépendant, incapable de se défendre. Dans les dernières pages de son évangile, Matthieu donnera de nouveau ce titre de «Roi des Juifs» à Jésus. Les soldats romains se moqueront de lui en disant : «Salut, roi des Juifs». Ponce Pilate inscrira sur la croix la cause de sa condamnation : «Celui-ci est le roi des Juifs». Et les scribes et les grands prêtres se moqueront de lui en criant : «Si tu es le roi des Juifs, descend de la croix». Le récit des sages d’Orient est un prélude à ce qui arrivera plus tard. Tout au long de son évangile, Matthieu nous présente Jésus comme un roi humble, qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir. Le royaume de Jésus n’est pas comme les royaumes de la terre et il est très différent de celui d’Hérode.
  • Matthieu compare ensuite Jérusalem à Bethléem. Jérusalem est la plus grande ville du pays, le centre du culte d’Israël, le lieu privilégié du Temple. Dans cette ville, l’étoile ne brille pas. Jérusalem préfère «ses ténèbres à la lumière, ses vieux parchemins à la Parole incarnée de Dieu.» Bethléem par contre est le village du berger David, «la maison du pain», l’humble bourgade d’une vingtaine de familles où vivent des gens simple et ouvert à Dieu. Le Seigneur a choisi de naître et de s’incarner dans ce lieu simple et retiré.  Enfin, Matthieu compare les chercheurs de Dieu à ceux qui ne cherchent plus. Les gens de Jérusalem croient qu’ils possèdent la vérité et depuis longtemps ils ont cessé de chercher. Les Mages représentent tous les gens en quête de lumière et de vérité.
  • Dans ce récit symbolique, le chemin des sages d’Orient est parfois éclairé et parfois obscure. Ces chercheurs de Dieu ne se découragent pas pour autant et continuent leur exploration. Après avoir trouvé le Seigneur, ils lui rendent hommage. Ils retournent ensuite dans leur pays par une nouvelle route : le contact avec Dieu ouvre des voies inconnues et change notre façon de penser, d’agir et de vivre.

À travers ces comparaisons, Matthieu s’adresse à chacun et à chacune de nous. Il nous interroge sur notre attitude envers Dieu : Sommes-nous comme les sages d’Orient ou comme les habitants de Jérusalem?

Il arrive souvent dans nos vies un «signe» nous est donné, un signe qui nous provoque et nous interroge. Ce n’est pas nécessairement une étoile, mais peut-être une personne rencontrée; un livre qui nous tombe sous la main; un film qui nous traverse l’esprit et le cœur, un événement inattendu : une maladie grave, un enfant qui naît, une perte d’emploi, un nouveau travail ou une nouvelle responsabilité, etc.

En cette fête de l’Épiphanie, profitons de ces «signes» pour devenir, nous aussi, des chercheurs de Dieu.



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.

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« Jésus grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse »

 Noël est d’abord et avant tout une fête qui se célèbre en famille. Cette période festive est un temps de rencontres où l’on transmet, de génération en génération, les traditions et les rites qui expriment la vie, l’attachement, les bonnes relations, les valeurs du groupe.

La fête d’aujourd’hui s’intègre donc très bien au cycle de Noël. Une vénération spéciale de la Sainte Famille s’est développée au 17e s. grâce à Mgr. François de Montmorency Laval (1623-1708), le premier évêque de Québec. Sachant que la famille est un environnement privilégié, il en a fait la promotion et, à partir de l’Amérique du Nord, cette fête a été adoptée un peu partout dans le monde.

Nous connaissons bien peu de choses sur la vie familiale de Marie, Jésus et Joseph. L’Évangile semble plus intéressé à l’intégration de cette famille dans le peuple d’Israël qu’aux détails de leur vie quotidienne. Marie et Joseph accomplissent fidèlement la loi de leur peuple et se présentent au Temple pour y accomplir le rite de purification de la mère et l’offrande au Seigneur du fils premier-né, tel que prévu au Livre de l’Exode.

La famille de Jésus est socialement bien intégrée. Elle connaît les coutumes de son peuple et vit en accord avec ses traditions. C’est un signe de maturité humaine et religieuse de savoir s’intégrer à une communauté, de participer à ses rites et d’assumer les fêtes et coutumes de son peuple.

