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HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 14 mai 2017

Cinquième dimanche de Pâques 

(Homélie du père Charles-André Sohier, prêtre ermite)

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Ce soir là, Thomas a posé à Jésus la grande question, l’unique interrogation qui travaille toute l’humanité : « Nous ne savons pas où tu vasQuel est le but de la vie ? Le bonheur a-t-il un avenir ?

Aucun homme ne peut vivre sans se donner des projets. Mais beaucoup se contentent d’objectifs à court terme : gagner de l’argent, élever une famille, progresser dans une profession ou une carrière… Mais un jour ou l’autre, l’homme est acculé à se poser la question plus radicale, à long terme : « Où allons-nous ? Vers quelle fin ultime nous dirigeons-nous ? » Gagner de l’argent, mettre au monde des enfants, améliorer la société et même aimer, que signifient tout cela, si c’est pour finir dans la déchéance de la tombe ou le feu d’un crématoire ? Les entreprises limitées peuvent donner à nos journées un premier sens immédiat. Mais à tout homme qui réfléchit, elles laissent un arrière-goût d’éphémère. Elles sont incapables de combler totalement notre soif de bonheur infini.

Jésus, lui, sait vraiment où il va. Si vous preniez le temps de colorier légèrement le mot Père sur cette page d’évangile, vous verriez apparaître, dans ces quelques versets, dix flammes d’amour. Jésus ne cesse de parler du Père. Oui, nous aussi, par Jésus, dans le baptême, nous sommes nés dans le cœur de ce Dieu-Père. Et à sa suite, nous retournons, nous aussi, vers le Père. C’est Lui le terme du voyage, c’est Lui le but final de notre vie. Il nous a préparé une place d’éternité dans son cœur. Au terme de notre route humaine, ce n’est pas le néant absurde, comme le pensent les athées, c’est Quelqu’un qui m’attend, qui me désire d’amour et qui m’ouvre les bras pour m’introduire dans sa maison paternelle. Notre vie a un sens. « Ne soyez pas bouleversés. Je pars vous préparer une place. Je reviendrai vous prendre avec moi. Et là où je suis vous y serez vous aussi. » Jésus n’est pas la petite sente qui finit par se perdre dans la forêt, mais une route sûre, la voie royale, qui mène à la maison aux multiples demeures de son Père et de notre Père.

Et c’est pas seulement pour demain. « Le Père, vous le connaissez dès maintenant », dit Jésus à Philippe. Qui m’a vu a vu le Père. La foi est l’anticipation du futur. Tous les hommes rencontreront un jour ce Dieu Père qu’ils ignorent si souvent ici-bas. Et ce sera l’immense regret de ne pas l’avoir connu plus tôt.

Mais toi, si tu crois, si tu le veux, tu connais déjà cet amour fantastique qui peut totalement combler un cœur, dès maintenant. Et alors, dans la mesure de cette communion d’amour avec le Père par Jésus, il nous sera donné d’être nous aussi l’épiphanie du Père, en révélant sa tendresse.



HOMÉLIE DOMINICALE

Dimanche 23 Avril 2017

DEUXIÈME DIMANCHE DE PÂQUES

« Voir et Croire »

Par le père Charles-André Sohier, Prêtre ermite et Webmaster de http://kerit.be/

Ces deux mots sont souvent associés dans l’évangile de Jean. Et c’est vrai pour le passage d’évangile que nous venons de lire. « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu », dit Jésus ressuscité à Thomas. Certes les apôtres, puis thomas, huit jours plus tard, ont vu Jésus dans son corps marqué par la passion. Ils ont cru, assurément, ensuite; ils « furent remplis de joie», nous dit l’évangile.

Ce qui semble donc caractériser tous les récits d’apparition : c’est qu’on voit mais qu’il faut croire aussi, deuxième étape en somme – croire est plus que voir. Jean arrive au tombeau, le matin : « il vit et il crut », dit l’Evangile ; non pas : il vit, il constata, d’une évidence scientifique en somme, après laquelle il n’y aurait pas à faire ce saut en avant qu’est croire. Marie Madeleine, elle, « reconnaît » Jésus, après avoir vu quelqu’un mais confusément d’abord, pas encore reconnu donc, parce… qu’un mort ne peut être vivant bien sûr. Et c’est la même chose pour les disciples au soir de Pâques : ils « voient ses mains, son côté », après seulement vient l’envahissement de leur cœur : « ils sont remplis de joie » ; ils croient. Thomas enfin : il voit, il touche, et que lui dit Jésus ? Non pas : tu vois maintenant. Mais : « crois », « ne sois plus incrédule mais croyant ». Et le voici croyant quand il tombe aux pieds de Jésus clamant « Mon Seigneur et mon Dieu ». Il y a bien toujours deux étapes : voir, recevoir un témoignage direct, et croire, qui va bien jusqu’à Dieu même, hors de notre prise humaine ordinaire en tout cas.

Mais n’est-ce pas de nous qu’il s’agit dans ce fameux : « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu » ? Sans avoir vu du tout, cette fois. Mais ce n’est pas tout à fait exact : la nouvelle de la résurrection du Christ nous est parvenu par le témoignage que nous avons lu ou entendu, par la tradition des écrits évangéliques, qui nous ont mis à l’écoute de l’enseignement des apôtres, une vie concrète dans la communion fraternelle, le repas eucharistique, la participation aux prières dont nous parlait le première lecture. Ce n’est donc pas tellement moins que ce qui a atteint les premiers disciples. Mais, comme eux, aussi, guère moins équipés qu’eux, nous sommes invités au grand dépassement, à la grande confiance, qu’est croire.

Et c’est cela que nous vivons tous les jours, en adorant, en priant, gardant en mémoire l’histoire évangélique, la passion et les semaines après la mort de Jésus, tout en restant ouverts à une rencontre dans la foi avec le Christ ressuscité. Oui, frères et sœurs, « nous tressaillons d’une Joie inexprimable qui nous transfigure » (2e lecture) parce que notre foi en Jésus, notre amour pour le Seigneur est une véritable rencontre qui nous est donnée et se laisse recevoir, une paix qui nous est communiquée et qui ne peut nous décevoir.

Et pourtant, il nous faut parfois être attristé, pour un peu de temps, par toutes sortes d’épreuves. La souffrance morale, la douleur physique ne nous sont pas épargnées et le présent peut se mêler au regret du passé et à l’angoisse pour l’avenir. Mais comme l’écrivait Olivier Clément dans un article : « l’espérance vient en nous quand notre désespoir ne se ferme pas sur lui-même mais se fait ouverture déchirante à Celui qui se crucifie avec nous pour nous ouvrir en Lui ; dans l’Esprit Saint, des voies de résurrection. » Dieu nous appelle à ce moment-là à nous dépasser et à nous décentrer totalement pour ne trouver qu’en Lui seul notre point d’appui et notre sécurité.

« La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux » (psaume 117).