HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 30 décembre 2018

Fête de la Sainte Famille

Homélie du père Charles André Sohier, prêtre ermite

Contemplons, en ce temps de Noël, la sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, et, à travers elle, notre monde d’aujourd’hui. La famille, toute famille est un lieu de passage. C’est à travers elle qu’on pénètre dans le monde, mais il faut en sortir un jour pour prendre sa propre place dans la société. Il en va de même pour l’appartenance à un peuple ou à une nation, qui devrait introduire à la grande famille humaine plutôt que de conduire à un nationalisme étroit exclusif. Les moments de rupture sont nécessaires à la croissance, tout comme la sortie du sein maternel est nécessaire à la naissance.

Le récit de l’Évangile d’aujourd’hui décrit quelques-unes de ces ruptures et en annonce de plus radicales. Contemplons d’abord les yeux de l’enfant Jésus. Ces yeux qui découvrent le monde dans lequel il venait de naître. Ces yeux qui découvrent les personnes et les choses qui l’entourent. Ces yeux certainement remplis d’émerveillement comme tous les yeux d’enfants. Ces yeux qui découvrent le regard de tendresse de Marie et de Joseph. Lui qui nous apprendra, dans sa bonne Nouvelle, à changer notre regard. Lui qui nous invitera à regarder les autres à SA manière. Ses yeux qui impressionnent tant les docteurs, et qui disent à Joseph et Marie une autre paternité que la filiation simplement humaine…

Les yeux de Marie et de Joseph, ensuite regardent avec tendresse, amour et anxiété, leur fils imprévisible , qui déjà leur échappe, l’Évangile nous dit que Marie garde toutes ces choses dans son cœur. Apprenons d’elle à écouter, et à garder dans notre cœur ce que nous ne comprenons pas de la Parole de Dieu, ni de tous les événements que cette Parole doit éclairer en nous et qui pourtant porteront du fruit s’ils rencontrent en nous un cœur ouvert.

Saint Luc nous fait découvrir aussi les yeux des docteurs de la Loi qui sont émerveillés par l’intelligence et les réponses de Jésus et qui voient déjà quelque chose de grand en lui. Mais déjà se laisse entrevoir la lutte à mort que lui livreront ces mêmes docteurs lorsqu’ils commenceront à le percevoir comme une menace. Et pourquoi sera-t-il pour eux une menace ? – Simplement parce que tout ce qu’il enseignera sur son « Père », bousculera leur enseignement sur Dieu et rendra obsolète leur univers religieux.

Nos yeux à chacun de nous deviendront enfin des yeux de Noël quand ils regardent non pas seulement le monde du temps de Jésus, mais notre monde actuel tel qu’il est. En cette fête de la sainte Famille, avec nos yeux de Noël, accueillons nos familles telles qu’elles sont :

– unies
– désunies
– reconstituées

Nos yeux de Noël doivent d’être des yeux remplis d’amour, qui ne jettent pas sur notre famille un regard de condamnation, mais bien plutôt un regard fraternel, un regard bienveillant, un regard d’amour. Nos yeux de Noël n’ont pas de droit de laisser de côté qui que ce soit et certainement pas un membre de notre famille. Que tous ces yeux de Noël nous fassent aller jusqu’au plus profond du mystère : « Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils… » Accueillons-le dans la foi et avec amour dans cette eucharistie où il se donne aujourd’hui.