Dans l’évangile, Marie et Joseph offrent leur enfant à Dieu ne sachant pas ce que l’avenir lui réserve, comme tous les parents qui présentent un enfant au baptême.

Ce n’est pas un hasard que, selon Luc, ce ne sont pas les autorités officielles – les prêtres et les scribes -, qui reconnaissent Jésus, mais des gens ordinaires, des pauvres! Syméon et Anne sont «vieux». Ils appartiennent à cette catégorie que toute société a tendance à oublier et à ne pas respecter.

Syméon et Anne, à travers les années, au lieu d’accumuler les désillusions, ont accumulé l’espérance, attendant «la consolation d’Israël, la lumière qui éclaire les nations et la gloire du peuple de Dieu».

La liturgie d’aujourd’hui veut nous présenter la sainte famille comme un modèle à suivre, une famille normale avec ses peines, ses joies, ses amitiés, ses rejets, ses drames…

Marie et Joseph ont été de bons parents, de bons éducateurs et le Christ leur doit toute sa formation. Il restera toujours « le fils du charpentier ». « Il leur était soumis et grandissait en âge et en sagesse », entouré d’amour et de respect.

Jésus a appris de sa famille l’honnêteté, le respect des autres, la sincérité, le civisme, la foi, la prière, la justice, l’amour, l’esprit de service et la joie de vivre.

Aujourd’hui, la famille passe souvent au second rang… Ce sont les gouvernements, les pouvoirs publics, les systèmes scolaires et les médias qui contrôlent la croissance des jeunes… Il n’y a pas beaucoup de place pour la famille dans les programmes politiques. Nous oublions souvent que la société vaut ce que valent les familles qui la composent. Sophocle disait : « Ce qui est bon pour la famille est bon pour l’État. »

Notre façon d’être, de penser, d’agir, d’aimer, d’évaluer  les personnes et les situations, nous viennent en grande partie de nos parents.

Profitons de cette fête de la sainte famille et de la période de Noël pour redonner de l’importance à nos contacts familiaux.

« Nous aussi avons grandi, pris des forces, et développé une certaine sagesse au sein de notre famille. »



HOMÉLIE DOMINICALE

HOMÉLIE

(Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas« 

Jean Baptiste est, avec Marie, la grande figure de l’Avent. Chaque année, les deuxième et troisième dimanches lui sont consacrés. L’évangéliste saint Jean nous le montre comme le «témoin de la Lumière», alors que les autres évangélistes nous le présente comme le «prédicateur de la pénitence».

Dès le début du 4e évangile, Jean Baptiste lance le thème de  «Jésus, la lumière du monde». Ceci deviendra l’un des thèmes privilégiés de l’évangéliste. Dans le Prologue, le Christ est «la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde». Plus loin, Jésus lui-même déclare : «Je suis la lumière du monde. Celui qui vient à ma suite ne marche pas dans les ténèbres» (Jean 8, 12).

«Le Christ, lumière du monde», est celui qui éclaire nos situations les plus sombres. Pendant ce temps de l’Avent, apprenons à découvrir celui qui se tient au milieu de nous et que nous connaissons mal.

Jean Baptiste pointe vers le Christ, la «lumière du monde», et il ajoute que nous ne connaissons pas très bien ce Jésus, messie et sauveur : «Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas»… Nous sommes invités à le découvrir ou à mieux le connaître. Cela demande un effort particulier, ça ne vient pas tout seul. Pour y arriver, il faut y mettre le temps, prier, écouter les évangiles, réfléchir, méditer, lire certains grands écrivains chrétiens qui nous aident à mieux connaître la personnalité de Jésus.

À un avocat qui se disait athée, son ami prêtre lui demanda : – «Est-ce que tu connais les évangiles?» – Et l’homme de loi répondit : – «On m’a raconté ces histoires quand j’étais petit.» – «Est-ce que tu as lu les documents du dernier concile œcuménique?» – «Non. Je n’ai pas le temps de lire tout ce qui se publie.» – «Connais-tu la Somme théologique de S. Thomas d’Aquin?», – «Non, je ne la connais pas». – «Et les écrits de S. Irénée?» – «Qui est-il ?» questionne l’avocat. – «C’est un savant et le patron des avocats?» Après toutes ces questions et réponses, l’ami de l’avocat lui dit : – «Tu es peut-être athée, mais tu es surtout ignorant. Tu rejettes catégoriquement ce que tu ne connais pas.»

