HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 10 février 2019

5ème Dimanche du Temps Ordinaire

(Homélie du père Charles André Sohier,  prêtre ermite)

Un des mots importants de l’évangile de Luc, – il revient douze fois – , c’est « aujourd’hui ». En 2019 comme au premier siècle, Jésus arpente toujours nos rivages et nos chemins, entre dans les maisons, passe dans les lieux de travail ou de loisirs. Comme au temps d’Isaïe, il assainit les lèvres impures et accepte que des pécheurs pardonnés s’offrent comme volontaires à son service.

Paul, – il se qualifie d’« avorton », lui qui a « persécuté l’Église » – , rend témoignage à la grâce de Dieu qui a fait de lui un témoin du Ressuscité. De même, la pêche miraculeuse n’est pas un miracle éblouissant et exceptionnel à garder dans les tiroirs d’un lointain passé. Bien plus qu’un prodige elle est un récit où chaque détail renvoie à une expérience spirituelle, où chaque trait nous invite à descendre plus profondément dans notre cœur. Voyons plutôt.

Aujourd’hui le Seigneur rencontre des hommes et des femmes qu’il appelle à le suivre. Et d’abord par une expérience qui déchire la trame monotone des jours ordinaires. Pour un instant, l’homme fait l’expérience de la Présence divine. La perception fulgurante du Dieu trois fois saint qui fait prendre conscience à Isaïe sa condition de pécheur, nous pouvons la vivre ou nous la vivons par instant, à notre manière. Le Seigneur peut nous rejoindre jusque dans notre métier comme Simon-Pierre, jusque dans nos endurcissements comme Paul en route vers Damas.

Aujourd’hui encore, le Maître rencontre des « pêcheurs » compétents, bien formés et entreprenants. Ils sont suivi tous les cours de recyclage et sont convaincus de l’excellence de leurs options apostoliques. Ils ont élaborés projets et plans intelligents. Et les voici, rentrant bredouilles et découragés, les filets désespérément vides, humiliés et dépités. C’est qu’à vrai dire, ils n’avaient compté que sur leurs propres forces et sur leurs certitudes humaines. Ils rêvaient de succès et n’ont ramené, au bout de longues attentes et d’efforts persévérants, que les nasses de la déconvenue.

C’est l’heure alors d’écouter la Parole du Seigneur : « Avance en eau profonde ». Il nous faut aller au large, au risque des eaux profondes qui évoquent les monstres marins et gouffres abyssaux, royaume des esprits mauvais, de Satan et de la mort. « Avance en eau profonde et capture vivants les hommes » que tu sauveras du mal et de la mort.

C’est l’heure où nous laisserons Dieu prendre l’initiative dans nos vies et accorder à nos actions une fécondité inespérée. Il nous donnera la force de prendre le risque de la confiance, d’affronter le monde et ses dangers d’incompréhension, de malveillances, d’échec et de martyre. Car l’important n’est pas de réussir. Ce qui compte c’est de faire confiance, d’ajuster nos vies à ce que nous percevons de l’appel de Dieu. Sur les lieux mêmes de nos échecs, voici que le Seigneur nous invite à repartir pour tendre nos filets en nous confiant à lui. Et se confier à lui, c’est d’abord prendre le temps de la prière silencieuse,,, se laisser aimer et et aimer.

Les hommes auront leurs caprices et leurs refus. Le lac aura ses bourrasques et ses fureurs. Nos efforts paraîtront souvent vains. Mais nous resterons dans la paix des profondeurs. Mais nous recevrons la joie de Jésus. Dans l’abîme intérieur où nous nous rendons, Il est là, qui déploie sa présence aimante et silencieuse. Nous n’avons plus à nous inquiéter des nuits sans prise. Nous savons qu’au matin Dieu saura les remplir comme jamais.

Oui, laissons-nous convoquer autour du Seigneur – Parole et Pain – qui vient ouvrir nos existences étroites à l’irruption du seul bonheur durable.