1er dimanche de l’Avent C
02 décembre 2018
(Homélie du père Charles André Sohier, prêtre ermite)
Notre existence humaine est mesurée par la ronde du temps. Le mouvement de la terre autour du soleil crée la mesure que nous appelons une année. La révolution de la lune autour de la terre est la base de ce que nous appelons un mois. Le mouvement rapide de la terre sur elle-même est appelée jour; et nous divisons ce jour en heures et en secondes. Dans les civilisations anciennes, ce mouvement périodique était considéré comme une disposition arbitraire des astres. On jugeait qu’il y avait des temps propices et des temps néfastes. L’homme se sentant impuissant devant les forces de la nature essayait de fuir le flux du temps en se réfugiant dans des cycles cosmiques sacralisés où il pourrait être prétendre avoir une certaine influence de type magique. Remarquons que beaucoup (et de plus en plus ?) de nos contemporains en sont ncore là…
Pour Israël, cet effort de fuir le temps réel en lui substituant un temps sacré est une illusion ; car Israël était convaincu que tout événement de l’histoire est une révélation de Dieu. C’est Dieu qui conduit son peuple, qui le libére ou le punit. Il est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de la sortie d’Egypte tout autant que celui de l’exil à Babylone.
Bien des prophètes avaient annoncé la destruction du Temple comme conséquence de la rupture de l’Alliance avec Dieu. Lors de sa dernière montée à Jérusalem Jésus fait de même. Il annonce que le Temple de Jérusalem, centre de tout le culte d’Israël, sera détruit, et qu’il n’en restera pas pierre sur pierre. Ses auditeurs lui demandent alors, quel sera le signe de cette libération du Peuple de son esclavage et de la restauration du véritable Israël qui adorera Dieu en esprit et en vérité (Luc 21,7).
C’est alors que Jésus prononce ce long discours eschatologique . Il ne décrit pas la « fin du monde », comme nous l’avons souvent compris. Il décrit, de façon symbolique, le désordre établi au cœur de l’humanité par sa cupidité et son irresponsabilité. S’il nous faisait le même discours aujourd’hui, il nous parlerait sans doute des guerres engendrées par la soif du pouvoir ou des richesses, sans compter l’oppression et la souffrance dues aux disparités entre les privilégiés et les exclus dans toutes les sociétés, y compris les mieux nanties, causes profondes du terrorisme. Il dénoncerait les gaspillage insensé qui pollue notre petite planète bleue pour des profits à (très) courte vue.
Mais Jésus n’en reste pas là. Il annonce la délivrance : « Alors on verra le Fils de l’Homme apparaître à travers la nuée ». Il ne dit pas: « Écrasez-vous, alors, car c’est la fin du monde ». Il dit plutôt : « Redressez-vous, relevez la tête, car votre délivrance est proche ».
Jésus annonce la libération réalisée par le Fils de l’Homme, c’est-à-dire par l’humanité transformée par la présence en son sein du Fils de Dieu fait Homme – par cette humanité nouvelle faite de ceux qui vivent de son message, selon les béatitudes, ceux qui sont pauvres, humbles de cœur, artisans de paix, assoiffés de justice et prêts à subir les persécutions.
Jésus termine par une recommandation très importante: « Tenez-vous sur vos gardes ». C’est une recommandation qu’Il fait plusieurs fois vers la fin de sa vie. À quoi faut-il prendre garde maintenant ? A toutes les formes de désordre dans la vie privée (égocentrisme, individualisme, avidité, cupidité) qui engendrent les situations sociales catastrophiques qu’Il vient de mentionner. Son discours se termine non par l’appel à la crainte et au tremblement, mais par la confiance que donne cette entrée fulgurante du Fils de l’Homme dans l’histoire, à travers l’action de ses disciples pour défendre l’homme. Il les appelle à se tenir debout devant lui, dans l’attitude qui exprime la dignité qu’Il leur a redonnée en devenant l’un d’entre eux.
Nous pouvons tous faire quelque chose dès aujourd’hui. Pour changer le monde, commençons courageusement par nous changer chacun personnellement.
En ce temps de l’Avent, tenons-nous debout pour que le présence du Ressuscité nous pénètre et nous transforme et, qu’à travers nous, il continue et achève la libération de tous les esclavages, de toutes les souffrances, de toutes les violences et de toutes les oppressions engendrés par nos péchés.