Les textes de l’Avent parlent de conversion, mais ils soulignent aussi que la découverte du Christ nous apporte une grande joie. Isaïe s’exclame : «Je tressaille de joie dans le Seigneur» (Is 61, 10). Marie «exulte car Dieu a fait pour elle des merveilles». Aux bergers,  l’ange dira : «Je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple; aujourd’hui vous est né un sauveur…» (Luc 2, 10). Paul répétera continuellement aux chrétiens : «Soyez toujours joyeux. Priez sans cesse. Soyez dans l’action de grâce… N’éteignez pas l’Esprit.» (Thes 5, 16)

La fête de Noël que nous préparons maintenant, célèbre la venue de Dieu dans notre monde. Nous ne sommes jamais seuls, car Dieu nous accompagne, il marche avec nous. Notre vie a un sens et un but, et Dieu est présent à toutes nos joies et à toutes nos peines. «Même si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal car tu es près de moi», chante le Psaume 23. Réjouissons-nous car Noël est tout près. Réjouissons-nous, parce que le Christ vient vers nous. Il est notre Emmanuel, c’est-à-dire le Dieu-avec-nous.

Avec le Christ présent dans nos vies, les crises qui nous assaillent continuent à être un défi, mais ce ne sont pas des événements catastrophiques. Une personne aimée meurt subitement; le médecin nous informe que notre cancer est terminal; nous vivons une rupture définitive dans notre mariage; l’un de nos enfants claque la porte pour aller vivre ailleurs; un ami nous laisse tomber… À travers tous ces malheurs, le Christ est présent, il est fidèle,  il nous accompagne sans jamais nous abandonner.

«Le Christ, lumière du monde», est celui  qui éclaire nos situations les plus sombres. Pendant ce temps de l’Avent, apprenons à découvrir celui qui se tient au milieu de nous et que nous connaissons mal.



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, s.v.d., directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Aujourd’hui, fête du Christ-Roi, nous célébrons le dernier dimanche de l’année liturgique. Nous sommes habitués, à la fin de chaque année fiscale de faire le bilan financier des douze derniers mois. L’évangile d’aujourd’hui nous propose de faire le bilan de notre christianisme au cours de l’année liturgique qui se termine.

Ce bilan se fait à partir de ce que le Seigneur appelle « sa loi nouvelle »: «Les gens sauront que vous êtes mes disciples si vous vous aimez les uns les autres». Et l’évangile nous aide à concrétiser ce commandement nouveau, en nous rappelant ce que nous avons fait ou omis de faire : «J’avais faim, vous m’avez donné à manger, j’avais soif, vous m’avez donné à boire, etc »

Le calcul est simple. On croyait peut-être que le jugement porterait sur des actions d’éclats, des faits d’héroïsme et de grande sainteté, des comportements de conduite morale et religieuse. On y jugerait les péchés les plus graves et les actions les plus mauvaises ! En fait, il s’agit de gestes de tous les jours, de gestes que font les parents pour leurs enfants, les gens ordinaires pour leurs voisins, des gestes de solidarité, de gentillesse, d’accueil… des gestes qui peuvent être faits par tous et chacun et qu’une foule de gens font effectivement, sans pour autant le crier sur les toits…

Mais au moins, on penserait que ces gestes-là devraient être faits au nom du Christ, au nom de Dieu, comme des gestes religieux, des offrandes, des sacrifices. Mais non, ni les gens du premier groupe, ni ceux du second n’ont reconnu le Seigneur dans ces gestes simples. Aucune des actions mentionnées par le Seigneur ne semble être de nature religieuse.

Jésus nous rappelle aujourd’hui, en cette fête du Christ-Roi, que nous serons jugés sur l’amour et exclusivement sur l’amour. Il s’agit d’un amour très simple : donner à manger, à boire, accueillir, habiller, visiter, soigner. Ainsi, nos plus humbles gestes d’amour ont une valeur infinie, une valeur d’éternité.

