HOMÉLIE DOMINICALE

Solennité de l’Épiphanie

 06 janvier 2019

(Homélie du père Charles André Sohier, prêtre ermite)

Le message de cette fête de l’Épiphanie est immense. Il donne le dernier mot de l’histoire humaine, puisque qu’il annonce la réconciliation finale des frères ennemis, qui, depuis les origines ne cessent de s’affronter. Dès son début, l’histoire est faite de violence et de fureur.

Isaïe, dans une page d’un lyrisme chatoyant et saisissant, annonce la fin des conflits, la marche pacifique de toutes les nations qui convergent vers Jérusalem, un grand déplacement du monde entier vers la lumière qui se lève en Israël.

Paul lui, voit dans cette unité finale des hommes le mystère par excellence, caché depuis toujours et pourtant secrètement à l’œuvre dans l’histoire du monde. Pour le dire autrement, ce mystère caché, c’est celui du cheminement de l’amour, qui, contre toute apparence, se fraie un chemin à travers nos violences, pour avoir finalement le dernier mot.

Matthieu, dans son évangile, nous propose des images beaucoup plus modestes. Il nous dit que des mages viennent, du côté où la lumière se lève. Ces astrologues païens se sont mis en route, guidé par une étoile. Leur religion « astrale »,est devenue pour eux la voie du salut. Aujourd’hui comme hier, il y a ceux « qui savent », comme « ces chefs des prêtres et les scribes d’Israël », et qui sont enfermés dans leurs certitudes, leur intime conviction ; ne laissant plus à Dieu la chance de se manifester comme il l’entend, ni où il l’entend. ? Ne pourrait-on pas y voir tous les intégrismes religieux , si dangereux quand ils justifient au nom de Dieu, la violence et le meurtre.

Une foi vraie doit se faire humble, intégrer la raison toujours et accepter le doute comme le chemin indispensable…Sans cela, les fondamentalismes religieux ouvrent la porte à des conflits sans merci, à des horreurs sans nom.

Il y a aussi ces « Hérode », nombreux, qui se font de Dieu un ennemi, un concurrent. C’est lui ou eux ! Et ils sont prêts, car il y a également des intégristes laïcs et athées, à écraser dans l’œuf toute forme de foi. Au nom d’une fausse tolérance, n’assistons-nous pas à longueur de médias au déferlement d’un anti-christianisme primaire dans nos sociétés occidentales ?

Et puis, il y a les mages, et nous devons les regarder : ils ont tant de choses à nous apprendre. Pour accéder à Dieu, nos mages se retrouvent à Jérusalem et doivent faire un détour par la découverte de la Bible. Ils se rendent alors à Bethléem, « voient l’enfant avec Marie sa mère et, tombant à genoux se prosternent devant lui. Ils ouvrent leurs coffrets et lui offrent leurs présents. » « Ils regagnent leur pays par un autre chemin ». Si notre monde se cherche et « gémit dans les douleurs de l’enfantement », les mages se penchent sur l’humanité qui naît pour nous faire percevoir, dans la mondialisation de notre terre, les pas décisifs de la manifestation de Dieu à tous les peuples de la terre.

Lorsque les hommes de toutes cultures, langues et peuples, croyants ou non, apprennent à vivre ensemble, à se doter d’organisations régulatrices et à faire progresser, tant bien que mal, la paix et la justice (l’une ne va pas sans l’autre) au cœur des différences, Dieu se manifeste aux peuples de la terre et son royaume fraternel avance.

La mondialisation,si nous la vivons dans la sagesse et le respect des travailleurs et des petits, pourrait bien être une des étoiles, un des signes par lesquels Dieu nous dit aujourd’hui que sa manifestation aux peuples passe par le respect tenace des différences et par le dialogue. Marchons à la clarté de « l’étoile du matin qui se lève dans nos cœurs », comme le dit saint Pierre. C’est une toute petite lumière, fragile comme un nouveau-né, mais, comme lui, remplie de promesses.