HOMELIE DU PERE XAVIER

Dimanche 21 août 2016

Vingt et unième dimanche du temps ordinaire – Année C

Si vous vous rendez prochainement dans un cimetière, et si vous avez du temps devant vous, je vous invite à parcourir les allées en portant votre attention sur les signes, les dessins que l’on a fait figurer sur les pierres tombales. Au cours de votre petite promenade, regardez particulièrement les tombes les plus récentes, regardez ce que l’on a gravé dans le marbre. Sur un tombe, vous pourrez voir un motard sur sa moto, sur une autre un accordéoniste, sur une autre encore un pécheur à la ligne ou un chasseur avec son fusil. On se dit tout de suite que la personne enterrée-là était passionnée par la moto ou la pèche à la ligne, ou bien qu’elle a beaucoup égayé les fêtes du village en jouant à l’accordéon.

La tombe est normalement l’expression de la Foi en la vie éternelle, du moins pour les baptisés. C’est pourquoi sur la tombe des baptisés, il y a une croix, bien visible, pour manifester qu’il s’agit de la sépulture d’une personne pour qui notre Seigneur Jésus a donné sa vie sur la croix afin que cette personne soit sauvée. La croix sur la tombe exprime que la personne a commencé à accueillir le salut offert par le Christ en étant baptisée et qu’elle n’a pu espérer être définitivement sauvée que par Jésus et sa croix. Sur la tombe des baptisés, lorsqu’il n’y a plus ce signe, et qu’à sa place on fait figurer des représentations de ce qui a passionné les gens sur la terre, on ne se tourne que vers les souvenirs du passé et il n’y a aucune espérance en une vie éternelle. Certains disent : « Il doit maintenant être au paradis des accordéonistes, des pécheurs à la ligne… ». On parlait ainsi jadis, avant le christianisme, au temps de la mythologie. Voir des baptisés avoir une telle attitude aujourd’hui est un grand signe de déchristianisation. Le paradis, aller au ciel, c’est une chose sérieuse. C’est sérieux, mais pour considérer qu’il s’agit d’une chose sérieuse, il faut que l’on éprouve la nécessité d’être sauvé. La question centrale est là : aujourd’hui, dans notre monde, éprouve-t-on le besoin fondamental d’être sauvé ?

Face à cette question, on observe deux courants qui rassemblent une foule de personnes. Le premier courant rassemble ceux qui ne croient pas, ou plus, en la vie éternelle. Pour eux, seule compte cette vie ici-bas. Ils se disent qu’il faut vivre le mieux possible sur cette terre, et pour cela on peut même avoir une morale, une sagesse de vie, mais seulement pour les jours qui s’étirent jusqu’à la mort. Pour eux, pas de Sauveur à envisager, pas de salut à attendre. Le deuxième courant rassemble ceux qui croient en la vie éternelle, qui envisagent la vie avec Dieu après cette vie terrestre. Ils se disent optimistes, regardent Dieu comme un grand père Noël qui ne gronde personne et fait des cadeaux à tout le monde. Pour ces gens-là, il y a bien un paradis, et ce paradis, puisque celui qui y règne est un père Noël, est le lieu où tout le monde aboutit automatiquement.  Leur credo, c’est : « On ira tous au paradis » comme dit la chanson. En ce cas, on n’a pas besoin d’être sauvé puisque, après la vie ici-bas, c’est le paradis pour tous, selon eux. Mais ont-ils bien écouté Jésus dans l’Evangile ? Ce que dit Jésus dans l’Evangile, c’est ce que nous écoutons dans nos églises ce dimanche : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ». Cette parole est la réponse à une question que quelqu’un était venu lui poser : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? ». Jésus répond en mettant en garde. Il n’adopte pas le ton rassurant de celui qui voudrait qu’on ne s’inquiète de rien. Au contraire, Il annonce qu’il y a une porte étroite, et que pour y passer, il faut faire des efforts : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ». Le fait qu’il y ait une porte étroite signifie-t-il que notre Seigneur se plaise à nous rendre très ardu l’accès au Royaume des Cieux ? Comment accorder cette image de la porte étroite avec celle de Jésus qui ouvre ses bras pour nous accueillir ? Ailleurs dans l’Evangile, jésus dit qu’Il est la porte des brebis (cf Jn 10,7) et qu’il faut passer par Lui. Aujourd’hui, Il nous précise une caractéristique de la porte : elle est étroite. Jésus est-il un amour étroit ? Non, nous sentons bien, cela ne peut pas être compris ainsi, l’amour ne peut être que vaste, sinon il n’est pas l’amour. Que dire alors ? La porte est étroite pour celui qui est encombré. Celui qui a fait une rencontre personnelle véritable avec Jésus, une rencontre inoubliable, semblable à la première rencontre de chacun des apôtres avec Jésus de Nazareth, celui-là comprend que sa raison de vivre, c’est ce Jésus. Quel que soit son état de vie, qu’il soit marié, célibataire, consacré, veuf, s’il a vécu une rencontre personnelle avec le Seigneur, se sachant regardé par Lui, se sachant appelé à tout vivre avec Lui, en fonction de Lui, alors il ne veut que le Christ pour Sauveur. La seule Espérance devient Jésus, il ne s’encombre pas avec les mille illusions de ce monde qui veulent nous arrêter à elles, qui nous font croire que notre vie dépend d’elles. Nous ne devons dépendre que du Christ et non de ce que le monde nous promet. Ce monde ne nous donnera pas la Vie en plénitude, ne nous sauvera pas. Seul le Christ donne la Vie en plénitude, seul le Christ sauve.

Les promesses de ce monde sont illusion et mensonge, mais elles sont séduisantes. Elles sont séduisantes comme une belle avenue spacieuse, éclairée, engageante, qui semble mener quelque part, mais qui a comme issue un précipice. Le petit sentier à côté n’est pas engageant, il semble mener dans l’inconnu, et pourtant c’est lui le chemin de la Vie éternelle, ainsi que le dit Jésus : « Large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui s’y engagent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent » (Mt7, 13-14). Jésus sait ce qu’il y a dans l’homme (cf Jn2, 25), Il nous connaît. Il sait que nous sommes facilement séduits par ce qui va dans le sens de la facilité, du chemin large et spacieux. Il y a un chemin resserré, une porte étroite, et Jésus veut que notre lien avec Lui soit resserré, que nous soyons dans une relation toujours plus étroite avec Lui, que grandisse l’amitié avec Lui. Jésus attend que nous tous, ses disciples, nous ne vivions que de Lui, que nous n’ayons d’autre espérance que Lui, qu’Il soit reconnu par nous comme le Sauveur qui nous passionne. Si nous sommes passionnés par Lui, alors nous serons attentifs à ce qui nous semblait des détails. Nous verrons qu’Il porte à son côté une étroite blessure : c’est la porte étroite qui conduit à son Cœur plein d’amour, porte étroite qui conduit à son Cœur plein d’amour, porte étroite révélée comme un secret à ceux qui sont ses amis. Amen