La liste citée par Jésus n’est d’ailleurs ni limitative, ni exhaustive. Ce sont des exemples que nous pouvons prolonger dans notre vie : mon enfant pleurait la nuit, et je me suis levée pour le consoler et le soigner. Ma vieille maman ne pouvait plus bouger, et je l’ai aidée à sortir de son lit pour s’assoir dans son fauteuil. Nos voisins avaient besoin d’amitié, et nous les avons entourés. Dans la paroisse, on cherchait des bénévoles pour enseigner la catéchèse, et j’ai accepté cette responsabilité. Mes collègues de travail avaient besoin d’être défendus, et j’ai pris des responsabilités syndicales et politiques. Le tiers monde nous sollicitait et j’ai participé aux campagnes mondiales contre la faim… Mon conjoint, mes enfants, mes amis, mes voisins…

Jean Chrysostome fait remarquer avec beaucoup de finesse que le Seigneur demande des gestes bien modestes. Il n’est pas dit que celui qui a faim est rassasié, que celui qui est malade est guéri, que celui qui est en prison est libéré. Ce qui compte, c’est de faire quelque chose, si petite soit l’action accomplie.

Pendant cette rencontre avec le Christ, Dieu n’aura pas à nous «juger». Nous nous serons jugés nous-mêmes tout au long de notre vie. Dieu n’aura qu’à dévoiler ce qui était «caché» dans chacune de nos journées. Ce jour-là, le Seigneur nous aidera à vérifier si nous avons été réellement humains envers les autres.

En fait, l’examen ne produira pas de grandes surprises. Nous pouvons connaître les résultats à l’avance car nous savons quelle est la matière à examen. Le professeur nous a donné les questions et il nous a indiqué les bonnes réponses.

Contrairement à ce qui se passe lors de nos examens à nous, les plus intelligents et les plus studieux n’auront pas d’avantages spécifiques. Tous peuvent réussir cet examen final, sans distinction de race, de religion, de quotient intellectuel. Le Christ ne nous demandera pas si nous avons des diplômes d’une université prestigieuse, si nous avons réussi une brillante carrière, si nous avons gagné beaucoup d’argent, si nous avons la carte de tel ou tel parti politique…

Le tableau du jugement dernier n’a pas pour but de nous remplir de peur en mettant l’accent sur une condamnation à venir, mais une invitation à nous préoccuper du moment présent. C’est maintenant que commence l’éternité, c’est maintenant que nous pouvons donner à manger à ceux qui ont faim, visiter ceux et celles qui vivent dans la solitude, aider nos voisins qui ont besoin d’assistance, consoler ceux qui sont dans le deuil… C’est maintenant que nous pouvons assurer notre amitié avec Dieu.

« Chaque fois que vous le faites à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites. »



HOMÉLIE DOMINICALE

(Homélie du Père Yvon-Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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« C’est bien serviteur bon et fidèle. Entre dans la joie de ton Seigneur. »

La parabole des talents est un hommage à la liberté humaine. Ces talents symbolisent les qualités personnelles que nous avons reçues et les responsabilités qui nous ont été confiées : notre famille, nos voisins, les gens avec qui nous vivons, notre monde et son environnement.

Dieu nous fait confiance et s’en remet à nous. Il nous demande d’utiliser les dons reçus pour le bien de notre petit univers. Il nous veut créatifs et nous invite à mettre de côté la paresse, l’inertie et la passivité afin de faire quelque chose de beau et de bon pour les gens autour de nous. Il nous dit ce matin : «voilà mes dons, mes talents et voilà les personnes que je vous ai confiées. Allez et portez beaucoup de fruits».

Raoul Follereau, l’apôtre des lépreux écrivait dans l’une de ses réflexions : «J’ai rêvé qu’un homme se présentait au jugement de Dieu : «Tu vois, Seigneur, j’ai obéi à ta loi, je n’ai rien fait de malhonnête, de mauvais, d’impie. Mes mains sont propres…» – «Sans doute, répondit le Seigneur, sans doute, mais tes mains, elles sont vides! En fait, tu n’as rien fait, tu n’as rien risqué, rien produit». Dans la parabole des talents, Jésus nous rappelle qu’il n’existe pas de vrai christianisme sans engagement et sans risque.

Le troisième serviteur a été incapable d’apprécier la confiance et l’estime que le maître avait à son égard. Il s’est enfermé en lui-même et il a fini par prendre peur. Il est sanctionné parce que, par crainte de faire mal, il n’a rien fait, par crainte de se tromper et de ne pas réussir, il est resté paralysé. Il a enterré son talent et raté l’examen.

