HOMÉLIE DOMINICALE

29e dimanche dans l’année B

21 octobre 2018

(Homélie du père Charles André Sohier, prêtre ermite)

Il faut l’avouer, l’évangile est décapant. Saint Marc, aujourd’hui, nous place devant un problème aussi sensible que celui de l’argent dont il parlait dimanche passé. Jésus nous dit ce qu’il pense du pouvoir : « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur… celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous ». Ne sourions pas de la demande des deux frères Jacques et Jean. Les fils de Zébédée, cousins de Jésus, voudraient obtenir les meilleures places dans le Royaume de Dieu. Ne nous en amusons pas.

 Tous les êtres humains cherchent à dominer, à se placer aux premiers rangs. La passion la plus élémentaire n’est sans doute pas, comme le pensait Freud, la pulsion sexuelle. Son disciple Adler y voyait plutôt la volonté de puissance. Notre société ne se gêne pas pour attiser ce désir, jusqu’à la frénésie. Elle adule les premiers, les plus forts, les plus riches, les plus beaux, les winners, gagnants, les battants. Les premières places : que ne fait-on pas pour y arriver ? Tous ne les atteignent pas, mais tous, de manière plus ou moins avouée, en rêvent.

Face à ce besoin de la nature humaine, Jésus répond en rappelant un enseignement de base, que nous avons tant de mal à mettre en oeuvre. Pas plus que l’argent, l’autorité n’est mauvaise en soi. Mais pour Jésus, la situation de responsabilité n’est pas d’abord une domination, mais un service plus étendu. Ceux qui sont grands devant Dieu, ce ne sont pas ceux qui se font servir, mais ceux qui servent. Ceux qui seront aux bonnes places, ce ne sont pas ceux qui se contentent d’en rêver, mais ceux qui imiteront le Christ, en buvant la coupe des épreuves comme lui, en devenant serviteur comme lui.

Servir de façon désintéressée, dans l’oubli de soi jusque dans la souffrance face aux ingratitudes ou aux agressivités, ce n’est pas facile. Que de gens se disent au service des autres, et ne le sont que fort peu. Les partis politiques se disent au service des citoyens, les syndicats affirment être au service des travailleurs, les médecins se veulent au service des malades, les professeurs au service des élèves, les parent au service des enfants, les curés au service des paroissiens, les cardinaux au service du peuple de Dieu… mais qu’en est-il dans la réalité ?

Les meilleurs chefs sont ceux qui savent faire participer leurs subordonnés. Les meilleurs professeurs sont ceux qui savent susciter l’initiative de leurs étudiants. Les meilleurs paroisses sont celles où les fidèles participent le plus à tous les services. Le mot latin « auctoritas » (autorité) vient de la racine faire croître (« augere »), augmenter. Pour Jésus, c’est bien cela : l’autorité est le service qui aide les personnes à grandir, à devenir elles-mêmes responsables. Le vrai chef est celui qui sait écouter, comprendre, mettre en valeur et respecter .

Ce n’est pas facile. C’est une grâce à demander. Et la raison fondamentale de cette conception radicalement nouvelle du pouvoir, c’est tout simplement d’imiter Jésus. « Le Fils de l’homme est venu pour servir... » Et moi ? Qui ai-je à aimer, à servir, à valoriser, à promouvoir ?