Un deuxième élément important de cette parabole est la distribution des talents. Il faut résister à la tentation de nous comparer aux autres. Il ne s’agit pas des talents des autres mais des talents que Dieu m’a confiés. «Il y a diversité de dons, nous dit saint Paul : à l’un est donnée une parole de sagesse, à un autre une parole de science, à un autre la capacité de se rapprocher des personnes seules, à un autre de l’empathie pour les handicapés, etc.» … Le corps a plusieurs membres mais il forme un tout et tous les membres sont importants bien qu’ils soient différents (1 Corinthiens 12, 4-12).

Selon mes capacités, j’ai reçu un certain nombre de talents. Dans son homélie sur le texte d’aujourd’hui, un prêtre racontait l’histoire d’une mère de famille africaine, qui donnait à ses trois filles trois cruches différentes pour aller chercher de l’eau au puits du village : une cruche de cinq litres à sa fille de seize ans, une de trois litres à celle de douze ans et une d’un litre à le plus petite de sept ans. Toutes les trois participaient au bien-être de la maisonnée.

La parabole nous invite à utiliser le mieux possible, au bénéfice des gens autour de nous, les talents que nous avons reçus, Il ne faudrait pas arriver à la fin de notre vie et dire au Seigneur : Voilà je te remets le cœur que tu m’as donné, je l’ai très peu utilisé afin de ne pas faire d’erreur. La fantaisie que tu m’as confiée, je te la rends comme tu me l’as donnée. Elle  est presque neuve, elle n’a jamais servi. Le jugement portera sur les fruits que nous aurons produits : «Je vous ai choisis pour que vous produisiez du fruit et que votre fruit demeure».

Dans la vie, il nous faut avoir le courage de prendre des risques. Jésus a été très dur pour les pharisiens qui empêchaient tout changement et qui voulaient «ériger une clôture autour de la Loi et des traditions d’Israël» afin de les protéger. Le christianisme n’est pas une religion de musée. Le Seigneur critique les traditions religieuses conservatrices qui refusent d’évoluer, de se développer, de changer selon les besoins du temps. Il nous faut éviter d’éteindre l’Esprit «qui souffle là où il veut et renouvelle continuellement la face de la terre».

À la fin de notre vie, une simple question nous sera posée :

«Est-ce que le petit monde qui nous a été confié par Dieu est plus beau, plus chaleureux, plus juste et plus humain parce que nous avons été là?» Le Christ dira alors : «C’est bien serviteur bon et fidèle. Entre dans la joie de ton Seigneur».



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 8 octobre 2017

27ème Dimanche du Temps ordinaire

(Homélie du père Michel Yvon Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

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Un homme confia sa vigne à des vignerons

Dans la Bible, la vigne est symbole de bien-être, de prospérité et de paix. C’est un lieu de bonheur où l’alliance entre Dieu et l’être humain est vécue à plein. Lorsque les gens se souviennent d’une période de tranquillité et de paix, ils évoquent la vigne : «Il y avait la paix sur toutes les frontières alentour. Juda et Israël habitèrent en sécurité chacun sous sa vigne et sous son figuier, depuis Dan jusqu’à Bersabée, pendant toute la vie de Salomon.» (1 Roi 5, 5) «Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre. Mais chacun restera assis sous sa vigne et sous son figuier, sans personne pour l’inquiéter.» (Michée 4, 3-4) Les fruits de nos talents et de nos efforts, le temps qui nous est donné, l’argent et les biens que nous possédons, tout cela doit servir au bien-être de tous. Lorsque le Christ mentionne la vigne, on s’attend donc à une histoire de paix et de prospérité. Mais dans le texte d’aujourd’hui, les responsables de la vigne ne pensent qu’à tuer pour s’emparer d’un bien qui ne leur appartient pas.

Le premier élément important de cette histoire, c’est que Dieu nous met en charge, nous confie sa vigne. Il veut que nous soyons ses partenaires. Il est donc bon de se demander ce que nous faisons de la vigne du Seigneur. Qu’est ce qui arrive au monde que Dieu nous a confié ? Qu’en est-il de la paix entre les nations, de la distribution des biens de la terre, du réchauffement climatique, de la déforestation, des pluies acides, de la disparition de nombreuses espèces animales ? Ce sont des questions pertinentes pour chacun et chacune d’entre nous responsables de notre terre. Notre qualité de vie est affectée par tous ces problèmes.

 Comme dans la parabole d’aujourd’hui, nous pouvons croire que nous sommes les propriétaires du monde qui nous est confié et tout faire pour garder les fruits pour nous-mêmes d’une manière égoïste, sans penser aux autres et sans nous préoccuper de ce que nous laisserons aux générations suivantes.

 Plusieurs croient qu’en se débarrassant de Dieu, la vigne leur appartiendra. C’est ce que firent Adam et Ève qui suivirent le conseil du serpent : «Vous serez comme Dieu… vous prendrez la place de Dieu… vous serez des dieux.» Nombreux sont ceux qui sont convaincus que Dieu est encombrant, qu’ils n’ont pas besoin de lui. Il n’a pas sa place dans la vie publique, dans le monde de la politique et des affaires. L’évangile de son côté nous révèle que plus Dieu sera présent, plus nous serons en mesure de créer un monde de paix, de fraternité et d’amour.

 Dans la parabole des vignerons, Dieu nous invite à être responsables afin de construire un monde meilleur. Cette responsabilité ne regarde pas seulement les gouvernements et les chefs de communautés mais aussi chacun de nous. Dieu nous confie notre famille, nos enfants et nos petits-enfants, notre monde du travail et celui des loisirs. Nous devrons rendre compte de notre gestion. Les fruits de nos talents et de nos efforts, le temps qui nous est donné, l’argent et les biens que nous possédons, tout cela doit servir au bien-être de tous.

 Le péché des vignerons de la parabole, c’est de vouloir s’approprier les fruits qui ne leur appartiennent pas. Ils veulent gérer la terre à leur seul profit et bénéfice. En réfléchissant sur ce qui se passe dans notre monde d’aujourd’hui, nous nous rendons compte que depuis le temps de Jésus, aucun progrès n’a été fait sur le plan de l’égoïsme et de l’irresponsabilité ! Rien de nouveau sous le soleil !

Le message de la parabole d’aujourd’hui, c’est que Dieu nous a confié le monde dans lequel nous vivons, pour le bien de tous. C’est à nous de répondre à cette invitation avec tous les talents que nous avons reçus.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 1er octobre 2017

Vingt-sixième dimanche du temps ordinaire

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Homélie du Père Yvon-Michel Allard,

(directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada)

 « Lequel des deux fils a fait la volonté du Père »

 Le Christ nous rappelle aujourd’hui que ce qui compte dans la vie, ce ne sont pas les belles paroles mais les actes. On juge quelqu’un sur ce qu’il fait et non pas sur ses bonnes intentions. C’est le fils qui finit par aller travailler dans la vigne qui fait la volonté de son père. Saint Paul disait dans sa lettre aux Romains : «Ce ne sont pas les auditeurs de la parole qui sont justes devant Dieu, mais ceux qui mettent cette parole en pratique» (Rom 2, 13)

Avec Jésus nous ne sommes jamais enfermés dans notre passé. Nous avons toujours une deuxième chance.

L’une des accusations les plus graves que l’on puisse porter contre quelqu’un c’est de lui reprocher d’être riche en paroles mais pauvres en actions : «grand parleur, petit faiseur». L’évangile nous dit la même chose en d’autres termes : «Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur qui entreront dans le Royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père» (Mt, 7, 21). «Celui qui se limite à écouter la parole et ne la met pas en pratique, ajoute Jésus, est comme quelqu’un qui construit sa maison sur le sable…» (Mt 7, 26). Le Christ adresse ce reproche aux pharisiens de tous les temps : «Ils disent mais ne font pas». (Mt 23, 3)

Je relisais dernièrement l’histoire d’un homme qui, suite à un accident d’auto, était obligé de se déplacer en chaise roulante. Ses voisins et ses amis allaient le visiter et en partant, plusieurs disaient : «André, nous allons prier pour toi». Et lui répondait : «C’est bien, mais en fait je peux très bien faire mes propres prières. Si vous voulez vraiment m’aider, lavez la vaisselle qui se trouve dans l’évier et apportez les sacs d’ordures au chemin!» Cet homme avait besoin d’aide et il voulait que les prières et les bonnes paroles de ses amis soient accompagnées des gestes concrets.

L’un des drames de la vie sociale se produit lorsque la parole donnée cesse d’être fiable, de se traduire en actes, lorsque l’on perd confiance dans ce que disent les autres. Nous connaissons bien ce phénomène dans nos sociétés modernes. Nous ne croyons plus aux discours des politiciens, aux promesses de la publicité, aux jugements de certains journalistes. La parole donnée semble avoir perdu sa valeur et, en conséquence, la confiance dans nos représentants, dans nos institutions disparaît. Même dans la vie familiale, tout semble fragile et provisoire. Les promesses et les engagements sont de courte durée.

Le christianisme est exigeant : «Celui qui perd sa vie, c’est-à-dire qui la donne par amour pour sa famille, pour ses amis, pour les autres, la sauvera» (Mt 16, 25). Notre foi chrétienne ne doit pas être une foi de paroles seulement, mais une foi active qui influence tous les aspects de notre vie : la famille, le travail, les loisirs, les relations avec les autres… Le christianisme nous renvoie à nos responsabilités quotidiennes. Il s’agit de «faire» et non de «dire».

Le texte d’aujourd’hui nous rappelle une autre vérité importante pour le Seigneur : dans la vie, les jeux ne sont jamais faits. Il est toujours temps de se reprendre. Quelle que soit notre histoire, quels que soient nos refus précédents, un changement est toujours possible. Avec Jésus nous ne sommes jamais enfermés dans notre passé. Nous avons toujours une deuxième chance. Personne n’est figé dans ce qu’il a fait auparavant. L’avenir reste ouvert.

J’ai lu l’histoire d’une femme condamnée à plusieurs années de prison. Elle s’était prostituée, tout en sachant qu’elle avait le sida. C’était son besoin de drogue qui l’avait poussée à la prostitution. Elle avait reçu une excellente éducation et venait d’une bonne famille. Elle regrettait amèrement d’avoir galvaudé sa vie et elle voulait retrouver l’amour, la paix et le pardon. Elle avoua que c’étaient ces années d’incarcération qui lui avaient permis de sortir de la violence, de la drogue et de l’addiction, une prison pire que celle où elle vivait actuellement. Condamnée à la réclusion, elle y avait retrouvé la fraîcheur de sa jeunesse.

Pour Dieu, personne n’est étiqueté ou figé dans le temps. Il n’y a que des hommes et des femmes en pleine évolution qui avancent ou qui reculent. Les publicains et les prostituées ne sont pas meilleurs que les autres, mais ils entrent dans le Royaume parce qu’à un certain moment, ils ont changé de direction, ils se sont convertis.

La parabole des deux fils est un appel au changement et au renouveau. Dans la vigne du Seigneur, il y aura toujours de la place pour ceux et celles qui répondent à son invitation. C’est ce qui est arrivé à Zachée, Marie Madeleine, la Samaritaine, et tant d’autres.

Les jeux ne sont jamais faits. Il est toujours possible de changer, de repartir à zéro et de nous engager dans les voies de Dieu, c’est-à-dire – pour utiliser les mots de la parabole de l’évangile – de changer d’opinion et d’aller travailler dans la vigne du Seigneur.



HOMÉLIE DOMINICALE

25ème Dimanche du Temps Ordinaire

24 septembre 2017

(Homélie du père Yvon Michel Allard, directeur du Centre biblique des Missionnaires du Verbe Divin, Granby, QC, Canada.)

Allez vous aussi à ma vigne

Pendant trois dimanches consécutifs, nous entendrons trois paraboles de Jésus sur la vigne. Le Christ nous propose aujourd’hui celle des travailleurs embauchés tout au long de la journée, dimanche prochain celle des deux fils à qui le père demande d’aller travailler à sa vigne, et le dimanche suivant, la parabole des ouvriers qui veulent s’emparer de la vigne.

La parabole d’aujourd’hui commence très tôt le matin, sur la place publique d’un village de Palestine. Il s’agit d’une scène que l’on retrouve encore aujourd’hui dans certaines villes et villages de la planète. Les «journaliers» sont là, attendant qu’on les embauche. Je me souviens, lorsque je travaillais au Mexique, je voyais souvent, tôt le matin, sur la place centrale de la ville de Mexico, des dizaines de personnes autour de la cathédrale, attendant qu’on fasse appel à leur service. Chacun arborait sa petite pancarte : plombier, électricien, peintre, menuisier, cuisinière, femme de ménage, etc. Ces gens qui vivaient au jour le jour, de façon très précaire, espéraient que quelqu’un leur donne du travail : «Pourquoi restez-vous là, sans rien faire?», demande Jésus. «Parce que personne ne nous a embauchés».

Le problème du manque de travail est l’une des plaies de notre siècle. Dans les pays industrialisés, des millions de postes de travail ont été supprimés ces dernières années. À travers le monde, la moitié de la population n’a pas de travail fixe et doit survivre avec un salaire de famine d’un ou deux dollars par jour. La parabole des ouvriers de la vigne nous rappelle ce problème permanent.

Le Christ souligne ici trois points importants :

  • Premièrement, tous sont invités à travailler dans la vigne du Seigneur. Dans cette vigne, il n’y a pas de chômage et il n’est jamais trop tard pour répondre à l’invitation de Jésus.
  • Ensuite, à l’heure de la paye, nous sommes assurés que le Seigneur nous donnera un salaire équitable et généreux : «Allez à ma vigne et je vous donnerai ce qui est juste».
  • Finalement, et c’est probablement le point et le plus important, même si nous n’avons pas travaillé toute la journée – à cause des circonstances de la vie, ou encore par négligence, insouciance ou manque d’intérêt -, le Seigneur continue à nous inviter. Nous ne sommes jamais trop âgés pour reprendre le travail ou pour nous joindre aux autres travailleurs.

Si nous n’avons pas toujours été très vaillants au cours de notre vie, nous avons de bonnes chances de devenir nous aussi des ouvriers de la dernière heure. Lorsque les rides s’accentuent sur notre visage, lorsque la fatigue et la faiblesse s’emparent de nous, lorsque notre soleil est sur le point de disparaître à l’horizon, le Seigneur nous redonne confiance et nous invite à nouveau : «allez-vous aussi à ma vigne».

Nous qui pensions être des ouvriers de la première heure, nous nous rendons compte que nous n’avons pas fait grand-chose jusqu’ici. Avec humilité, nous devons nous ranger parmi les ouvriers de la fin du jour, à côté des fainéants et des pécheurs, conscients d’avoir fait si peu au cours de notre vie, mais comptant sur la miséricorde et la bonté de Dieu. Le matin, le midi ou le soir de notre vie, le Seigneur nous invite à sa vigne et nous promet un salaire juste et équitable. Cette parabole de Jésus met en évidence la comptabilité de Dieu face à notre comptabilité souvent mesquine. Il n’y a pas de prime d’ancienneté dans la vigne du Seigneur mais il y a toujours un salaire généreux à la fin de la journée.

Pour Dieu, nous ne sommes ni des mercenaires, ni des employés, mais des amis: «Mon ami, faut-il que tu sois jaloux parce que je suis bon ?» L’amitié, la tendresse et l’amour guident le comportement du Seigneur. S’il agissait selon notre mentalité mercantile, le journalier qui n’a travaillé qu’une heure retournerait à la maison les mains presque vides et ne pourrait nourrir sa famille. Dieu a donc pitié de lui, de sa femme et de ses enfants. Il ne s’agit pas de justice distributive mais de générosité gratuite. «Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que je suis bon ?» Notre Dieu est un  Dieu qui répand ses bienfaits à profusion, qui «appelle» et «invite» à toute heure, à tout âge, dans toutes les situations…

Il y a des chrétiens qui croient que la religion c’est ce que nous faisons pour Dieu. En fait,  la religion c’est en ce que Dieu fait pour nous. Dieu accueille l’enfant prodigue, recherche la brebis perdue, donne une autre chance au figuier qui ne porte pas de fruits, ouvre le paradis au bon larron, mange avec les publicains et les pécheurs, engage la conversation avec la Samaritaine, réintègre Marie-Madeleine à la communauté, protège la femme adultère, sort les lépreux de leur isolement, pardonne à Pierre après son reniement, choisi Paul de Tarse, le persécuteur, etc., etc.

Nous sommes invités nous aussi à entrer dans la vigne du Seigneur, lieu de bonheur et d’alliance avec Dieu et avec les autres, symbole de la bonté et de la générosité de Dieu : « Allez vous aussi à ma vigne »